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Affaires

Karim Zaz : «On ne peut pas lancer un service parfait dès le premier jour»

Wana rejette les accusations de concurrence déloyale et dit s’aligner sur les tarifs appliqués par les téléboutiques de l’opérateur historique.
Des packs téléphonie, télévision, internet apparaîtront en 2009.
Des offres similaires à Jawal et Médijahiz annoncées pour 2008.
Le compte d’exploitation
sera équilibré fin 2009.

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Karim Zaz, PDG de Wana, le nouvel opérateur téléphonique, ne cache pas sa satisfaction. L’offre «Bayn» a été bien accueillie par les clients. Il promet que l’entreprise qui se veut globale sera, d’ici 2008, sur tous les segments du marché. Ni la concurrence ni les problèmes techniques constatés au lancement du service téléphonique ne lui causent du souci. Pour lui, l’offre «Bayn» correspond parfaitement aux besoins de l’utilisateur marocain. Avec sa verve habituelle, il détaille les différents aspects de ses services, s’explique sur les problèmes techniques et répond aux accusations de concurrence déloyale.

La Vie éco : Quels ont été les moments-clés de la mise en place de Wana et de Bayn ?
Karim Zaz : Wana est un opérateur qui s’est volontairement voulu en rupture avec ce qui existe sur le marché. Cette rupture est d’abord visible à travers le nom et l’identité que nous avons choisi de porter. Le projet Wana est un projet marocain, c’est pour cette raison qu’il n’y a dans son identité ni «com» ni «phone»; il fait plutôt référence aux mots «Et moi» en arabe dialectal. Cela donne une idée de l’esprit dans lequel nous nous inscrivons.

Le choix de l’identité de «Bayn» obéit à la même logique. Nous l’avons également puisé dans notre proximité et nos racines : «Bayn» est une marque claire, transparente et qui parle, communique avec son environnement. C’est pour nous un challenge de tous les jours, sachant que deux autres concurrents sont déjà bien implantés dans le secteur, avec leurs produits et leurs parcs de clientèle. Nous nous positionnons comme un opérateur «différent», global et favorisant l’usage. Forts de notre connaissance de l’entreprise où nous opérions sous notre première identité, Maroc Connect, nous avions senti que le marché était bridé par la question du prix qu’entreprises et particuliers considéraient comme cher relativement à d’autres pays.

«Bayn» est donc né de cette réflexion. Le point de départ de notre analyse est le suivant : plus de la moitié des Marocains possèdent un téléphone, 98% d’entre eux sont en prépayé. Or, la moyenne de l’usage du portable au Maroc est de 20 à 21 minutes par mois. A titre de comparaison, les Tunisiens parlent en moyenne 90 mn par mois et les Indiens 20 minutes par jour.

Qu’avez-vous déduit de ce constat ?
Nous nous sommes rendu compte que le client marocain se trouve dans cette logique simple : «J’utilise mon portable pour recevoir, je n’appelle qu’en cas d’urgence et si je veux communiquer ou avoir des nouvelles de ma famille ou de mes proches, il n’y a pas moins cher que la téléboutique». Cette réalité peut être vérifiée à travers le chiffre d’affaires des deux opérateurs sur ce segment. Les téléboutiques brassent grosso modo quelque 5 milliards de DH de chiffre d’affaires des télécoms au Maroc et elles constituent le «véritable deuxième opérateur» au Maroc.
Nous sommes donc partis de ce constat et nous avons conçu une téléboutique de poche ou de maison, d’où il est possible d’appeler avec les mêmes prix, avec tout ce que cela implique en termes de services : la maîtrise du coût, l’information sur le solde, la possibilité de pouvoir appeler avec un dirham seulement… Chez nous, on ne paie pas pour connaître son crédit. Nous vendons un appel par unité d’un dirham, pour 8 secondes à l’international, quelle que soit la destination et que ce soit vers un fixe ou un mobile, et en appel national, 1 DH pour 16 secondes en tarif plein et 32 secondes en tarif réduit. Et je le dis, si notre produit a fait un tabac, 100 000 packs vendus en quelques jours, ce n’est pas un hasard.

La concurrence vous accuse d’avoir cassé les prix et d’avoir offert une trop longue durée de gratuité…
Nous n’avons pas cassé les prix puisque nous nous sommes strictement alignés sur les tarifs appliqués par les téléboutiques de l’opérateur historique. Pour ce qui est de la gratuité, un opérateur ne se lance qu’une seule fois et ce n’est qu’au moment du lancement qu’il peut faire de la gratuité totale. Nous devions par ailleurs proposer une offre attrayante à nos clients et nous inscrire dans une optique à même de favoriser l’usage. C’est également une manière de permettre à nos clients de se familiariser avec nos produits et services et de les adopter.

Le service a connu de sérieux problèmes au départ et continue à souffrir de quelques imperfections !
On ne peut pas lancer un service parfait dès le premier jour. Et en matière de télécoms, c’est connu, tous les tests ne vous prémunissent jamais contre le seul, le vrai test, celui du lancement. Il n’y a pas eu de sous-dimensionnement des équipements ni du système. Par contre, nous avons sous-estimé la charge du trafic, notamment en heure de pointe. Nous avons réagi très rapidement face à cette situation en analysant la capacité de traitement du trafic et en mettant sur pied un plan pour monter en charge en matière de traitement des flux. Aujourd’hui, nous avons réglé 98% des problèmes identifiés.

Certains problèmes de surcharge peuvent parfois survenir le soir ; cela est notamment dû à la gratuité du service et aux tarifs très avantageux de «Bayn» par rapport aux autres opérateurs et sur toutes les destinations.

Ces problèmes techniques se sont-ils traduits par une désaffection de la clientèle ?
Pas du tout, puisque la semaine dernière encore (NDLR, la 1ère semaine d’avril), nous avons fait une des cinq meilleures journées de vente depuis le lancement.

Sur l’internet, vous avez une offre unique pour les particuliers aussi bien que pour les entreprises avec un débit qui reste faible, alors que vos concurrents partent largement favoris avec des offres pour lesquelles on parle de mégas octets… S’agit-il d’un positionnement sur l’internet du pauvre ?
Les chiffres officiels communiqués par l’ANRT font état de l’existence de 400 000 lignes ADSL, marché qui reste élitiste, même si la plupart des abonnés réclament des débits d’entrée de gamme à 128 Ko, 256 Ko ou 512 Ko.

Il existe 4 millions d’internautes au Maroc et notre offre internet «Bayn» a été conçue afin de répondre précisément à la demande des Marocains. C’est une offre d’entrée de gamme, sans engagement, sans abonnement et sans ligne téléphonique, avec la mobilité nationale en prime. Elle offre un débit supérieur à une ligne téléphonique classique et permet aux Marocains de naviguer en toute liberté, sans avoir besoin de sortir de chez eux. C’est une sorte de «cybercafé de poche», nomade aussi bien pour le particulier que pour l’entreprise. De plus, notre internet est disponible dans plus de quarante villes et vous pouvez surfer sur tout le territoire national et sans mobilité restreinte même en étant à bord d’un train, d’un autocar ou d’une voiture. Cette offre sera étoffée dans les semaines à venir pour offrir un internet à plus haut débit. Nous n’en sommes qu’au début, au tout début. Nous ne pouvons donc pas parler d’un internet du pauvre ou de produits du pauvre puisque nous sommes un opérateur global au sens des services et des segments et que les produits «Bayn» offrent des gammes de terminaux allant de l’entrée de gamme au très haut de gamme.

Pour ce qui est de nos choix technologiques, il faut savoir que nous ne sommes pas allés à l’aventure, le CDMA (code division multiple access) est une technologie éprouvée et utilisée par des opérateurs de grande renommée aux Etats-Unis, au Japon, en Inde, en Chine…

J’aimerais par ailleurs rappeler que Wana a acquis deux licences, celle de la mobilité restreinte, que nous venons de lancer, et la 3G mobile, que nous mettrons sur le marché en 2008. Wana sera alors un opérateur global qui lancera des services de mobilité au niveau du résidentiel et de l’entreprise. Nous aurons alors des produits qui concurrenceront Jawal et Medijahiz notamment.

Quand le consommateur marocain aura-t-il droit à des packs triple play regroupant téléphonie, télévision et internet ?
Ce n’est pas envisageable pour le moment car cela exige des capacités de transport qui ne sont possibles qu’avec la technologie filaire : cuivre et fibre optique. Cela viendra par contre avec le dégroupage total de la boucle locale cuivre de l’opérateur historique, qui interviendra mi-2008 et dont il ne faudra attendre des effets concrets qu’en 2009.

Les grandes échéances de Wana ?
En décembre 2006 et février 2007, nous avons respectivement lancé les offres entreprises et particuliers. A fin avril, nous lancerons le «service fixe voix» pour l’entreprise, lancement qui coïncidera avec la portabilité des numéros fixes permettant ainsi à nos futurs clients entreprises de conserver leurs actuels numéros. Nous couvrirons par ailleurs 50 villes en mobilité restreinte d’ici la fin de l’été et nous serons en mesure d’offrir des services de mobilité totale aux particuliers et aux entreprises au cours du premier trimestre 2008.

La voix sur internet va-t-elle se présenter comme une menace pour les opérateurs télécoms ?
L’usage de la voix sur internet est en nette croissance. Les Marocains sont familiers des logiciels qui permettent de parler via internet et ne se privent pas de les utiliser. En septembre 2005, ils étaient déjà près d’un million et demi à s’être inscrits sur Skype. Il faut cependant se montrer prudent vis-à-vis de la voix sur internet à propos de deux points en particulier. Le premier : sur internet, il y a toujours un ticket d’entrée et donc parler de gratuité est faux ; le second : il faut bien se mettre dans l’idée que les évolutions technologiques et les mutations qui s’opèrent au niveau des télécommunications impactent fortement le secteur et les habitudes de consommation. A titre d’exemple, il est vraisemblable que dans un futur assez proche, on ne facturera plus d’unités téléphoniques mais plutôt un droit d’accès.

Peut-on annoncer au consommateur une baisse de prix en matière de télécoms ?
Les tarifs des télécommunications sont forcément appelés à baisser. Il ne faut cependant pas s’attendre à des baisses spectaculaires, elles seront plutôt progressives. C’est dans l’ordre naturel des choses, compte tenu de la concurrence dans le secteur, notamment au niveau de la maîtrise des coûts et de la baisse des tarifs d’interconnexion.

A partir de quelle année envisagez-vous la rentabilité ?
Nous comptons réaliser un équilibre d’exploitation à fin 2009, et notre situation évoluera probablement à l’identique des règles habituellement observées dans le secteur ailleurs dans le monde. Notre objectif est d’être une entreprise qui compte sur le marché, saine financièrement, rentable et en croissance rapide, offrant des rendements stables et élevés à ses actionnaires.