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La classe moyenne a pris du volume !
De 16,3 millions de personnes en 2007, la classe moyenne au Maroc a augmenté à 19,7 millions d’habitants en 2014. C’est principalement la mobilité sociale ascendante de la classe des pauvres et des vulnérables qui a contribué à l’élargissement
de la classe moyenne.
Le mot a quasiment disparu du champ lexical de l’économie: depuis la première et dernière étude publiée en 2009 par le Haut commissariat au plan (HCP) sur la classe moyenne, la discussion semble close sur cette thématique, si l’on excepte deux ou trois contributions, comme l’enquête qualitative sur le sujet réalisée en 2009 par le Centre d’études sociales, économiques et managériales (CESEM) relevant de HEM, ou encore, plus récemment, la conférence organisée par la Fondation Attijariwafa bank en novembre 2014. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que la classe moyenne est la colonne vertébrale de toute société et, en tant que telle, elle devrait être aussi large que possible.
Que devient cette classe moyenne depuis l’étude du HCP ? Eh bien, bonne nouvelle, la taille de celle-ci a augmenté, passant de 53% de la population en 2007 (année de référence de l’étude) à 58,7% en 2014. En termes absolus, la classe moyenne, qui regroupait 16,3 millions de personnes en 2007, en compte 19,7 millions en 2014, selon la toute dernière étude thématique («Pauvreté et prospérité partagée au Maroc du troisième millénaire») réalisée conjointement par le HCP et la Banque mondiale et publiée le 28 novembre 2017.
La classe moyenne s’est sensiblement urbanisée
Selon la méthode utilisée par le HCP, la classe moyenne regroupait en 2014 les personnes qui ont une dépense mensuelle moyenne comprise entre 840 DH et 1 728 DH contre 653 DH à 1 358 DH en 2007. Plus des deux tiers (67,5%) de cette classe moyenne, soit 13,3 millions de personnes, résident en milieu urbain et 32,5% (ou 6,4 millions) sont des ruraux. Il en résulte que 66,1% de la population urbaine du Maroc appartient à la classe moyenne, contre 47,6% dans la population rurale. En 2007, près de 63% de la classe moyenne habitaient dans les villes et 37% dans les zones rurales. Ainsi, à cette date, 59% de la population urbaine appartenaient à la classe moyenne, au lieu de 45% dans le rural.
C’est très net, la classe moyenne, en moins de dix ans, s’est sensiblement urbanisée, comme d’ailleurs le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) le montre à chaque fois. Selon les statistiques du RGPH de septembre 2014, le taux d’urbanisation a progressé de plus de 5 points à 60,4% contre 55,1% lors du précédent recensement, celui de 2004. Manifestement, la mobilité géographique en direction des centres urbains (ou tout simplement l’exode rural), quoi qu’on puisse en dire, semble s’accompagner aussi d’une mobilité sociale plutôt ascendante ; la ville offrant souvent plus d’opportunités d’emploi et donc d’amélioration du niveau de vie. Il est significatif à cet égard que l’augmentation de la taille de la classe moyenne (ou plutôt des classes moyennes) résulte pour l’essentiel de la mobilité sociale ascendante de la classe modeste, comme le montre l’étude du HCP et de la Banque mondiale. De sorte que le poids de la classe modeste (composée des pauvres, des vulnérables et des relativement vulnérables) s’est allégé, de façon plus marquée, au bénéfice des classes moyennes, tandis que le poids de la classe aisée est, lui, demeuré quasiment stable autour de 10% de la population, entre 2007 et 2014.
L’amélioration du niveau de vie a surtout profité à la classe moyenne inférieure
Comme le note le HCP, cette évolution reflète une amélioration du niveau de vie qui a particulièrement bénéficié à la classe modeste (+3,9% par an en moyenne) et aux classes moyennes (+3,8% par an). Et parmi ces dernières, c’est la classe moyenne inférieure qui semble avoir le plus tiré profit (+3,9%) de la hausse générale du niveau de vie, relève le HCP. Au niveau national, le taux d’accroissement du niveau de vie, sur la période considérée, a été de 3,6% en moyenne annuelle.
Cette amélioration du niveau de vie, on en trouve la traduction dans le recul de la pauvreté, qui passe de 8,9% en 2007 à 4,8% en 2014. On peut toutefois observer que, comme pour le chômage, la pauvreté, à partir de 2014, est surtout un phénomène rural: son taux est de 1,6% en milieu urbain, contre 9,5% en milieu rural, avec cependant des variations selon les communes, les provinces et les régions. De la même manière, la vulnérabilité économique (risque que les ménages basculent dans la pauvreté) a sensiblement baissé entre 2007 et 2014, passant respectivement de 17,4% (ou 5,4 millions de personnes) à 12,5% (4,2 millions d’individus). Là encore, est-il besoin de le souligner, la situation est très contrastée suivant le milieu de résidence : 7,9% en milieu urbain et 19,4% en milieu rural, en 2014.
Maintenant, d’aucuns peuvent considérer que l’approche utilisée par le HCP (0,75 fois le revenu médian pour la borne inférieure et 2,5 fois pour la borne supérieure) a permis de gonfler…artificiellement la taille des classes moyennes. Cela a d’ailleurs été exprimé, ici et là, mais le HCP a pour habitude de répondre, lorsque la question lui est posée, que la délimitation des classes sociales «ne se fixe pas, a priori, sur la base d’un modèle de revenu ou de niveau de vie, abstraction faite du niveau réel de la richesse et de sa distribution dans la collectivité nationale considérée. Un modèle de référence copié sur l’étranger ou tout simplement souhaité est, d’emblée, inapproprié». Plus simplement, les classes moyennes, d’un pays à l’autre, sont objectivement différentes les unes des autres, en termes de taille et de niveau de vie, suivant en cela le stade de développement atteint par chacun. Comme certains le suggèrent, il est possible de situer la borne inférieure de la classe moyenne à 10 000 ou 11 000 DH et la borne supérieure à 40 000 DH. Mais alors, la classe moyenne qui serait ainsi délimitée ne correspondrait que vaguement aux réalités du pays…