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Affaires

Jusqu’à  25 DH le kilo… Chère la pomme !

La production locale, 378 000 tonnes en 2008, est insuffisante et les importations réduites.
La longueur du circuit de distribution tire les prix à  la hausse n L’extension des vergers est bloquée par le coût élevé des investissements et le manque d’espace dans les zones adaptées à  la culture.

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Chère la pomme ! Ce fruit qui habituellement constitue, tout au long de l’année, le dessert de base pour les Marocains atteint actuellement des prix bien plus élevés que la normale. Pourquoi cette flambée ? La production de pomme a totalisé 378 000 tonnes en 2008, un chiffre qui reste dans la fourchette de variation de ces dernières années (320 000 t en 2005 et 380 000 t en 2006). C’est donc une année normale et la proportion de fruits de bonne qualité, 30 % du total, est jugée satisfaisante par Mohamed Arbaoui, directeur de l’Association de développement de l’arboriculture au Maroc (Adam), si l’on tient compte de la grêle qui s’est abattue sur les régions de production. Ainsi, comme les années précédentes, l’offre locale est largement inférieure à la demande. Du coup, les prix de vente au détail se maintiennent à des niveaux élevés, jusqu’à 25 DH le kilo, «selon la qualité, le calibre et le terroir», précise M. Arbaoui.
La pomme est donc devenue un «produit de luxe» pour les petits budgets. Selon Hakki Charki, commerçant de fruits et légumes, les pommes les moins chères (10 à 12 DH le kilo) sont les variétés estivales (moins exigeantes en froid) cueillies entre mai et juin et la première production des variétés tardives dont la récolte s’étale de la fin septembre à décembre (golden, lorca, gala, grany). Pour ces dernières, il s’agit en fait de ce que l’on appelle le «tombé», liquidé en premier car ne pouvant être stocké (pommes piquées, blessées ou touchées par la grêle).Tout le reste est trié, frigorifié et commercialisé au fur et à mesure.
Le tout-venant, emballé dans des caisses de 20 à 25 kg, se vend au détail entre 13 et 17 DH. Les meilleures qualités sont proposées dans un emballage en carton entre 15 DH/kg pour le petit calibre, 23/25 DH pour le plus gros, et 20 pour le moyen.
Cela dit, l’insuffisance de l’offre n’explique pas tout. Les infrastructures de stockage sont en effet assez éloignées des lieux de production, ce qui rend moins fluide l’approvisionnement du marché et pèse sur les prix.

7 000 à 10 000 tonnes/an importées d’Europe
L’autre problème, qui concerne l’ensemble de la filière des fruits et légumes, est la longueur du circuit de distribution. Ainsi, le produit de qualité sort de l’exploitation entre 3,50 et 5,50 DH le kilo. Au départ des frigos, il est facturé entre 4 et 7 DH, si l’on y ajoute le coût du stockage. Vu les prix au consommateur, l’essentiel de la marge va donc aux intermédiaires.
L’importation n’a pas permis de tirer les prix à la baisse. Du fait de la faiblesse des quantités introduites et du niveau des prix. Il n’existe pas de statistiques sur ces importations, mais les professionnels indiquent que les camions qui acheminent les produits marocains en Europe reviennent chargés de différents produits, dont, chaque année, 7 000 à 10 000 tonnes de pommes de premier choix, commercialisées principalement dans les grandes surfaces pour 25 à 30 DH/kg. Outre la France, l’Espagne, l’Italie et la Pologne, les produits viennent des Etats-Unis, du Chili, et même de Chine. Quelle que soit l’origine, la pomme d’importation est très souvent plus chère que la locale en raison du prix d’alerte mis en place par la douane pour éviter la sous-facturation.
Ensuite, certains produits comme la pomme chilienne ne sont pas en concurrence directe avec la production locale en raison du décalage climatique entre les deux régions. Elles arrivent sur le marché marocain en avril et mai, période creuse où la production locale n’est plus (ou pas encore) disponible. De plus, les frais de transport tirent les prix à la hausse.
La pomme chinoise, moins chère, est peu appréciée des consommateurs. Les professionnels estiment d’ailleurs que le consommateur marocain préfère le produit local à l’importé, en raison de sa meilleure qualité gustative.
Compte tenu de ces différents facteurs, il y a peu de chances d’avoir des prix plus abordables… Sauf si l’on s’efforce d’augmenter la production domestique. Mais, là encore, les conditions naturelles empêchent l’extension des superficies. En plus du manque d’eau, le réchauffement climatique pousse les producteurs à déplacer du Saïss vers les régions d’altitude les variétés qui ont de gros besoins en froid (golden et rouge américaine).
Par ailleurs, le coût des investissements décourage toute initiative. Selon Mohamed Arbaoui, la mise en place d’un hectare revient entre 170 000 et 200 000 DH. Il peut même atteindre 300 000 DH si l’on opte pour certaines technologies, entre autres un dispositif de lutte contre la grêle et les gelées. Les opérateurs déplorent par ailleurs la quasi-inexistence de soutien public : la seule aide proposée pour le goutte-à-goutte est difficile à obtenir, est-il souligné. Pour ne rien arranger, l’importation de nouvelles variétés est rendue difficile par les mesures draconiennes prises par l’Etat pour éviter la propagation du feu bactérien.