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Affaires

Industries culturelles et créatives : Quel modèle d’entreprise ?

Les opérateurs privés marocains du secteur culturel ne disposent pas d’un statut légal particulier. Entre association et régime d’auto-entrepreneurs ou encore TPE-PME, les professionnels du secteur cherchent à se faire une place dans le domaine entrepreneurial.

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L’entrepreneuriat créatif et culturel au Maroc est souvent un entrepreneuriat par nécessité qui se caractérise aussi par la volonté de promouvoir les savoirs, les savoir-faire et le riche patrimoine culturel marocain. C’est un constat relevé par l’étude réalisée sur le domaine par la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC). D’après cette étude, il s’agit d’abord d’un écosystème mixte.

Il faut d’abord souligner que, d’après l’étude, les opérateurs privés marocains du secteur culturel ne disposent pas d’un statut légal particulier. Pour pouvoir travailler, ils peuvent se constituer soit en association, en coopérative, en auto-entrepreneur  ou encore en société à responsabilité limitée (SARL) ou en société anonyme (SA) auxquelles s’applique la fiscalité prévue pour les autres entreprises. Sont exonérés de TVA seulement les auto-entrepreneurs pour les cinq premières années d’activité, les coopératives et les prestations non commerciales fournies par les associations reconnues d’utilité publique, avec l’application d’un taux réduit de 10% aux œuvres et objets d’arts depuis 2015. Voilà pour l’état des lieux.

Dans les détails, à ce jour, le secteur culturel marocain évolue avec une grande prévalence des statuts associatifs à but non lucratif. En 2015, le Maroc comptait 130 000 associations -elles étaient 30 000 en 2002- dont 9 040 (soit 7%) à vocation culturelle et artistique. La notion de non lucratif ne signifie pas que ces structures n’apportent pas de contribution à l’économie. En plus de représenter un potentiel important en termes d’emploi, les associations sont soumises à des règles fiscales strictes. En vertu de l’article 2-I-3° du Code général des impôts (CGI), les associations sont considérées comme des personnes morales assimilables aux sociétés. Elles sont certes exonérées de l’Impôt sur les sociétés (Art. 6-I-A-1° du CGI), mais cette exonération «ne s’applique pas en ce qui concerne les établissements de ventes ou de services appartenant aux associations et organismes précités». En matière de TVA, les associations sont fiscalement traitées comme des consommateurs finaux. Et si elles procèdent à des opérations taxables relevant du champ d’application de cette taxe (article 89 du CGI), elles deviennent légalement redevables comme n’importe quelle autre entreprise.

Le travail des associations marocaines est organisé par le Dahir n° 1-58-37610 réglementant le droit d’association. Au cours de la dernière décennie, le monde associatif marocain a investi le secteur de la culture en exerçant un rôle moteur dans le développement et la valorisation des expressions artistiques, du patrimoine et du fourmillement culturel du pays. Un nombre croissant d’associations recherchent de nouveaux modèles économiques afin de réduire leur dépendance aux subventions et de diversifier leurs revenus. Cette dynamique naissante reste à accompagner afin de permettre à ces structures une autonomisation financière et ce que les auteurs de l’étude désignent comme un «passage à l’échelle».

Quant au statut d’auto-entrepreneur, institué par la loi du 19 mars 2015, il est accessible à toute personne physique exerçant à titre individuel une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou prestataires de services, dont le chiffre d’affaires annuel encaissé ne dépasse pas 500 000 DH pour les activités industrielles, commerciales et artisanales et 200 000 DH pour les prestations de services. Entre 2015 et 2019, 118 496 personnes ont adopté ce statut (tous secteurs confondus) et 2 878 auto-entrepreneurs ont bénéficié d’un accompagnement. Les chiffres de la ventilation sectorielle ne sont pas disponibles. Toutefois et d’après la collecte de données empirique, de nombreux entrepreneurs culturels, artistes, créateurs, et porteurs de projets individuels ont recours à ce statut en raison de son accessibilité et de ses avantages administratifs et fiscaux.

Sur le volet «entreprises», la majorité de celles actives dans les filières culturelles et créatives sont de petite taille et produisent principalement une valeur immatérielle. La fracture entre les très petits opérateurs et les grandes PME, parfois filiales de grands groupes industriels internationaux (Hachette dans l’édition, Mégarama dans le cinéma, FNAC et Virgin dans la distribution, etc.), génère une iniquité d’accès au marché et au financement. Afin de lutter contre le sous-emploi, le gouvernement s’est fixé l’objectif de faire avancer les réformes de sa politique économique dans une optique de croissance inclusive et de création d’emplois.

Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) jouent un rôle essentiel à ce propos. Elles constituent 93% de l’ensemble des entreprises au Maroc (dont 2/3 de TPE et  de PME) et jouent un rôle important dans la création de l’emploi. Pour le moment, les grands réseaux de l’entrepreneuriat au Maroc (institutionnels ou privés) accompagnent très peu les entrepreneurs du secteur culturel.

Entrepreneuriat culturel : Une niche de l’entrepreneuriat social et solidaire ?

L’ESS regroupe des entreprises et des organisations qui donnent la première place, dans leur développement économique, aux hommes plutôt qu’aux capitaux. L’application de ces règles est garantie par la loi qui définit les statuts des quatre familles historiques de l’ESS : mutuelles, coopératives, associations et fondations. D’après l’étude, de plus en plus d’associations marocaines tentent aujourd’hui de trouver de nouveaux modèles de viabilité économique. Du côté privé, un nombre croissant d’entreprises ou de coopératives adoptent des logiques d’impacts environnementaux, sociales, culturelles…, de sorte qu’un espace de convergence soit en train de se former.

Il s’agit d’une dynamique extrêmement porteuse qu’il s’agirait d’accompagner. A ce jour, les cadres légaux et fiscaux ne permettent pas de refléter ces nouvelles aspirations et constituent en cela un frein à l’émergence des écosystèmes créatifs, performants et durables. En particulier, le manque d’attractivité des statuts juridiques régissant le secteur privé et l’absence de dispositifs d’appui adaptés au développement d’entreprises culturelles privées, contribuent à expliquer la prévalence de l’associatif dans ce secteur.

L’ESS au Maroc est vue comme une économie complémentaire aux économies publiques et privées. Son institutionnalisation date de 2002. L’INDH en est le principal acteur. En 2021, il existe au Maroc environ 40 000 coopératives, soit 550 000 coopérateurs/coopératrices. Ce secteur contribue entre 2 à 3% au PIB national. Par son insistance sur la diversification économique et le tiers secteur, devant atteindre 10% du PIB en 2035, le NMD considère que l’entrepreneuriat social culturel et innovant comme une voie alternative majeure. Il convient de noter que toutes les entreprises culturelles ne relèvent pas nécessairement du champ de l’ESS.

C’est notamment le cas des entreprises libérales qui n’aspirent pas aux principes définis par l’ESS, quel que soit leur secteur d’activité (production, promotion, communication, événementiel, etc). Cela pose, d’ailleurs, le problème de délimitation des champs d’action, avec une prédominance du secteur de l’événementiel sur les autres activités productrices et disséminant des contenus créatifs.