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Affaires

La fin des schémas directeurs d’urbanisme et des plans de zonage

Le code de l’urbanisme est finalisé. Il sera présenté ces jours-ci au SGG.
Les documents d’urbanisme passent de trois à  deux avec la suppression du plan de zonage ; leur utilité est étendue à  l’ensemble du territoire, villes comme campagnes.
Le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) remplacé par un schéma directeur d’agglomération (SDA) basé sur le développement de
la ville.

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Le projet de loi censé révolutionner tout l’arsenal juridique se rapportant à  l’urbanisme et à  l’habitat, annoncé en grande pompe il y a plus d’une année par le ministère de tutelle, est fin prêt. Son dépôt auprès du Secrétariat général du gouvernement (SGG) devrait intervenir dans les jours qui viennent. Le document compte quelque 500 articles et a pour objectif principal «la refonte de tous les textes de loi réglementant l’habitat et l’urbanisme au Maroc», selon Taoufik Hejira, ministre de l’habitat et de l’urbanisme.

L’élaboration de ce texte est en soi une première puisqu’elle a suivi un lent processus de concertation qui a associé à  la fois les professionnels du bâtiment, architectes, cadres des Agences urbaines, élus communaux et régionaux et les cadres de plusieurs ministères concernés, intérieur et aménagement du territoire notamment. «Le projet dans sa forme actuelle innove dans de nombreux domaines», se plaà®t à  dire Abderrahmane Chorfi, directeur général de l’urbanisme et de l’architecture.

Moins de documents pour une plus grande fluidité de l’urbanisme
La plus grande avancée apportée par ce projet de loi est incontestablement celle qui concerne les documents d’urbanisme, épine dorsale du système marocain en la matière. Actuellement au nombre de trois (schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, plan d’aménagement et plan de zonage), le projet préconise de n’en garder que deux. Ainsi, le plan de zonage, qui «engendre trop de tracasseries administratives», selon de nombreux urbanistes, devrait passer à  la trappe. «C’est une excellente disposition. Sur le principe, réduire le nombre des documents d’urbanisme est à  même d’alléger les procédures. Mais ces dernières doivent également être revues pour donner plus de souplesse à  ces documents d’urbanisme et les adapter au contexte économique et régional», estime Ouadie Benabdellah, architecte et membre de la Chambre de représentants.

Autre changement, le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) est remplacé par un schéma directeur d’agglomération (SDA). Ce sera le document de base de la nouvelle organisation urbanistique. Il s’agit d’un document dont la durée de vie a été fixée à  20 ans, mais qui peut être actualisé tous les cinq ou six ans, suivant les mandats des différents élus.

L’autre caractéristique et nouveauté du SDA est qu’il ne concerne pas une région mais une agglomération, définie dans le projet de code de l’urbanisme comme «tout groupement de communes urbaines et rurales». Pour la direction de l’architecture et de l’urbanisme, ce nouveau document a «des visées stratégiques, mais également opérationnelles puisqu’il devra servir de cadre de référence, d’une part, à  la coordination des politiques sectorielles au niveau local, et, d’autre part, à  la contractualisation entre l’Etat et les collectivités locales pour la réalisation des projets importants à  l’échelle de l’agglomération».

Et la direction de souligner que le SDA indiquera les secteurs à  couvrir par des plans d’aménagement et les zones à  couvrir par des plans de sauvegarde et de développement (ces derniers sont de nouveaux documents réservés à  des zones spécifiques, à  caractère patrimonial, forêts et palmeraies notamment). Il indiquera également des secteurs de projets opérationnels, dont il définira les périmètres et auxquels il fixera des objectifs (secteur de réhabilitation, de reconversion, de restructuration, d’urbanisation nouvelle, etc.).

Pour Taoufik Hejira, ces dispositions épousent parfaitement les objectifs de l’élaboration du code, à  savoir alléger les procédures d’urbanisme et les rendre plus à  même de suivre le rythme de développement des différentes régions. Pour ce qui est du deuxième document de base, le plan d’aménagement, le texte définira de façon plus souple les droits et les contraintes liés à  l’utilisation des sols. Ainsi, si toute agglomération aura son propre SDA comme document de base, à  moyen terme, ce dernier sera décliné soit en plan d’aménagement pour les agglomérations (en urbain ou en rural) dans le cas général, soit en un plan de sauvegarde et de développement pour les agglomérations qui recèlent un patrimoine architectural, culturel ou autre nécessitant une approche spécifique pour sa préservation.

Les modalités d’expropriation révisées
La nouvelle approche suivie dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi vise ainsi à  créer un cadre légal, avec, autre nouveauté, le souci d’ouvrir la voie à  l’aménagement concerté dans le cas des nouvelles zones à  urbaniser. Un cadre légal spécifique sera aussi dédié à  la création de villes nouvelles, de plus en plus nombreuses. Dans cette même optique, le projet prévoit la création d’un fonds destiné au préfinancement de l’ouverture de ces nouvelles zones. En outre, le projet s’attaque à  la procédure de remembrement urbain qu’il préconise de moderniser. C’est ainsi que le SDA prévoit la délimitation de secteurs devant accueillir des projets à  caractère opérationnel, seul moyen, selon les initiateurs du texte de loi, de régler des problèmes complexes tels que ceux posés par la réhabilitation des centres anciens ou par la régularisation des quartiers non réglementaires. La responsabilité de cette délimitation sera confiée à  un opérateur habilité.

L’assainissement foncier est également à  l’ordre du jour. C’est ainsi que les dispositions du nouveau code prévoient de revoir un certain nombre de dispositions concernant l’immatriculation foncière, le lotissement et le morcellement, ainsi que la création d’agences foncières régionales destinées à  permettre une plus grande maà®trise de la croissance urbaine. Le projet prévoit également une légère modification de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique afin que celle-ci puisse être invoquée pour des raisons de patrimoine, notamment de patrimoine en péril.

Dernières dispositions de taille, celles relatives aux prérogatives des élus. En effet, le nouveau texte permet aux présidents des conseils communaux de fixer par décision certains aspects de l’architecture locale et régionale. «C’est incontestablement un point positif qui permettra une meilleure implication des élus dans la gestion de l’urbanisme de leurs circonscriptions. Mais il faudrait que les équipes techniques et architecturales qui les secondent puissent avoir leur mot à  dire pour éviter que les grandes décisions dans ce sens revêtent un caractère politique pur», explique Ouadie Benabdellah. Voilà  qui devra calmer les ardeurs des élus qui, rappelons-le, bloquent toujours le projet de loi 04-04 sur l’habitat, estimant qu’il les déleste de leurs prérogatives.

Trois questions à 
«Dans un premier temps la carte biométrique ne dispensera pas des démarches administratives»

Taoufik Hejira
Ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme

La Vie éco : L’élaboration du code de l’urbanisme a suivi un processus de concertation à  grande échelle. Quelle en est l’utilité ?

Taoufik Hejira : A l’instar de tous les pays qui ont entrepris de réformer leur législation en matière d’urbanisme, nous avons ouvert le débat avant l’élaboration du code de l’urbanisme pour convenir avec les différents acteurs des grands principes de base de ce texte. L’urbanisme n’est pas une affaire de secteurs spécifiques, mais une priorité qui concerne tous les Marocains.

Ce projet de loi réduit les documents d’urbanisme à  deux. Pensez-vous que cela rende le processus d’urbanisme plus souple ?
Non, ce n’est pas le plus important. Le nouveau code se base sur trois strates en matière d’urbanisme. Le premier niveau est celui de l’aménagement du territoire. A ce niveau, ce sont les grandes orientations de développement qui sont consignées à  la suite d’une grande concertation nationale. Le second niveau, et c’est le plus important à  nos yeux, est celui du schéma de développement de l’agglomération (SDA). Ce dernier est une feuille de route à  moyen terme dont les dispositions sont obligatoires pour l’administration et facultatives pour les opérateurs privés. Le troisième niveau est représenté par les plans d’aménagement et les plans de sauvegarde et de développement qui revêtent un caractère opérationnel et qui sont obligatoires aussi bien pour les opérateurs privés que pour les opérateurs publics.

En quoi le SDA apporte-t-il une nouveauté ?
Cette feuille de route a une durée de vie de 20 ans, mais elle peut être actualisée régulièrement, surtout en fonction des mandats des élus locaux. Dans ses grandes lignes, elle indique la politique de développement de l’agglomération tout en prenant en compte le financement de toutes les opérations prévues. Je tiens à  ce niveau à  préciser qu’il ne s’agit nullement d’un retour au système de planification mais d’une autre manière d’appréhender le développement socio-économique des régions tout en respectant le patrimoine culturel et le milieu naturel.