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La formation professionnelle prête à sortir des sentiers battus
Former 10 millions de personnes, prendre en charge 20% des salariés par an et garantir l’insertion professionnelle pour 75% des lauréats…, les principaux objectifs.

La formation professionnelle a dorénavant sa stratégie nationale. Etablie sur l’horizon 2021, la feuille de route, adoptée en conseil de gouvernement fin juillet 2015, fait partie intégrante des mesures prioritaires de la réforme du système d’éducation et de formation. En gros, d’ici 2021, il faudra former 10 millions de personnes, assurer la formation continue de 20% des salariés par an, et garantir l’insertion professionnelle pour 75% des lauréats. Pour ce faire, la nouvelle stratégie repose sur six axes déclinés en 103 mesures concrètes. Le tout suivi grâce à des objectifs chiffrés et budgétisés. La finalité est, pour reprendre les mots du Souverain, de passer de l’enseignement académique classique à une double formation assurant l’obtention d’un emploi. Ceci en garantissant l’équité et l’égalité des chances pour l’accès à toutes les couches sociales et à tous les âges. Un accent particulier est mis sur l’ouverture aux populations issues du milieu rural, des quartiers défavorisés, et des familles à revenus limités. D’ailleurs, la stratégie est placée sous le leitmotiv : «la formation partout, pour tous et tout au long de la vie».
Les rédacteurs de la feuille de route ont commencé par dresser l’état des lieux en rappelant les limites du système actuel. Il faut dire qu’il était temps de revoir le système. En effet, la formation professionnelle a démontré ses carences quant à la prise en charge des populations en décrochage scolaire, sa faible capacité à adapter son offre aux besoins du marché de l’emploi et sa difficulté à se défaire d’une image peu valorisante. La stratégie part du constat qu’il existe déjà un paradoxe du moment que la formation professionnelle accueille, de plus en plus, les populations concernées par les niveaux supérieurs du système (technicien et technicien spécialisé), alors qu’elle est surtout destinée aux jeunes dont le niveau scolaire ne dépasse pas la fin de l’enseignement secondaire. Aussi, les qualifications des lauréats sont en déphasage avec les besoins de plusieurs secteurs de l’économie. Sans parler du niveau de qualité des programmes, qui sont parfois obsolètes étant donné le rythme du progrès technologique et de renouvellement des savoirs.
Une cartographie nationale des métiers et des compétences sera confectionnée
La formation continue est également en panne. Malgré plusieurs initiatives et réformes, seuls 7% des salariés bénéficient des contrats spéciaux de formation, qui restent difficilement accessibles aux PME-PMI.
Pour remédier à la situation sans tomber dans «la réforme de la réforme», comme le rappellent les officiels et les responsables de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), la nouvelle feuille de route a retenu six axes stratégiques censés révolutionner le système actuel.
En premier lieu, la formation professionnelle sera plus étendue et plus inclusive. De nouvelles catégories de la population, en plus des bénéficiaires actuels, vont en profiter. Il s’agira par exemple de prendre en charge les jeunes âgés de 10 à 14 ans, aussi bien ceux en cours de scolarisation que ceux en situation de décrochage scolaire, et ce, dans le cadre de programmes de formation spécifiques.
Eu égard aux grands écarts entre l’offre et les besoins des opérateurs économiques, le ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle veut faire en sorte que l’offre de la formation soit guidée par la demande. Comme le résume le deuxième axe stratégique, cet objectif est lié à l’élaboration d’un système intégré d’identification des besoins économiques et sociaux et de construction de l’offre de formation. Il reposera essentiellement sur une meilleure confection de l’offre de formation déclinée par secteur, type de population visé et territoire concerné.
A ce titre, la région est plus que jamais appelée à jouer un rôle déterminant dans l’identification des besoins économiques et sociaux au niveau territorial et dans l’élaboration de la carte régionale de formation. Dans la même veine, une cartographie nationale des métiers et des compétences sera confectionnée.
L’entreprise sera davantage associée à la planification et à la construction des programmes
Emanation du deuxième axe stratégique, le troisième pilier sur lequel reposera la stratégie nationale de la formation professionnelle consiste à placer l’entreprise au cœur de tout le dispositif. Etant le destinataire final du «produit» de la formation, elle sera investie d’un rôle dans la définition des besoins et sera plus associée à la planification et à la construction des programmes. Elle constitue également l’espace privilégié pour l’acquisition des compétences clés à travers les stages. En raison de ce rôle central que joue l’entreprise, sa représentativité et ses missions au sein des différents organes prévus par la stratégie seront renforcés. Ses prérogatives seront également étendues au niveau de la gestion des établissements de formation et des instances internes créées à cet effet.
Dans le même axe, l’une des innovations apportées par la nouvelle stratégie est l’institution du droit à la formation continue au profit des salariés. Ce droit est exercé à l’initiative du salarié à travers le crédit temps formation (2jours/an cumulables sur 5 ans) et le bilan des compétences.
Mais si la stratégie fait la part belle à la problématique de l’adéquation entre l’offre et la demande, le «out put» doit être déjà de qualité. C’est justement ce à quoi s’attelle le quatrième axe de cette feuille de route. L’on y parle de réingénierie des filières, de la formation du personnel, de l’encadrement pédagogique, et du renforcement de la formation en milieu professionnel.
Cinquième axe de la stratégie et pas des moindres : la valorisation de la voie professionnelle par une meilleure articulation des composantes du système de l’éducation et de la formation. Ceci grâce, par exemple, aux mécanismes de la découverte de vocation pour les métiers de la formation professionnelle chez les jeunes dès le primaire ou les parcours professionnels au niveau des collèges comme c’est le cas dans plusieurs pays. Et pour que tout cela fonctionne, le sixième axe recouvre les mécanismes de gouvernance qui vont être plus intégrés et rénovés pour améliorer l’efficacité du dispositif dans son ensemble.
Une dizaine de mesures par axe
En vue de mettre en œuvre chacun des cinq premiers axes, la nouvelle stratégie a prévu une dizaine de mesures par axe. Parmi les plus emblématiques figure l’ouverture de l’accès à tout individu âgé de plus de 15 ans souhaitant bénéficier d’une formation professionnelle initiale ; la mise en place d’un mécanisme pour faire bénéficier les professionnels non-salariés et les salariés menacés de perte d’emploi de la formation professionnelle ; la création de la structure chargée de la formation continue et des dispositifs dédiés à son financement ou encore le développement des modes de formation professionnelle à distance. Un autre lot de mesures concerne la création de l’Institut national de formation du personnel d’encadrement, l’élaboration de la carte prévisionnelle de la demande économique et sociale, la mise en place de l’observatoire des branches, le renforcement du cadre de la formation en milieu du travail, notamment la formation par apprentissage et la formation alternée, et la mise en place d’un système d’assurance qualité des programmes.
Une batterie de mesures va être également mise en œuvre pour s’assurer de la valorisation de la voie professionnelle. De l’instauration du baccalauréat professionnel, à la mise en place des parcours professionnels au niveau du collège, en passant par la mise en place de passerelles entre les systèmes de l’éducation et de la formation et la création du conservatoire national des technologies et des métiers, les actions sont très ciblées pour redorer l’image de la formation professionnelle et redonner goût à l’apprentissage des métiers. L’ensemble de ces mesures sera coordonné par des entités responsables ainsi que des partenaires. Sur la liste l’on trouve le ministère de l’éducation, le HCP, le ministère de l’emploi, les régions, l’Anapec, les entreprises du privé représentées notamment par la CGEM, les opérateurs publics ainsi que les ONG et autres.
Pour le dernier axe, qui se rapporte à la gouvernance, plus de 50 mesures y ont été dédiées. Le gros se rapporte à des créations d’entités qui vont se charger du suivi, de l’évaluation et du contrôle de la réalisation des objectifs globaux de la nouvelle stratégie. Le reste des mesures concerne la mise en place du cadre légal qui encadrera les différentes facettes de la formation professionnelle, nouvelle version.
Notons que pour définir les conditions et modalités de déploiement de la stratégie nationale de la formation professionnelle 2021, un contrat programme a été signé par les différentes parties prenantes. Il vise à préciser les responsabilités et à contractualiser les engagements de chaque intervenant.
