Affaires
Inspection du travail : 612 procès-verbaux adressés à la justice en 2010
Les PV adressés aux procureurs du Roi portent sur 934 délits et 13 896 contraventions. Une circulaire de la justice est attendue pour activer l’examen des dossiers. La CNSS, en collaboration avec les inspecteurs du travail, a redressé la situation de 53 000 salariés.

Ce que les syndicats ont obtenu du dialogue social, et mentionné noir sur blanc dans l’accord du 26 avril dernier signé par le gouvernement et les partenaires sociaux, ce n’est pas seulement l’amélioration du revenu des salariés, c’est aussi, entre autres, le respect de la législation du travail.
Un des points de ce long chapitre sur la législation du travail concerne, en effet, le sort des procès-verbaux (PV) dressés par les inspecteurs du travail, à l’occasion de contrôles dans les entreprises, et adressés à la justice.
Une circulaire du ministère de la justice devait formaliser l’engagement du gouvernement d’activer le traitement des dossiers qui sont en instance ou simplement qui dorment dans les tiroirs (les nombreuses tentatives pour joindre des responsables au ministère de la justice n’ont pas abouti).
Combien sont-ils ces PV auxquels il faudra donner suite ? Nul ne le sait vraiment. Paradoxalement, le ministère de l’emploi avoue n’en avoir aucune idée et explique qu’il ne dispose d’aucune structure ou de système de suivi des dossiers transmis à la justice. De sorte que lorsqu’une entreprise est verbalisée pour infraction ou délit, les services du ministère de l’emploi se trouvent, disent-ils, dans l’ignorance totale des suites qui ont pu être données ou non au PV en question.
«Le représentant du ministère de la justice, lors de la réunion du 26 avril du dialogue social, a assuré, lorsque le sujet a été abordé, qu’une bonne partie des dossiers transmis aux procureurs du Roi ont été traités», se rappelle Jamal Rhmani, ministre de l’emploi et de la formation professionnelle.
Pour la seule année 2010, le nombre de PV dressés et transmis au procureur du Roi, confie le ministre, s’élevait à 612 contre 419 en 2009 (+46%). Ces 612 PV portent sur 934 délits et 13 896 contraventions (un PV pouvant contenir plusieurs contravention ou plusieurs délits, selon l’explication du service de l’inspection du travail du ministère de l’emploi).
Ces PV sont le fruit de
23 506 visites effectuées par les inspecteurs du travail en 2010, au lieu de 15 840 en 2009. Selon les statistiques de la direction du travail, on constate que les visites des inspecteurs du travail se sont accélérées en 2010, alors qu’elles étaient en baisse continue entre 2006 (20 241 visites) et 2009 (15 840 visites).
Tanger et Agadir : les «champions» du non-respect du code du travail
Les délits relevés par les inspecteurs du travail ont trait globalement à la non-tenue ou non-communication de registres dont la tenue est prescrite par la législation du travail, le défaut de tenue d’assemblées qui sont obligatoires comme la réunion du comité d’entreprise au moins une fois tous les six mois, la non-tenue des élections des délégués du personnel, les obstacles dressés pour empêcher la visite d’un inspecteur du travail, le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité…
Sur le plan géographique, c’est Tanger qui s’adjuge la première place en matière d’infractions à la législation du travail : 433 délits sur les 930 relevés, soit 46,6%. Agadir vient en deuxième position avec 102 délits et Taroudant et Marrakech en troisième et quatrième position avec respectivement 53 et 51 délits.
En matière de contraventions, les inspecteurs du travail ont relevé, par ordre d’importance, le défaut d’octroi de la carte de travail, du bulletin de paie, les incidents relatifs au paiement des salariés (retard ou non-paiement carrément), la non-immatriculation et la non-déclaration à la CNSS, le non-respect du Smig…
Géographiquement, là encore, c’est Tanger qui vient en tête, suivie d’Agadir et très loin derrière Marrakech.
Six ans après son entrée en vigueur, le code du travail est toujours objet d’infractions. Ces chiffres le montrent bien, mais ces chiffres «sont loin de refléter la réalité», confie un syndicaliste qui dit être confronté quotidiennement à ce genre de dépassements. Ce syndicaliste de terrain, qui couvre la zone industrielle de Rabat, confie avoir pris sur lui-même, à plusieurs reprises, d’aller s’enquérir des PV adressés à la justice, «sans jamais avoir obtenu de réponses ni d’explications au blocage de certains dossiers». C’est la raison pour laquelle il déclare être sceptique quant à l’effet que produirait la circulaire qui doit être élaborée pour activer ces dossiers. «Ce n’est pas la première fois que l’on parle de sortir une circulaire pour faire aboutir les PV dressés par les inspecteurs. On en est la troisième ou à la quatrième. Du reste, pourquoi une circulaire, alors qu’il existe un texte supérieur à la circulaire, c’est-à-dire le code, qui est une loi et qu’il suffit de respecter ?», s’interroge-t-il.
Le ministère de l’emploi, lui, semble avoir trouvé un moyen de contourner en quelque sorte la lenteur de la justice pour sévir contre les contrevenants à la législation du travail. Il a opté depuis quelque temps pour une coopération étroite entre les inspecteurs du travail et ceux de la CNSS afin de traquer les récalcitrants. C’est ainsi que, indique un haut fonctionnaire de ce ministère, grâce à cette coopération, la CNSS, à titre d’exemple, a pu redresser la situation de 53 000 salariés en 2010, lesquels avaient fait l’objet de fausses déclarations de la part de leurs employeurs.
Encore faut-il étoffer l’équipe des inspecteurs du travail, dont le nombre aujourd’hui est tout à fait rachitique (400 au total) par rapport au tissu dense des entreprises.
