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La consommation d’électricité accuse un fort ralentissement

Après une moyenne de 7% par an entre 1997 et 2012, la croissance de la consommation d’électricité retombe à des niveaux proches de celle du PIB non agricole. La demande, déjà très faible par comparaison à d’autres pays, est affectée par le ralentissement du secteur industriel et du BTP. La puissance installée croît lentement.

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Eau et electricite

La consommation d’électricité n’a jamais, depuis une vingtaine d’années, fléchi autant que ces quatre dernières années. Après avoir enregistré un taux de progression moyen de l’ordre de 7% par an entre 1997 et 2012, la demande d’électricité tombe à 3,3% en moyenne entre 2013 et 2016. Le rythme est ainsi divisé par plus de deux. Pis encore, ces deux dernières années, la consommation a été inférieure à 3% (2,6% en 2015 et 2,9% en 2016) et au premier trimestre de 2017, elle n’a pas atteint 2% (1,6% exactement contre 3,3% à la même période de 2016). Il faut remonter à 1996 pour trouver un niveau de hausse de la demande (qui était de 3,2%) proche des valeurs enregistrées ces dernières années.

Cette évolution n’a bien évidemment rien à voir avec une quelconque «normalisation» de la demande qui serait ainsi revenue, après l’achèvement du programme d’électrification rurale, à un niveau de croissance conforme aux fondamentaux de l’économie. Et ceci pour deux raisons au moins. La première est que le programme d’électrification rurale généralisée (PERG) n’est pas la composante principale dans les fortes variations enregistrées dans la consommation d’électricité au cours des quinze dernières années. Ce programme, indiscutablement utile sur le plan social, ne représente qu’une petite part dans la demande globale ; les foyers concernés consommant très peu d’énergie électrique. D’ailleurs, pour l’ONEE, qui dessert cette clientèle, les factures encaissées, il y a quelques années du moins, ne couvraient même pas les charges du personnel affecté à ces tâches.

La deuxième raison qui montre qu’il y a encore au Maroc une grande marge de progression de la demande d’électricité (et d’énergie de manière générale), est que la consommation par habitant est parmi les plus faibles au monde. Selon la Banque mondiale, qui se fonde sur les statistiques de l’agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation d’électricité par habitant au Maroc est de 912 kWh en 2014 contre une moyenne mondiale de 3144,4 kWh par an. Dans la région MENA, la consommation moyenne est de 2 906 kWh par an ; dans l’OCDE elle est pratiquement de 8000 kWh par an et par habitant. Le Maroc consomme donc peu d’électricité, et cela se reflète d’ailleurs dans sa capacité électrique installée qui s’établit à 8 262 Mégawatts (MW). Quand on sait qu’un pays comme la France dispose de quelque 100 000 MW de capacité installée, ou, plus modestement, comme l’Egypte avec 27 000 MW en 2011, le Maroc avec 8 262 MW est logiquement en sous-capacité électrique. Surtout lorqu’on sait que la Tunisie, avec une population trois fois inférieure à celle du Maroc, a une puissance électrique installée de 5 224 MW.

La demande est portée par les secteurs résidentiel, administratif, tertiaire et agricole

En réalité, dans le cas du Maroc «le problème» n’est pas tellement dans la capacité installée, il est surtout dans la faiblesse de la consommation. D’une part, la capacité peut être augmentée et c’est en train de se réaliser mais très (trop ?) lentement il faut bien le dire ; d’autre part, le Maroc dispose d’interconnexions avec ses voisins, en particulier avec l’Espagne, qui lui permettent au besoin de s’en approvisionner. Il ne s’en prive pas du reste puisqu’il intervient systématiquement sur le marché spot espagnol où le kWh est moins cher que celui produit au Maroc. Avec l’Algérie, en revanche, l’interconnexion est utilisée pour des secours mutuels et non pour des opérations commerciales strictes. La question qui se pose maintenant est de savoir pourquoi la consommation d’électricité, déjà faible, accuse un sévère ralentissement depuis 2013. «Il n’y a pas de mystère à cela. C’est lié à l’atonie de l’activité, en particulier celle qui absorbe le gros de la production. Je peux vous citer le cas du BTP en crise depuis 2012. Et quand le BTP est en panne, cela se répercute par exemple sur les cimenteries, sur les aciéries, grosses consommatrices d’électricité. Il y a aussi l’industrie du textile, elle aussi frappée depuis quelques années par la crise». Notre interlocuteur, haut cadre chez un opérateur électrique, n’oublie pas de préciser à propos de la crise du BTP que celle-ci déteint également, de manière mécanique, sur la consommation domestique.

Les statistiques de l’ONEE montrent en effet que la demande de ses clients grands comptes (cimenteries, sidérurgie, chimie, autres industries, etc.) a été négative de 4% en 2015, au lieu d’une hausse de 1,7% en 2014 et d’une baisse de 13,4% en 2013. Pour l’année 2016, les ventes totales d’électricité de l’ONEE au secteur industriel n’ont augmenté que de 1,6%. Quid des industries alimentées par les distributeurs autres que l’ONEE (régies publiques et services concédés) ? Cette information n’est pas disponible, mais tout laisse penser que la situation est à peu près la même, puisque les ventes de l’ONEE aux distributeurs ont baissé de 5,3% en 2016, contre une hausse de 2,2% en 2015 et de 3,2% en 2014. Finalement, le peu de demande exprimée au cours de ces quatre dernières années vient surtout des secteurs résidentiel, administratif, tertiaire et agricole.

Cette évolution de la demande apparaît très nettement dans la croissance du PIB et surtout le PIB non agricole : 3,2% et 2,2% par an en moyenne. C’est, à peu de choses près, le même rythme de hausse observé dans la consommation d’électricité.