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«La filière souffre depuis plus de 3 années de l’augmentation des charges liées à la production»
• Seulement 3% de la production vont à la transformation n Le pays doit trouver d’autres alternatives à l’export que ses marchés historiques.
• Le soutien à l’agrégation est l’un des points importants de la stratégie Generation Green.
• A l’instar des autres filières, celle des fruits et légumes a certainement bénéficié de la dynamique initiée par le Plan Maroc Vert. Comment elle a évolué du côté de son organisation, de sa mécanisation, de la logistique de transport, d’entreposage frigorifique… ?
Le Plan Maroc Vert a bien évidemment contribué à l’évolution des superficies des fruits et légumes et à l’augmentation des rendements à l’hectare. L’objectif est d’assurer une large autosuffisance alimentaire des Marocains. Il a également soutenu l’activité liée à l’export, source de devises pour le pays. Ces évolutions ont été réalisées grâce notamment à l’organisation et la structuration de la fédération. A ce niveau, la mise à niveau reste toujours de mise, et des améliorations et innovations sont à apporter.
De plus, la mécanisation a connu une avancée appréciable au niveau des exploitations. En ce sens, l’automatisation est très présente tant au niveau de la maîtrise de l’eau d’irrigation et de l’économie d’énergie qu’au niveau des nouvelles serres qui sont désormais automatiques, ou encore sur le plan de la technique de climat contrôlé. Les nouvelles technologies de pointe sont présentes également au niveau du conditionnement. De toute évidence, l’entreposage frigorifique va de pair avec cette évolution, puisque les fruits et légumes sont fragiles et ont une durée de vie assez courte.
Pour sa part, la logistique a connu une percée importante. En effet, le transport international par camion frigorifique s’est développé de manière exponentielle. Il est plus rapide et répond à un besoin précis. Idem pour le transport maritime. Des lignes directes rapides ont été mises en place pour répondre aux besoins des producteurs/exportateurs et des marchés destinataires, permettant un transit time réduit (ex : Agadir / Saint-Pétersbourg en 12 jours). En revanche, c’est au niveau du transport aérien que le bât blesse. Le transport par avion-cargo n’est pas développé, alors qu’il reste la solution idoine pour desservir les destinations lointaines et aller vers des marchés porteurs (d’Asie, d’Amérique) pour commercialiser nos fruits et légumes. Un effort de soutien de notre gouvernement est souhaité pour davantage de compétitivité dans ces marchés lointains.
Par ailleurs, des plate-formes logistiques de haut standing se dessinent et seront bientôt opérationnelles. A titre d’illustration, les travaux de celle du Souss Massa, sur sa première tranche de 45ha, démarreront sous peu et verra le jour dans moins de deux années. Elle sera édifiée dans la zone de production (Ait Melloul) et à proximité des grands axes routiers, de l’aéroport et du port d’Agadir. Inutile de relater l’avancée vertigineuse de la digitalisation et la facilitation des procédures à l’export.
• La transformation reste très timide dans votre filière ? Quelles en sont les raisons ?
Le secteur des fruits et légumes n’a pas évolué du côté de la transformation, comme nous l’espérions. D’après les estimations, seulement 3% de la production vont à la transformation. Il faut dire que ce type d’industrie ne s’est pas développé car la demande n’est pas manifeste, d’autant qu’il n’existe pas de programme spécifique pour porter ce volet à un haut niveau. Ajouter à cela, les fruits et légumes sont des produits qui ne peuvent pas tous être transformés. Les agrumes et les tomates restent le meilleur exemple de la transformation. En tout cas, des efforts sont à fournir de ce côté-là. Ce qui permettrait de juguler les marchés internes dans les moments de production pléthorique.
• Le secteur souffre depuis quelques années de difficultés structurelles… Quels chantiers avez-vous mené en vue de réduire ces contraintes ?
Au-delà des opérations d’appoint, nous sommes tenus par des contrat-programmes avec le ministère de tutelle, en vue de mener des actions et des chantiers aussi bien au niveau de la mise à niveau de la profession que de la recherche. Ce qui, à moyen et long terme, permettrait de balayer ces contraintes.
Il est à noter que la filière souffre depuis plus de 3 années de l’augmentation des charges liées à la production. Allusion faite autant aux intrants qu’aux produits nécessaires à l’emballage… Le plastique, par exemple, a subi une augmentation des prix de 30% en cette année. Parallèlement, certains intrants qui étaient exonérés de la TVA, ne le sont plus et ce, à partir de cette année. Ils sont assujettis à une TVA de 20%. Si on additionne à cela les effets de la concurrence, le coût de revient s’en trouve aggravé.
A mon sens, le marché est devenu tellement concurrentiel que le producteur et surtout le producteur/exportateur qui n’a pas de plan défini ne peut trouver sa place dans l’export.
• Certains pays destinataires de nos produits commencent à produire hors saison. Avez-vous évalué le manque à gagner latent à long terme ? Quelles mesures sont prises pour réduire les conséquences de cette situation ?
Les pays auxquels vous faites allusion commencent effectivement à produire chez eux dans des conditions de culture très difficiles, nécessitant des méthodes et moyens très onéreux, qui plus est, à des périodes inadaptées. De facto, leurs prix de vente ne peuvent guère être compétitifs. Ces pays tiennent à consommer local, quel que soit le coût de production. Un chauvinisme ruineux en fait.
Il est évident que le Maroc afin de compenser ce manque à gagner doit trouver d’autres alternatives : reconquérir certains marchés traditionnels quasiment abandonnés et aller également à la conquête d’autres destinations plus porteuses et prometteuses.
• On déplore récemment une hausse des prix des fruits et légumes qui intervient, d’ailleurs, chaque année pendant le mois de Ramadan….
Ce scénario se répète tous les ans à la même période. Le prix de vente des fruits et légumes n’a pas changé pour le producteur. En dépit de l’augmentation du coût de revient, il maintient ses prix de vente stables. Parfois, il cède même sa marchandise à un prix ne couvrant même pas le coût de la production.
Malheureusement, les intermédiaires, très nombreux, exploitent ce créneau et en font leur business. Nous attendons avec impatience la réorganisation des marchés de gros qui pourrait, si cela marche bien, être une solution à ce phénomène perturbateur.
• Quel sera l’apport du Plan Generation Green ?
Le Plan «Generation Green 2020-2030» vient dans la continuité du Plan Maroc Vert. Il entend préserver ses acquis et tracer une nouvelle vision d’une agriculture solidaire.
L’élément humain du milieu rural, dans ce nouveau contexte, est une priorité. Ce qui se traduira par l’amélioration des conditions de vie du producteur par le développement de ses activités et l’augmentation de ses revenus.
De nouveaux mécanismes seront mis en place pour l’encouragement et l’organisation des femmes, ainsi que les jeunes ruraux, en associations et coopératives afin de les inciter à mieux produire dans des conditions favorables et labelliser leurs produits. La création d’une classe de jeunes entrepreneurs permettra également de combattre aussi l’informel.
Tout cela est intéressant, mais je tiens à mettre l’accent sur un axe important de cette stratégie et qui réside dans le soutien à l’agrégation. Comme il faut désormais une sorte de ticket d’entrée pour pénétrer aussi bien le marché local qu’international, le regroupement de petits agriculteurs constituera inévitablement une force concurrentielle pour affronter les marchés.