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La gestion active, appliquée à la dette, sera étendue aux EEP
Malgré le mouvement de privatisations, de regroupement et même de liquidation lancé depuis près d’un quart de siècle, le portefeuille public demeure encore assez consistant. Une nouvelle approche est préconisée pour la gestion de ces entités publiques. La loi 39-89 encadrant les privatisations devrait en conséquence être révisée.
Le principe de gestion active, d’abord appliqué à la dette gouvernementale (avec succès il faut le dire), puis à la Trésorerie publique, devrait être étendu au portefeuille des établissements et entreprises publics (EEP). C’est la nouvelle approche retenue par les pouvoirs publics en matière de privatisation, dont le texte fondateur, la loi 39-89, est appelé à être révisé dans ce sens.
Après une expérience de près d’un quart de siècle, des enseignements ont été progressivement tirés du travail accompli et certaines adaptations mises en place quand cela était jugé nécessaire. Rappelons, à titre d’exemple seulement, qu’au cours des premières années de privatisations (1993-2000), le produit de cession des actifs publics était intégralement versé au Budget général de l’Etat. Les recettes, sur cette période, pour mémoire, avaient totalisé 27,4 milliards de DH. Une partie de cette manne a dû servir à couvrir les dépenses de fonctionnement, parmi lesquelles les dépenses de personnel. En matière de gestion des deniers publics, on pouvait mieux faire et c’est le moins qu’on puisse dire. C’est pourquoi, en 2001, où la recette de privatisation avait atteint 23,4 milliards de DH, il avait été décidé de soustraire une partie importante de ce montant et de l’affecter à un fonds dédié à l’investissement, le Fonds Hassan II pour le développement économique et social. Ce schéma a fonctionné jusqu’en 2010. A partir de 2011, le produit des privatisations est réparti à parts égales entre le Fonds Hassan II pour le développement économique et social et le Fonds national de soutien aux investissements, devenu depuis 2015 Fonds de développement industriel et des investissements.
La réflexion désormais ne porte plus sur l’affectation des revenus issus des privatisations puisque la question est réglée mais surtout sur la gestion du portefeuille public. Dans un rapport sur le secteur des établissements et entreprises publics au Maroc publié en juin 2016, la Cour des comptes attirait l’attention sur deux points en particulier : d’une part, la nécessité d’assainir la situation financière de certains EEP stratégiques (ONEE, ONCF, ADM…), et, d’autre part, l’adoption d’une approche optimale du portefeuille public. Sur le premier point, la problématique est connue : l’importance des dettes financières de certaines entités engendre à la fois des risques de change sur la composante extérieure de l’endettement, et une accumulation des arriérés préjudiciables pour les partenaires privés des EEP. Et la Cour des comptes recommande non seulement d’apurer ces arriérés, mais également, à l’endroit de certaines entités, d’opérer les réformes nécessaires à leur redressement.
Sur le deuxième point, en revanche, la réflexion est tout autre : la Cour des comptes appelle tout simplement à un redimensionnement du portefeuille public, lequel peut se réaliser soit par des cessions, des fusions, des regroupements ou même, s’il le faut, par des liquidations. Dans les documents de la Direction des établissements publics et de la privatisation (DEPP), cette idée est également déclinée dans son rapport accompagnant le projet de Loi de finances (PLF) 2017, mais de façon moins explicite que dans celui de 2018. Dans le premier, la gestion active du portefeuille public avait pour objectif un meilleur encadrement du rôle de l’Etat actionnaire, avec pour finalité «le renforcement du leadership des EEP à travers la création de valeur, l’amélioration de la compétitivité et du rendement de leurs fonds propres, l’optimisation de leurs résultats, la maîtrise des risques (…)». Dans le second, celui accompagnant le PLF 2018, le principe de gestion active du portefeuille public est développé dans le chapitre réservé aux privatisations. La nouvelle stratégie qui se dessine devient ainsi plus explicite. Et la DEPP de préciser à ce propos qu’une étude a été menée dans ce sens qui a abouti à la nécessité d’une refonte du cadre légal de la privatisation (la loi 39-89) ; une refonte qui devrait permettre à l’Etat d’opérer les arbitrages nécessaires entre la politique d’investissement public, d’une part, et l’opportunité de se désengager de certains secteurs ou entités, d’autre part. Plus encore, la DEPP indique que cette approche nouvelle des privatisations prévoit tout un plan d’action dédié à la cession des participations minoritaires directes non stratégiques de l’Etat dans certains EEP, et ce, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Celle-ci est allée encore plus loin en dressant pratiquement une liste des secteurs et activités desquels l’Etat devrait tout simplement se désengager. Il y est question, notamment, des activités traditionnelles du secteur tertiaire comme la gestion hôtelière, le négoce, la commercialisation, la promotion immobilière…Selon la DEPP, l’Etat, par le biais des EEP, détient encore 472 filiales et participations, dont 206 sont détenues à titre minoritaire.