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Immobilier : offre promotionnelle ne signifie pas baisse des prix
• Les prix affichés par les promoteurs restent inchangés. Ces derniers ont lancé des offres à coup de taux d’intérêts réduits et de différé de paiement. Des actions marketing déjà intégrées dans le prix de vente initial.

L’inadéquation entre l’offre et la demande est l’un des maux qui ont mis à mal le secteur de la promotion immobilière. La crise sanitaire actuelle n’a fait qu’enfoncer le clou pour mettre au grand jour toutes les difficultés du secteur. Dans ces conditions, tout porterait à croire que les prix de vente des biens immobiliers baisseraient, afin de s’aligner avec le pouvoir d’achat des ménages et aussi pour permettre aux promoteurs d’écouler leurs stocks. Mais il n’en est rien. Les promoteurs jugent que le niveau de prix actuel est satisfaisant, sachant qu’ils estiment avoir fourni plusieurs efforts sur leurs marges. Du coup, le constat est tel que les prix affichés restent inchangés dans la majorité des cas, mais la négociation est plus flexible.
Sur le site Mubawab, il est constaté qu’entre mars et juillet de cette année, les annonces immobilières intégrant une baisse de prix ont augmenté par rapport à la même période de l’année précédente. Globalement, «22% d’annonces en plus ont affiché des prix en recul», apprend-on auprès de Mubawab. Toutefois, ce constat n’est pas partagé par tous les types de clients du site. En effet, 4% d’annonces supplémentaires ont vu leur prix diminuer pour les particuliers, contre 80% de plus pour les annonces des agences. Le contraire est observé auprès des promoteurs. Les annonces affichant un recul des prix se sont contractées de 18%.
Cela dit, depuis un mois, des promoteurs ont redoublé d’efforts afin de requérir davantage de visibilité à coup d’annonces publicitaires. Plusieurs projets immobiliers portant sur des appartements de moyen et haut standing, terrains viabilisés, villas finies ou semi-finies, résidences balnéaires…, sont proposés. Certains professionnels, à l’instar de la CGI et d’Addoha notamment, ont même lancé des offres promotionnelles, pour le moins intéressantes, à coup de taux d’intérêts préférentiels, de différé de paiement, d’une quotité de financement élevée…
Le groupe CGI a ainsi lancé, pour l’ensemble de ses projets livrables au Maroc, une offre promotionnelle à un taux de 3,75% et un différé de paiement de 6 mois, jusqu’en 2021. «En fait, cela rentre dans le cadre de notre stratégie qui s’articule autour de 4 grands axes (ndlr : voir encadré). Sur ce volet, la CGI a déjà conclu des conventions de financement avec les banques de la place, pour permettre à la clientèle de se financer à 4%. Le différentiel sera donc pris en charge par la compagnie. De son côté, le différé est supporté par les deux parties (CGI et banque) à parts égales», explique Fayçal Bennouna, directeur du pôle commercial et communication. En plus de cela, des remises additionnelles allant jusqu’à 5% sont accordées sur certains projets, comme celui du Park Anfa Condominium. Ajouter à cela, des honoraires préférentiels sont négociés avec des notaires partenaires du groupe. S’agit-il d’une baisse de prix «déguisée» ? «Non», insiste notre source. «Deux raisons poussent un promoteur à baisser le prix de vente de ses biens : le taux d’endettement et le niveau et la qualité du stock. Or, ce n’est pas le cas de la CGI. D’ailleurs, cette offre s’inscrit parfaitement dans le cadre de la stratégie lancée «Cap Excellence» qui vise, entre autres objectifs, le déstockage de projets. Le taux de réalisation est de près de 80% actuellement», ajoute M.Bennouna. Elle rentre aussi dans le cadre du budget promotionnel alloué annuellement par la compagnie.
Le niveau de baisse des prix est moins important que celui de l’année passée, selon Mubawab
Pour sa part, Prestigia, filiale du groupe Addoha, propose aussi ses biens immobiliers à «des conditions imbattables». En plus clair, le groupe offre un différé de paiement allant jusqu’à 24 mois. «Il est de 6 mois, renouvelable la première fois pour la même durée et la deuxième fois pour 12 mois supplémentaires», annonce un commercial consulté dans un bureau de vente. Le taux de financement, lui, est variable, à 3,75%, sachant que le groupe supporte 25 points de base pendant une durée déterminée. Autrement dit, une fois cette durée écoulée, le client devra s’acquitter d’une traite intégrant les 25 pbs ; cela, sans évoquer une éventuelle évolution du taux. A côté, pas besoin d’un apport en particulier, puisque le financement peut aller jusqu’à 110%, incluant du coup les honoraires du notaire. Cela dit, tous les clients ne sont pas éligibles à cette offre. Seuls les clients de la BMCE le sont pour prétendre à un différé allant à 24 mois et ceux de la BCP aussi mais avec un différé de paiement de 12 mois seulement. Le groupe serait en négociations avec d’autres banques pour étendre le spectre des conventions et toucher une plus large cible de clients.
Il faut dire que l’expression «baisse de prix» fait vaciller les promoteurs. Si le prix recule, c’est que le secteur se porte mal et que les promoteurs se voient prêts à concéder des baisses ouvertement. Ce qui pourrait porter un coup de grâce à l’un des secteurs les plus porteurs au Maroc. Pourtant, l’un d’eux affirme qu’il s’agit effectivement d’une baisse de prix appliquée sans qu’elle n’en reprenne le terme. En ressortent-ils perdants dans ce cas ? Aucunement, confirme notre promoteur. «A la base, le prix des biens est déterminé certes en fonction de plusieurs paramètres, intégrant le coût de revient et la marge du promoteur, mais aussi ce type d’offre promotionnelle, de sorte que la marge moyenne réalisée sur les ventes reste à un niveau acceptable par le promoteur», souligne notre source.
Kevin Gormand, co-fondateur et directeur général de Mubawab, résume : «Que ce soit à travers un taux réduit, un geste commercial, des équipements offerts ou autres, il s’agit d’une légère baisse de prix, qui est déjà intégrée dans le business plan. D’ailleurs, le prix affiché par le promoteur ne représente pas le prix réel ; les promoteurs laissent toujours une marge de négociations, mais qui ne peut dépasser 5% du prix de commercialisation». En tenant compte des statistiques fournies entre mars et juillet 2020/2019 via le site Mubawab, «le montant de la baisse des prix a diminué pour tous les acteurs du marché. Globalement, une diminution de 30% est constatée sur le montant de la baisse», nous informe le site d’annonces immobilières. Pour illustrer, si un promoteur appliquait une baisse de 10 000 DH, cette baisse n’est actuellement que de 7 000 DH. Ainsi, pour les particuliers, la baisse a reculé de 31%, contre 42% pour les agences immobilières et de 18% pour les promoteurs. In fine, il y a davantage d’annonces qui ont vu leur prix baisser, mais cette baisse est en moyenne moins importante que celle de l’année passée.
CGI : VEFA, amélioration de l’accès à la propriété, digital…, les nouveaux axes de développement
La CGI est en plein développement de ses activités. Avec un taux d’écoulement jugé élevé, la compagnie prend un nouveau virage et met en place une nouvelle stratégie de croissance. Le 1er axe repose sur l’application de la VEFA en bonne et due forme, telle que la loi le stipule, chose qui ne se pratiquait pas auparavant. Le 2e se base sur l’amélioration des conditions d’accès à la propriété. D’où l’offre promotionnelle lancée récemment. A côté de cela, la CGI entend innover et investir de nouveaux marchés. «Dès la fin du mois de juillet, la CGI compte attaquer le marché du locatif», confie M.Bennouna. Il ne s’agit pas seulement de mettre des biens en location, mais de présenter un packaging aux investisseurs intéressés par des rendements locatifs. En dédiant une partie de ses biens à la location, le groupe devra dans un 1er temps louer ses biens pendant une période donnée et les vendre en 2e lieu, à un investisseur, alors qu’ils sont toujours en location. Le dernier axe prend comme fondement la volonté de développer la digitalisation des services. En plus de la visualisation des projets sur des supports numériques, la CGI envisage de mettre en place un chatbot, de permettre la création d’un compte acquéreur et de lancer la possibilité de l’acquisition en ligne, avec paiement des avances. «Vu que 20% des ventes du groupe sont réalisés à l’étranger, par des MRE notamment et compte tenu des conditions sanitaires actuelles, nous lançons le «e-sales, pour cette clientèle certes mais également pour les locaux», souligne M.Bennouna. L’objectif est de faciliter le processus de vente, attirer et recruter davantage de clients et limiter leurs déplacements.
