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La grande distribution taille dans les références

Les enseignes disent que cette nouvelle politique permet de se concentrer sur les produits à forte rotation, de réduire les coûts et d’offrir des produits à très bon rapport qualité-prix. Les fournisseurs y voient un moyen d’augmenter les droits d’entrée, les marges arrière et les droits de référencement.

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Grande distribution

Trouver ses marques préférées sur les étalages des magasins de la grande distribution devient de plus en plus difficile. Il ne s’agit pourtant pas de ruptures de stocks, mais plutôt d’une nouvelle tendance chez les opérateurs du secteur qui consiste à réduire les références dans leurs points de vente. A en croire des professionnels, la réduction du choix des produits se révèle très rentable. «Il ne s’agit pas là d’une stratégie marketing, mais plutôt d’une politique d’optimisation», explique un opérateur avant d’ajouter que «la réduction du coût obtenue en passant par exemple de 80 000 références à 50 000 nous permet de nous concentrer sur les produits à forte rotation et de réduire les coûts de stockage et de commande». Limiter le choix des produits et avoir par ricochet un nombre de fournisseurs réduit permet aussi aux opérateurs aujourd’hui de mieux négocier leurs marges puisque les quantités achetées de chez un fournisseur donné deviennent plus significatives. Cette politique s’avère également rentable pour les fournisseurs privilégiés qui ont désormais la possibilité d’écouler un volume important par supermarché et réaliser des économies considérables sur les coûts logistiques. «Le client trouve également son compte dans cette nouvelle politique», ose un opérateur. La réduction des références permet de simplifier le choix des consommateurs et de leur offrir un produit avec un très bon rapport qualité-prix. «Certaines marques sont plus demandées que d’autres. Le choix des clients se limite généralement à 2 ou 3 marques. Dès lors, nous avons établi nous mêmes cette sélection en mettant en place une short list afin d’améliorer l’offre proposée en matière de qualité mais également de prix», explique l’opérateur qui soutient que cette nouvelle tendance ne pourrait pas avoir d’effets négatifs. A la crainte de voir se créer une sorte de monopole dans les supermarchés, il rétorque qu’«aucun produit n’est indispensable sur les étalages et qu’il pourrait à tout moment être remplacé. Nos fournisseurs sont en effet très conscients de cette variante». En revanche, il confirme que les rayons pourraient perdre un peu de leur attractivité pour les clients qui ont des demandes spécifiques. Reste que ces derniers ne constituent qu’un petit pourcentage qui ne dépasse pas 3% à 5%. Un avis que confirme un expert. Selon lui, «cette tendance pourrait avoir des retombées négatives dans un marché où il y a de nombreux opérateurs, ce qui n’est pas le cas du Maroc».

L’impact est visible sur les droits d’entrée et référencement

Du côté des industriels et importateurs, par contre, la colère monte. Ils estiment qu’il s’agit d’une politique qui vise à rendre les droits d’entrée, les marges arrière et les droits de référencement plus élevés. «Les marges versées aux opérateurs sont sur une tendance haussière depuis quelques années déjà. Elles ont atteint des seuils trop élevés et actuellement de nombreux industriels n’arrivent plus à suivre», déplore un industriel. «Aujourd’hui, les opérateurs réduisent le nombre des fournisseurs afin de donner un avantage à ceux qui paient le plus», accuse-t-il. D’ailleurs, exceptionnellement pour l’année 2016, les négociations pour les signatures de contrats ont pris beaucoup de retard. «La plupart des fournisseurs sont toujours en négociations alors qu’on est au mois d’avril», déclare un expert du secteur. Parmi eux, il y a également des multinationales qui doivent respecter l’agenda de lancement des nouveaux produits dicté par la maison mère.

Les industriels dans l’impasse

Il est utile de souligner qu’en 2015, la moyenne des marges arrière s’est établie à 16,5% et le prix de référencement à 400 DH par référence de produit et par magasin. Cette année encore, on parle d’une augmentation moyenne de 0,2% sur les marges arrière, 1% sur les marges avant (qui, elles, ont varié de 4 à 10% en 2015, en fonction des produits) et de 5% sur le prix de référencement. Les droits d’entrée connaîtront également une augmentation alors qu’ils varient déjà de 500 000 DH à un million de DH.

De son côté, un opérateur confirme le blocage. «Nous venons d’arrêter la situation de 2015. Les négociations viennent à peine de commencer et ne se termineront qu’en septembre», indique-t-il. En cas de non-aboutissement des négociations, «nous allons facturer aux industriels les mêmes taux que l’année d’avant, soit 2015», prévient-il. Une réponse que qualifie un expert d’illogique, car «généralement quand les négociations n’aboutissent pas, les distributeurs imposent des prix surélevés et les industriels ne peuvent qu’accepter».

Force est de constater que de nombreux industriels ont retiré leurs produits des étalages, soit parce qu’ils n’arrivent plus à suivre, soit parce qu’ils sont écartés. Ces derniers ont du mal a écouler les mêmes quantités sur le circuit traditionnel car les grossistes et les détaillants préfèrent s’approvisionner en petites quantités pour ne pas courir le risque de trouver un produit acheté à 10 DH vendu dans la grande distribution en période de promotion à 7 DH. «Dans le contexte actuel, les volumes retirés de la grande distribution ne peuvent être versés dans le circuit traditionnel puisque les grossistes et détaillants deviennent aujourd’hui le client numéro 1 des supermarchés», regrette un professionnel qui confirme que de nombreux industriels, principalement de taille moyenne, accusent déjà une baisse moyenne de 30% de leur chiffre d’affaires durant ce premier trimestre. Il conclut que ce problème risque de mettre fin à de nombreuses petites industries, d’où l’importance que les pouvoirs publics instaurent un mécanisme d’arbitrage ou de modération  comme c’est le cas dans les pays européens.