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Affaires

Informel : 2,2 millions d’emplois et 14,3% du PIB !

40 000 nouvelles unités de production informelle (UPI) sont créées chaque année depuis 1999.
Le chiffre d’affaires a augmenté de 68,3% en huit ans, à  280 milliards de DH.
55,7% des UPI ne disposent pas d’un local.

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Tel le monstre de Loch Ness, on en parle souvent, toujours même, mais on n’en connaît ni la taille, ni le poids, ni la couleur…! L’économie informelle y ressemble à se méprendre sauf que celle-ci a une existence bien réelle mais dont les caractéristiques et le poids, notamment, échappent bien souvent à l’évaluation. Mais n’est-ce pas le propre de l’informel ? Du coup, chacun y va de ses estimations, voire de ses élucubrations : 25%, 30% du PIB ? Très peu de pays, en vérité, disposent de données fiables, résultant d’enquêtes sérieuses et d’envergure sur le phénomène. En 2002, le Bureau international du travail (BIT) reconnaissait qu’il ne disposait de données sur l’informel que pour 54 pays; et encore, il s’agissait de données incomplètes pour certains pays, puisque certains modules, comme le pourcentage de l’emploi informel dans l’emploi total, manquaient.
Poursuivant son travail de mise à niveau de l’appareil statistique et de mise à jour des différents travaux et autres agrégats de l’économie marocaine, le Haut commissariat au Plan (HCP), après une première enquête en 1999, vient de rendre publics les résultats d’une deuxième enquête réalisée en 2007 sur l’économie informelle.
Couvrant un champ plus large avec un échantillon de 10 259 unités de productions informelles (UPI)(]i) contre
8 891 en 1999, et menée sur une période d’une année complète afin de tenir compte des variations saisonnières, cette enquête laisse voir que ce phénomène est loin de reculer, bien au contraire. Les chiffres du HCP montrent en effet que le nombre d’unités de productions informelles (UPI) a augmenté en huit ans (entre 1999 et 2007) de 32 000 UPI en passant de 1 233 000 à 1 550 000, soit une augmentation moyenne de 40 000 unités par an. Conséquemment, le volume de l’emploi a lui aussi augmenté de 1 902 000 à 2 216 000 entre les deux dates, soit une création nette de
314 200 postes ou 39 300 postes par an. Ces UPI ont réalisé à la date de l’enquête (2007) un chiffre d’affaires de 280 milliards de DH, contre 166,34 milliards de DH en 1999, soit une augmentation de 68,3%, et une production de 108 milliards de DH contre 65 milliards de DH en 1999, soit une croissance annuelle moyenne légèrement supérieure (6,5%) à celle de la production nationale totale (6,2%) selon le HCP.
Pour autant, en dépit de cette croissance élevée à la fois du nombre d’UPI, du chiffre d’affaires et de la production, la part de l’informel dans le PIB, elle, a baissé : 14,3% contre 16,3% en 1999. On est donc bien loin des 25 ou 30%, évoqués ici et là. D’aucuns peuvent s’interroger sur cette évolution divergente des indicateurs du secteur informel. L’explication est simple : d’une part, le PIB du secteur organisé a beaucoup augmenté ces dernières années, et, d’autre part, les activités agricoles sont comprises dans ce PIB. En d’autres mots, c’est l’importance du dénominateur qui a fait diminuer de deux points le poids de l’informel dans la richesse nationale. Le même raisonnement n’est pas tout à fait valable pour l’emploi informel puisqu’il n’est comparé qu’à l’emploi non agricole : 39% contre 37,3% en 1999. Si l’on tenait compte de l’emploi agricole, la part de l’informel serait évidemment moins importante. Et, néanmoins, cet indicateur relatif à l’emploi informel demeure intéressant : 37,3% de l’emploi non agricole, c’est tout de même beaucoup.

Une caractéristique des pays en développement ou en transition
D’ailleurs, toute la littérature universelle, et particulièrement celle du BIT, tourne autour de l’apport en emplois de l’économie informelle. Bien sûr, il s’agit le plus souvent d’emplois précaires, non couverts par des protections juridiques (contrat de travail, retraite, couverture maladie, droit syndical, etc.), et en tant que tels, aucune institution officielle ne s’aviserait d’en louer les mérites, encore moins d’en faire la promotion. Mais le phénomène sévit partout, y compris dans les pays industrialisés où il a tendance à s’accentuer avec la mondialisation galopante (qui favorise l’éclatement de la production) et le développement des technologies de l’information (qui rend plus ou moins aisé le travail à distance, à domicile, sans qu’il y ait toujours besoin de monter des structures lourdes). Au Maroc, l’enquête du HCP montre que plus d’une UPI sur deux ne dispose pas de local : 49,2% sans local (contre 48% en 1999) et 6,7% exercent à domicile (contre 11,1% en 1999), soit donc 55,7% d’UPI sans local. La conséquence de cette quasi-clandestinité dans l’exercice de l’activité informelle est que la part des UPI disposant d’une patente a baissé de 23,3% à 18,6% entre 1999 et 2007 (en effet, quoique disposant d’une patente, une unité peut être considérée comme informelle, voire définition en note à la fin de l’article). Et la baisse la plus prononcée, selon l’enquête, a été enregistrée dans le commerce : 20,6% de patentés contre 29% huit ans auparavant. Au total, l’économie informelle reste un phénomène bien enraciné, puisque ici comme ailleurs elle est source de création d’emplois, et cela est particulièrement vrai dans les pays en développement ou en transition.