Affaires
La crise ukrainienne pourrait faire exploser les cours des céréales
La baril de Brent de la Mer du Nord avait bondi de 2 dollars lundi 3 mars à 111,4 dollars, avant de revenir à son niveau de la veille. Les cours du sucre ont fortement augmenté par rapport au début de l’année, mais en baisse sur une année. Forte hausse du cours du blé, sur fond de sécheresse en Australie et de tension en Ukraine.
Panique sur les marchés des matières premières, notamment énergétique, lundi 3 mars, à cause des risques géopolitiques liés à la crise ukrainienne et à la crainte d’une intervention russe. Le baril de Brent avait bondi en une journée de deux dollars, atteignant 111,4 dollars, son plus haut niveau en séance depuis le 30 décembre 2013. Mais dès le lendemain, 4 mars, le discours plutôt “conciliant” du président Poutine a fait retomber le soufflet, puisque le baril est revenu à un peu plus de 109 dollars. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril valait en effet 109,25 dollars sur l’Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 1,95 dollar par rapport à la clôture de lundi.
Pour certains analystes, le fort rebond du lundi 3 mars était au minimum exagéré puisque, argumentent-ils, les sanctions contre la Russie sont peu probables de la part de l’Union européenne en raison de la forte dépendance de l’Europe du pétrole et du gaz russes. En outre, les stocks en Europe sont jugés suffisamment abondants après un hiver considéré comme «relativement doux» et des prévisions météorologiques favorables pour le printemps.
Pour autant, sur cette matière première en particulier, rien n’est vraiment acquis, puisque la crise ukrainienne, pour ne rien dire de la situation qui prévaut dans certains autres pays producteurs comme la Libye, le Venezuela et le Sud Soudan, n’est pas réglée définitivement ; et la Russie ne semble pas avoir dit son dernier mot, en particulier s’agissant de la partie orientale de l’Ukraine, proche de Moscou. Il suffit de rappeler à cet égard que pour les Russes, ce qui s’est passé à Kiev n’est rien d’autre qu’un coup d’Etat.
Quid maintenant de l’impact sur les prix des carburants au Maroc ? Avec l’instauration du système d’indexation partielle depuis le 16 septembre 2013, et la publication d’un arrêté du chef du gouvernement le 16 janvier 2014 en vertu duquel les prix de l’essence super et du fioul numéro 2 ne sont plus subventionnés, les finances publiques ne devraient subir aucun impact des variations des produits pétroliers.
L’Ukraine, troisième exportateur mondial de céréales
Autrement dit, les dépenses de compensation ne devraient produire aucun effet sur le solde budgétaire, puisque le gouvernement a déjà fixé le montant correspondant (35 milliards) à la subvention des produits pétroliers.
Sur le citoyen en revanche, en tout cas ceux qui s’approvisionnent en essence super, tout dépendra de l’évolution des cours. Quant à ceux qui utilisent le gasoil, la subvention par litre est fixée par l’arrêté du chef du gouvernement et elle va en s’amenuisant jusqu’à atteindre 0,80 DH/l le 16 octobre 2014. Autrement dit, si les prix venaient à augmenter au-delà d’une certaine proportion, le consommateur en payera une partie.
Reste le sucre et la farine: dans l’enveloppe de compensation, le gouvernement a prévu un montant de 5 milliards de DH pour le soutien de ces deux produits.
Sur le marché londonien, la tonne de sucre cotait à 475,2 dollars le 4 mars 2014, en baisse de 0,96% par rapport à la clôture de la cotation la veille. Mais depuis la baisse jusqu’à 403,1 dollars le 29 janvier, le cours remonte : 444,4 dollars le 13 février, 484,1 dollars le 27 février, pour refluer à 475,2 dollars ce mardi 4 mars. Mais le cours reste en baisse de 7,8% par rapport à son niveau du 4 mars 2013 où il atteignait 515,4 dollars la tonne. Difficile cependant d’en estimer l’impact sur les importations marocaines, car celles-ci ne se font pas au jour le jour ; ce sont des contrats à terme.
Quant au blé, le Maroc a réalisé une production record de céréales (97 millions de quintaux) au cours de la campagne 2012/2013, et pour 2013/2014, les prévisionnistes tablent sur une récolte moyenne (autour de 70 millions de quintaux). Pour permettre l’approvisionnement du marché, les droits d’importation du blé tendre sont suspendus sur la période allant du 1er janvier au 30 avril 2014.
Là encore, comme pour le pétrole, la crise ukrainienne s’est invitée sur les marchés agricoles. Lundi 3 mars, à l’ouverture des marchés européens et américains, les cours du blé et du maïs ont explosé.
Le blé a enregistré sa plus forte hausse depuis 2012. C’est que l’Ukraine, il faut peut-être le rappeler, fait partie des plus gros producteurs de céréales dans le monde et en est le deuxième ou troisième (selon les années) exportateur. Si la crise y perdure et s’aggrave, cela risque évidemment de perturber le marché mondial des céréales. D’autant que l’Australie, autre gros producteur, a du mal à estimer sa récolte pour 2014/2015 en raison des risques liés à la sécheresse qui sévit en ce moment sur une partie du pays.
L’offre de céréales, de blé en particulier, risque de se rétrécir surtout si, comme certains experts le craignent, des producteurs choisissent de conserver leurs stocks de peur de subir les effets d’une dévaluation encore plus grande de la devise ukrainienne (celle-ci ayant déjà perdu de sa valeur depuis le début de l’année), c’est-à-dire de devoir brader les prix…