Affaires
La fédération de la PME se fait hara-kiri
La candidature d’Abdelmalek Kettani déclarée non valable par le bureau.
Hammad Kessal, resté seul dans la course, se retire à la dernière
minute.
Le bureau de la FPME met le sort de la fédération entre les mains
de Moulay Hafid Elalamy.

Hammad Kessal, le président sortant, n’a pas laissé son concurrent se présenter aux élections de la fédération PME et s’est lui-même retiré de la course. Pourquoi ?
Que s’est-il passé au juste à la fédération des PME-PMI ? La FPME, qui devait en effet élire son nouveau président le 26 septembre, n’a pas pu le faire pour une raison simple : il n’y avait aucun candidat à la présidence. Incroyable mais vrai ! Tellement incroyable que cette fédération qui avait fait beaucoup parler d’elle au cours des trois dernières années risque purement et simplement de disparaître. C’est le président de la CGEM, My Hafid Elalamy, assisté par le conseil d’administration, qui devait décider, jeudi 28 septembre, du sort de la fédération, si l’on s’en remet au PV de réunion du bureau de la fédération, datant du 20 septembre, dont une copie a été adressée au président My Hafid Elalamy (voir ci-contre). Un PV où les membres du bureau de la FPME déclarent avoir «décidé à l’unanimité de mettre toutes leurs compétences et expertises à la disposition de la CGEM pour servir l’entreprise marocaine en général et la PME en particulier». Cela veut-il dire que la fédération va être dissoute ? « Je m’en remets à la décision de la CGEM », s’est contenté d’affirmer le président sortant, Hammad Kessal, en réponse à la question posée par La Vie éco.
Comment en est-on arrivé là ? Il faut, en fait, revenir deux semaines en arrière, plus précisément le mardi 12 septembre. Ce jour-là était le dernier délai fixé aux prétendants pour déposer leur candidature aux élections de la fédération. La veille encore, Hammad Kessal n’était officiellement pas candidat et, selon des proches à lui, déclarait ne pas avoir l’intention de se représenter pour un second mandat. Ce matin-là, et à la surprise générale, il s’empressera de déposer sa candidature à la dernière minute. Il n’était pas seul. Abdelmalek Kettani, membre lui aussi de la fédération et ancien du bureau, s’était porté candidat le même jour. Qu’est-ce qui explique ce revirement de dernière minute ? Selon un membre du bureau et ami proche de Hammad Kessal, «ce dernier cherchait en fait plus à barrer la route à Abdelmalek Kettani qu’autre chose car il estime que ce dernier n’est pas représentatif de la FPME, étant lui-même patron d’une grande entreprise».
Comment se fait-il alors que les élections ne se soient pas tenues pour raison d’absence de candidat ?
Retour au mardi 12 septembre. Une fois les deux candidatures déposées, le bureau de la fédération devait d’abord les valider. Et c’est à ce moment que tout s’est joué. La candidature d’Abdelmalek Kettani suscita un débat houleux. Certains, dont le président sortant Kessal, soutenaient que la candidature était invalide pour des raisons de fond et de forme. D’abord, pour la forme, Abdelmalek Kettani aurait déposé sa candidature auprès de la CGEM alors que, comme l’explique un membre du bureau, «il a été clairement spécifié aux candidats, dans une lettre du président de la CGEM en personne, qu’ils devaient déposer leur dossier dans les locaux de la FPME».
Deux coups de théâtre en un jour !
Pour la raison de fond, le clan Kessal fait remarquer que, pour être président de la FPME, il faut être à la tête d’une PME. Or, affirme-t-on, «l’entreprise que dirige M. Kettani ne peut pas être considérée comme une PME dans le sens de la loi 53-00 qui définit la PME comme étant toute entreprise dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 75 millions de DH». Après de longues discussions, les membres du bureau n’ayant pas pu arriver à un compromis décident de passer au vote secret. Sur les 9 membres présents, 7 se seront prononcés pour le rejet de la candidature d’Abdelmalek Kettani. «Tout s’est déroulé dans la transparence la plus absolue et Abdelmalek Kettani aurait pu, s’il s’était estimé lésé, refuser ce verdict et déposer un recours auprès de la commission juridique de la CGEM», commente un membre du bureau. M. Kettani ne l’ayant pas fait, sa candidature fut donc déclarée non recevable.
Deuxième coup de théâtre, Hammad Kessal (encore lui), qu’une telle décision devait en principe arranger, puisqu’il se retrouvait seul dans la course, réussit à surprendre tout le monde en retirant sa candidature séance tenante comme l’y autorise la loi. Et du coup, il n’y avait plus aucun candidat.
Qu’est-ce qui justifie cet imbroglio ? D’aucuns trouvent que la manière dont M. Kettani a été écarté n’est ni démocratique ni transparente. «Et pour cause, si l’entreprise de M. Kettani n’était pas éligible à la définition de la PME, pourquoi l’avoir acceptée dans la liste des membres de la fédération pendant si longtemps ?». D’autres s’interrogent sur les vrais raisons de l’attitude du président sortant. Pourquoi, après avoir écarté son concurrent, Hammad Kessal s’est-il empressé de se retirer alors qu’il avait la présidence entre les mains ? Pourquoi avoir délibérément laissé la fédération dans une telle situation ambiguë et de vide juridique ? Il savait mieux que quiconque qu’une telle situation pouvait signifier la fin de la fédération. Ce qui incite certains à envisager la possibilité que Hammad Kessal ait agi sous la pression. Mais de qui ? Au sein du bureau de la FPME, on assure qu’«il n’y a pas eu une quelconque pression de qui que ce soit».
Toujours est-il que le mardi 19 septembre, soit une semaine après l’incident, les membres du bureau avaient rendez-vous avec le président de la CGEM. Rencontre durant laquelle le message de My Hafid Elalamy était le suivant, selon les recoupements faits par La Vie éco auprès de membres du bureau: «C’est à vous de décider, soit vous voulez continuer en tant que fédération et auquel cas nous sommes prêts à signer un contrat-programme avec vous. Soit vous décidez de rejoindre la CGEM et de mettre à sa disposition vos compétences en matière de PME».
La décision du bureau de la FPME ne tarda pas à venir. Le lendemain, mercredi 20 septembre, les membres réunis au siège de la fédération décident en effet, à l’unanimité, de s’en remettre à la CGEM et de «mettre toutes leurs compétences et expertises à la disposition de la CGEM». A l’heure où nous mettions sous presse, My Hafid Elalamy devrait logiquement avoir tranché.
