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Intissar Benzakour : «Managem réinvestit 1,5% du chiffre d’affaires dans la R&D»
L’innovation permet de réagir et de s’affranchir de la contrainte, mais aussi d’être dans une logique de maîtrise, d’anticipation et de création. Le groupe dispose d’un centre de recherche et de développement depuis 30 ans. Près de 75% des produits sont issus des efforts de la R&D.

La R&D et l’innovation sont devenues une source de préoccupation pour les grandes entreprises comme Managem. Intissar Benzakour, directrice scientifique et développement durable, explique les défis que souhaite relever le groupe en plaçant ces activités au cœur de sa stratégie.
En quoi l’innovation et la R&D constitue-t-elle un défi que les entreprises marocaines se doivent de relever ?
Le paysage socio-économique marocain est en pleine mutation dans un contexte international marqué par la mondialisation. Des facteurs tels que la réglementation, l’environnement, le marché (national et international), le niveau d’exigence du consommateur et des clients de façon générale, etc., imposent à l’entreprise marocaine un degré de vigilance important. Dans ce contexte, les stratégies d’innovation permettent non seulement aux entreprises de réagir et de s’affranchir de la contrainte, mais d’être dans une logique avant-gardiste de maîtrise, d’anticipation et de création. De son côté, la R&D est une activité qui permet à toute entreprise de structurer son processus d’innovation et d’être à l’affût des opportunités à saisir et des menaces à contrer.
Managem a depuis plusieurs années érigé la R&D comme un axe important de son plan d’action. Sur quoi repose cette stratégie et quels en sont les objectifs ?
L’analyse avancée précédemment s’applique parfaitement au secteur minier, le secteur d’activité dans lequel opère Managem. Le contexte est encore plus défavorable étant donné le niveau de risque associé à l’activité minière sur tous les plans ainsi que la forte fluctuation des cours. Notre groupe a choisi de relever le défi en mettant en place une stratégie d’innovation pour accompagner son développement au Maroc et à l’international. Cette stratégie a également pour objectif d’affirmer sa présence en tant qu’opérateur important dans la région. C’est pour cela qu’il a mis en place un centre de recherche et de développement depuis 30 ans. Celui-ci a pour objectif de valoriser les ressources minérales marocaines et de mettre en place une stratégie de valorisation en aval des produits et de développement d’activités à très haute valeur ajoutée.
Quels sont les principaux axes de votre charte de développement durable ?
La politique de développement durable de Managem repose sur des piliers fondamentaux. D’un côté, la durabilité des activités et la pérennité des emplois, la préservation de la santé et la sécurité des employés. De l’autre, la préservation de l’environnement, le respect des droits de l’homme et enfin la contribution au développement communautaire et au développement régional.
Le site de Guemassa a été un des premiers où vous avez implémenté vos procédés en matière de protection de l’environnement. En quoi a concrètement consisté l’expérience, et quels en ont été les résultats ?
L’idée de valoriser les rejets miniers et dépasser ainsi leur contrainte environnementale en associant les autres dimensions économique et sociale du développement durable a été la principale source d’inspiration pour nous. Je citerais deux cas concrets qui sont à mon avis éloquents : en 2008 Managem a mis en place une unité industrielle de valorisation des effluents liquides de la calamine (tout venant de minerai à base de zinc oxydé) pour produire du sulfate de sodium utilisé dans l’industrie des détergents. Ces effluents étaient initialement stockés et évaporés dans des bassins étanches. Ils représentaient une contrainte environnementale qui, grâce à la R&D, s’est transformée en une opportunité de développement d’une matière première préalablement importée par les producteurs de détergents au Maroc.
En 2013, une unité industrielle de production d’acide sulfurique et d’oxyde de fer à partir des rejets miniers de Guemassa a vu le jour. L’unité permet de neutraliser complètement la charge environnementale liée à ces rejets et d’atteindre le standard zéro déchet tout en garantissant la production d’énergie propre à même de couvrir les besoins du complexe hydro-métallurgique de Guemassa.
Ces installations industrielles ont le mérite d’exister grâce aux procédés développés au centre de recherche. Ce même centre a également permis de promouvoir les profils marocains spécialisés en R&D. Il a, ainsi, créé des emplois autour d’un modèle économique convertissant les contraintes environnementales en opportunités dans une vision de développement durable.
Qu’en est-il des autres sites d’exploitation ?
Notre politique de développement durable est déployée de la même façon à l’ensemble de nos exploitations tout en prenant en considération les spécificités de chaque site et ses priorités.
Plusieurs exemples peuvent être cités dans les autres exploitations pour illustrer la même dynamique. Un projet industriel a vu le jour sur le site de Bou Azzer dans les années 1990 pour valoriser les rejets miniers à base de cobalt cumulés depuis 1928 et le procédé, en question, a été breveté.
Le programme de R&D concerne tous les sites d’exploitation avec des projets pour la valorisation des ressources minérales et des rejets miniers stockés dans les digues ainsi que pour la mise au point de nouveaux produits et nouveaux procédés. La R&D œuvre aussi à préserver les ressources et notamment les ressources en eau. Dès la phase de développement des procédés, les choix se font de façon à privilégier la pré-concentration qui permet entre autres de consommer moins d’eau. Les procédés sont livrés avec les protocoles adaptés de traitement des effluents pour leur éventuel recyclage et/ou valorisation. Un programme de recherche incrémental a été déployé dans l’ensemble de nos exploitations afin d’optimiser les conditions de traitement pour un usage plus économe en eau.
Plus globalement, combien investit Managem dans les domaines de la R&D et du développement durable et quels sont les bénéfices économiques que vous en tirez ?
Managem investit l’équivalent de 1,5% de son chiffre d’affaires en R&D (hors exploration minière) et a débloqué 45 MDH sur trois ans dans le cadre du programme prioritaire du Sud-Est du Maroc pour le développement local. En plus des investissements pour la réalisation de projets industriels d’envergure dans le cadre de la valorisation de rejets miniers à l’image des exemples que je vous ai cités.
Grâce aux efforts de la R&D, Managem a pu diversifier son portefeuille, avec près de 75% des produits issus des efforts de la R&D et a pu, ainsi, accéder à des marchés à très haute valeur ajoutée qui n’étaient pas accessibles pour les produits de commodités.
