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Jaouad Hamri : «Des mesures de change très favorables existent mais sont méconnues par les citoyens»

Le projet de loi déposé au niveau du SGG prévoit une catégorisation des infractions et adaptera les sanctions à  leur gravité. Le texte consacrera également le principe de liberté des transactions financières et des opérations de change avec l’étranger au lieu du principe de prohibition aujourd’hui en vigueur.

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jaouad hamri 2014 02 14

Le Maroc libéralise progressivement les opérations de change. Jaouad Hamri, DG de l’Office des changes, revient dans cet entretien sur l’équilibre extérieur du Royaume, les dernières nouveautés de la réglementation des changes ainsi que la relation qu’entretient son office avec les opérateurs économiques. Un accent particulier est mis sur le nouveau projet de loi déposé auprès du SGG qui est censé mettre la réglementation des changes en phase avec l’environnement économique national et international. Pour lui, des mesures très favorables actuellement en vigueur sont souvent méconnues des concitoyens, d’où son insistance sur l’importance d’accompagner l’effort de simplification par une meilleure communication.

Quel est l’état des soldes extérieurs en ce début d’année ?

La situation macroéconomique de notre pays est saine. Le Royaume enregistre de bonnes performances en termes d’attraction des IDE avec des recettes de 40,2 milliards de DH, un record historique, soit une augmentation de 25,2% par rapport à 2012. En termes de flux nets, les résultats sont également en nette progression, puisqu’ils enregistrent une croissance de 23,1%, atteignant un montant de près de 29 milliards de DH. Pour rappel, 2012 avait connu une progression de 23,1% par rapport à 2011 en termes de recettes. Ce sont donc deux années consécutives de très bons résultats qui viennent confirmer la confiance des investisseurs et l’attractivité du Royaume.
Les réserves de changes sont maintenues à un niveau acceptable en tenant compte du comportement positif des activités exportatrices dont notamment les Métiers mondiaux du Maroc. Ces activités affichent de bons résultats pour l’année 2013, qui s’expliquent essentiellement par le dynamisme des secteurs de la construction automobile avec une progression de 69,7%, soit 5,1 milliards de DH de plus, de l’aéronautique avec une progression de 14,7%, soit un milliard de plus ou encore l’électronique avec une amélioration des ventes de près de 12% par rapport à l’année 2012.

L’Office des changes vient de publier trois circulaires à l’intention des intermédiaires agréés, quelles en sont les finalités dans le contexte actuel ?

La première circulaire porte sur l’application de l’article 4 de la Loi de finances de l’année 2014. Elle explique de manière détaillée aux intermédiaires agréés la procédure à suivre en matière de déclaration et met à leur disposition l’imprimé modèle devant être rempli par les déclarants. Cette circulaire précise également les modalités de fonctionnement des comptes en devises ou en dirhams convertibles pouvant être ouverts au nom des déclarants dans le cadre de la contribution libératoire.
La deuxième circulaire s’adresse aux Marocains résidents à l’étranger qui transfèrent leur résidence au Maroc et explicite les conditions qu’ils doivent respecter pour conserver l’entière disposition de leurs biens et avoirs d’origine étrangère. Cette disposition, qui a pris effet à compter du 3 février 2014, prévoit également la possibilité d’ouvrir au nom de cette catégorie de personnes des comptes en devises et en dirhams convertibles pour loger les avoirs liquides rapatriés de l’étranger.
Pour ce qui est de la troisième circulaire, elle autorise les intermédiaires agréés à ouvrir des comptes en devises au nom des personnes physiques et des sociétés non exportatrices destinés à loger les dotations annuelles prévues en leur faveur par la réglementation des changes,  et ce, pour faciliter davantage l’utilisation de ces dotations.

Avez-vous une idée sur le potentiel de déclarations au titre de la contribution libératoire ? Dans quelle mesure cette disposition est-elle réalisable ?

Nous ne disposons pas d’estimations chiffrées sur le montant des sommes qui seront rapatriées, mais nous sommes confiants dans l’approche que nous avons retenue et sa cohérence : la préservation de la confidentialité des opérations et l’anonymat des déclarants ainsi que la possibilité pour ces déclarants de rester propriétaires des biens immeubles à l’étranger ou disposer de comptes en devises et en dirhams convertibles au Maroc sont autant d’arguments capables de garantir la réussite de ce dispositif.

En parlant de confidentialité, l’Office des changes se base également sur les données et informations des autres administrations pour détecter les opérateurs malveillants. Est-ce que les systèmes d’information des différents établissements (Fisc, Douane…) permettent un vrai échange pour mieux s’assurer de la véracité des données concernant les opérateurs ?

En matière de contrôle des transactions avec l’étranger, l’Office des changes dispose de ses propres moyens de recoupement grâce notamment à un dispositif de coopération bilatérale et multilatérale. Cette coopération vient aujourd’hui renforcer notre accès à des informations dont disposent nos partenaires étrangers, signataires de conventions sur l’échange de données financières ou encore concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

Parfois, les entreprises au même titre que les personnes trouvent les procédures de l’office très contraignantes, notamment en raison de la multitude de justificatifs demandés. Ainsi, elles passent plus facilement outre la réglementation et les textes. Cette impression est-elle fondée ?

La poursuite de la libéralisation des opérations de change constitue l’une des principales préoccupations de l’Office des changes. Nous nous attelons à mettre en place un système basé sur la simplicité, la transparence et la rigueur. Pour réussir ce projet, nous essayons de concilier entre le rôle de facilitateur de la réglementation des changes et la fonction d’organe de contrôle, chargé de la préservation des devises du pays. C’est dans ce cadre qu’un travail de fond a été accompli et qui consiste en la modernisation du cadre réglementaire qui était en déphasage avec l’environnement économique national et international. Nous sommes conscients que des efforts restent à faire en matière de simplification et d’amélioration de la lisibilité de la réglementation des changes pour les opérateurs économiques et les citoyens, preuve en est que des mesures très favorables actuellement en vigueur sont souvent non connues de nos concitoyens. Nous devons donc accompagner notre effort de simplification par une meilleure communication.

Les textes régissant la réglementation des changes datent de 1949. A quel stade se trouve le projet de loi visant à modifier la législation actuelle ? Et quels en sont les apports pour les opérateurs économiques ?

Tous les textes de loi obéissent à une procédure avant leur adoption, c’est le cas du projet de loi sur les opérations de change qui est actuellement au niveau du SGG. L’apport de cette loi réside notamment dans le regroupement, en un seul texte, des dispositions législatives réglementant les opérations de change, la définition de façon claire et précise des termes utilisés : résidents, non-résidents, étrangers, opérations en capital, opérations courantes, moyens de paiement, intermédiaires de change, etc.
Aussi, ce texte permettra de mettre en place un cadre bien défini en matière d’infractions (catégorisation des infractions) et d’alléger les sanctions et pénalités au titre des infractions aux dispositions de la réglementation des changes selon qu’il s’agisse d’infractions de premier degré ou de second degré.
De plus, le texte de loi consacrera le principe de liberté des transactions financières des opérations de change avec l’étranger avec une liste claire des opérations soumises à autorisation. On passera donc du principe de la «prohibition» au principe de la liberté.
Cette réforme est nécessaire compte tenu du caractère libéral de l’économie marocaine et de la nécessité de doter l’Office des changes d’organes de bonne gouvernance. Des organes pouvant servir à approfondir la réflexion sur la mise en place d’un cadre réglementaire adéquat, compatible avec les orientations générales du Maroc en matière de politique macroéconomique et favorable à la gestion des équilibres extérieurs du Maroc dans l’objectif de contribuer à l’amélioration du climat général des affaires et d’attrait de l’épargne des MRE et des investissements étrangers.