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INDH II, plus de sous mais aussi un enjeu majeur de déconcentration
17 milliards de DH alloués pour la période 2011-2015, dont 9,4 milliards financés par le Budget de l’Etat. Les critères de sélection ont été revus pour étendre l’initiative à plus de bénéficiaires. Une articulation à trouver avec les plans de développement économique et social des collectivités locales.

Et c’est parti pour l’INDH II. Samedi 4 juin, le Roi Mohammed VI lançait à Jerada, dans l’Oriental, la deuxième phase de l’Initiative nationale pour le développement humain et qui devrait s’étendre jusqu’en 2015. Selon les données officielles, le bilan de la première phase de l’INDH (2005-2010) a été marqué par la réalisation de plus de 22 000 projets et actions de développement, dont 3 700 activités génératrices de revenus au profit de 5,2 millions de bénéficiaires. L’INDH a injecté dans le circuit des dépenses publiques près de 8,4 milliards de dirhams et suscité des contributions additionnelles de l’ordre de 5,7 milliards, soit un peu plus de 12 milliards, pour 10 initialement prévus. La première phase a également permis la mise à niveau et l’équipement de centres d’accueil et de protection sociale (1 755 projets) destinés aux populations en situation de précarité.
Dans la nouvelle phase (2011-2015), une enveloppe budgétaire de 17 milliards de dirhams sera mobilisée, soit 7 milliards de plus que le montant prévu pour la période précédente. 9,4 milliards de DH seront financés par le Budget général de l’Etat, 5,6 milliards de DH seront pris en charge par les collectivités locales, 1 milliard de DH comme contribution des départements ministériels et établissements publics partenaires, et 1 milliard de DH financé dans le cadre de la coopération internationale. L’enjeu de l’utilisation de cette manne est d’éviter le saupoudrage de la ressource. Le défi réside dans l’optimisation de la mobilisation des ressources financières à l’échelle locale, ce qui suppose de lever les handicaps dans l’organisation des modalités de la coordination qui rejaillissent mécaniquement sur le potentiel de la convergence. Car, dans ses premières années, l’initiative a fonctionné comme une «caisse» dont il fallait tirer le meilleur parti pour programmer le lancement d’actions sectorielles en manque de ressources. Les contributions budgétaires des ministères sectoriels qui étaient attendues au «nom de la convergence» ne se sont pas manifestées avec vigueur.
L’amélioration du ciblage
Le ciblage des interventions de l’INDH est une condition essentielle pour mieux maîtriser l’impact final des programmes et des projets sur le développement humain. Les critères de ciblage retenus dans le choix des territoires et des personnes lors de la première phase nécessitaient d’être améliorés. Le seuil de pauvreté monétaire retenu pour l’identification des communes rurales, la taille des villes éligibles au programme urbain et les modalités d’élaboration du schéma de précarité des villes sont autant d’indicateurs qui ont démontré leurs limites dans le ciblage des territoires et des personnes. Le montage de la deuxième phase a changé les critères de sélection des territoires et des sites de pauvreté dans les territoires éligibles aux programmes dans la perspective d’améliorer sensiblement la performance des politiques de ciblage et relever l’impact de l’INDH sur la pauvreté. Le seuil de 30% de taux de pauvreté a été abaissé à 14% pour couvrir un plus grand nombre de communes rurales (701 au lieu de 403), les villes de petite taille (20 000 habitants au lieu de 100 000) ont été introduites dans le panel des territoires éligibles, le ciblage des quartiers urbains défavorisés a été élargi (530 au lieu de 264 dans la première phase).
L’élargissement des programmes
Est-ce à dire que la pauvreté est près d’être éradiquée ? Dans bien des cas il faudra élaborer d’autres modes d’investigation, améliorer les techniques d’élaboration des schémas de précarité, recueillir des données supplémentaires pour pouvoir aller au-delà du ciblage. D’une part, s’il apparaît nécessaire de mener des politiques de lutte contre la pauvreté à un niveau communal, peut-être même à l’échelle du quartier ou du douar, en revanche, il faut garder en mémoire le fait que ces politiques sont susceptibles de jouer différemment en fonction de la mobilité et de la localisation résidentielle des ménages.
Cinq programmes ont été définis pour cette deuxième phase, dont un nouveau programme de «mise à niveau territoriale» qui vise l’amélioration des conditions de vie des populations de certaines zones montagneuses ou enclavées, la réduction des disparités en matière d’accès aux infrastructures de base, d’équipements et de services de proximité. Les performances de ces programmes seront étroitement liées à l’évaluation de leurs incidences sur l’accessibilité des populations aux services et aux prestations qui leur sont destinées. Mais bien que les programmes antérieurs de l’INDH aient été efficaces dans la réalisation de leurs objectifs, ces derniers ont parfois dévié de la lutte contre la pauvreté. Ceci pose la problématique de la définition claire des objectifs des programmes. C’est que la lutte contre la pauvreté, comme toute politique publique, impose des choix. Elle vise à satisfaire beaucoup d’objectifs souhaitables : fournir aux plus pauvres un revenu; les réinsérer dans la société; la réduction des risques qu’ils subissent; le ciblage des aides vers ceux qui en ont le plus besoin. Tous ces objectifs sont louables, mais, inévitablement, entrent en conflit les uns avec les autres. L’efficacité de ces programmes dépendra de la capacité des institutions de l’INDH à lever les nombreuses difficultés observées dans la mise en œuvre des programmes: multiplicité des conceptions et approches, nombreux projets définis de manière exclusive et verticale sans véritable coordination et collaboration avec des services parallèles, duplication de certaines interventions.
La programmation des actions de l’INDH souffre de quelques défaillances qu’il serait nécessaire de redresser. Mais il va sans dire qu’une programmation pluriannuelle efficiente, transparente et participative, n’émergera pas spontanément de la dévolution des responsabilités et ressources aux comités de l’initiative (comités locaux, provinciaux, régionaux) même si les décisions de ces comités sont transparentes et participatives. Son succès dépend, dans une large mesure, de la possibilité d’intégrer les programmes et projets de l’INDH dans le cadre du processus d’élaboration des plans de développement économique et social des collectivités locales aux divers échelles du territoire (communes, provinces, régions).
Régionalisation et bonne gouvernance : deux challenges
L’INDH est apparu à la fois comme le révélateur des limites d’une architecture et d’un fonctionnement politico-administratif encore largement concentré. Une réelle convergence des actions de l’INDH et des autres départements ministériels ne peut dorénavant faire l’économie d’un véritable projet de déconcentration. Il reste à souhaiter que dans sa deuxième phase, l’INDH puisse fonctionner comme un accélérateur de changement pour une déconcentration globale, plus poussée et mieux articulée. Cette perspective invite à porter le regard sur le volet déconcentration du projet de régionalisation. D’abord, quels seront les destinataires des transferts de pouvoirs, les services extérieurs ou les walis et gouverneurs ? Et comment éviter que des services déconcentrés ne demeurent cloisonnés ? Ensuite, comment organiser les relations entre le représentant de l’Etat sur le territoire, les services déconcentrés et les élus ? La quête d’une cohérence et d’une unité de l’action de l’Etat sur les territoires, qui est un objectif majeur, doit être déterminée en tenant compte des défis de la coordination des politiques publiques, du suivi de l’efficacité des interventions, et de la demande accrue de participation de nouveaux acteurs.
