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Il veut révolutionner le traitement des maladies chroniques
Moncef Slaoui prend sa retraite en juin après 29 ans passés chez GSK à élaborer des vaccins contre la Malaria, Ebola, le cancer du col de l’utérus… L’un de ses derniers projets, la médecine bioélectronique, permettra de guérir des maladies chroniques. Il veut aider le Maroc à développer sa R&D.
Né à Agadir en 1959, Moncef Slaoui a grandi à Casablanca avec le rêve de devenir médecin. Cette ambition le mènera vers une brillante carrière de chercheur chez le plus grand producteur de vaccins européen et mondial, Glaxo Smith Kline (GSK).
Après un bac obtenu au lycée Mohammed V de Casablanca, ce père de trois enfants a voulu suivre des études en médecine dans une faculté en Belgique. Il ne réussira pas à l’intégrer faute de place, ni à devenir médecin, mais l’ironie du sort fera de lui plus tard professeur au sein de ce même établissement. Ainsi, après avoir obtenu une licence en biologie, il fait un doctorat en biologie moléculaire et immunologie à l’Université libre de Bruxelles qu’il obtient en 3 ans. «Avec mon épouse, dès l’obtention de nos doctorats, nous avons soumis notre candidature pour une formation post-doctorale à l’Université de Harvard. Nous avons passé trois ans à Boston entre 1983 et 1985», déclare Moncef Slaoui. Il quittera les Etats-Unis après la fin de sa formation car son épouse est approchée par un chasseur de têtes de Smith Kline R.I.T (Recherche et industrie pharmaceutique), firme spécialisée dans les vaccins, dénommée aujourd’hui GSK. L’entreprise lui propose de revenir en Belgique pour entreprendre un projet de vaccin contre le Sida. Jusqu’à aujourd’hui, le vaccin n’a pas encore été trouvé, étant donné la grande capacité d’adaptation et de changement du virus. «En revanche, nous sommes sur le bon chemin pour trouver une approche thérapeutique qui peut protéger l’être humain contre l’infection au VIH, un anticorps qui peut bloquer le virus. Il serait injecté tous les mois, notamment aux bébés nés de mères infectées», remarque celui qui deviendra professeur à la Faculté de médecine de Belgique dès son retour des USA.
GSK a produit 24 nouveaux médicaments en 6 ans au lieu de 1 en 10 ans auparavant
«Au même moment, j’ai rencontré le président de Smith Kline R.I.T qui m’a proposé le poste de conseiller scientifique en immunologie de GSK que j’ai occupé pendant trois ans», se rappelle M. Slaoui. Séduit et convaincu par le «pouvoir» des vaccins à sauver des millions de vies, il rejoint ensuite le domaine de la recherche pour les vaccins. Son but: avoir un impact réel sur la vie humaine. «En 1988, j’ai rejoint GSK en tant que scientifique œuvrant pour créer un vaccin contre l’herpès et un autre contre la Malaria (obtenu en 2015)», dit-il.
Pendant 15 ans (de 1988 à 2003), le chercheur participe à l’élaboration de tous les vaccins que la compagnie a produits dont celui contre le Rotavirus, le vaccin contre le cancer du col de l’utérus, contre les pneumocoques… Seul bémol, ces vaccins sont approuvés en Europe mais pas aux Etats-Unis. Et pour cause, GSK n’est pas présente dans la recherche scientifique aux Etats-Unis. Pour pallier ce problème, la firme européenne implante un centre de recherche à Rockville rebaptisé très récemment «Slaoui Center for Vaccines Research». «Aujourd’hui, plus de 300 chercheurs (bientôt 400) y travaillent dans l’objectif de développer des vaccins qui seront approuvés aux Etats-Unis», note Moncef Slaoui. Mais avant cela, en 2003 (alors âgé de 44 ans), il rejoint le centre mondial de GSK basé à Philadelphie où il sera promu directeur du business développement. Cette position le préparait à devenir le chef de développement de la recherche globale chez GSK, un poste qu’il obtient en 2006. Sa mission : réactiver la R&D du laboratoire pharmaceutique devenu très peu productive. «En une décennie, celle précédant l’année 2011, un seul médicament de GSK a été approuvé par l’Agence américaine d’approbation des médicaments et des produits alimentaires FDA», déclare M. Slaoui qui va prendre la direction de la division vaccins monde en 2014. Pour réactiver la R&D de GSK, dès 2008, il travaille en tandem avec le nouveau CEO de la firme. «Depuis 2011 jusqu’à maintenant, GSK a atteint 24 nouveaux médicaments approuvés par la FDA avec un budget d’investissement inférieur de 30% au précédent. L’équipe de chercheurs a, elle, largement baissé de 16000 à 10000 personnes», explique le président de GSK Vaccins. La recette Slaoui a pris.
Autre nouvelle orientation du laboratoire pharmaceutique qu’il a initiée: la médecine bioélectronique. Il s’agit de micro-puces greffées sur les nerfs d’un organe impliqué dans une maladie chronique. Après des essais sur les animaux débutés en 2012, l’équipe de recherche de M. Slaoui a remarqué qu’on pouvait guérir 14 maladies chroniques allant du diabète au lupus, en passant par l’asthme et l’obésité… «Les essais cliniques commencent en 2018. Pour le développement de cette recherche, une société nommée Galvani Elctronics a été co-fondé en août 2016 avec Verily Sciences, une filiale de Google dédiée aux recherches bio-électroniques. Elle investira 750 millions de dollars par étapes», déclare-t-il. Pour sa part, Moncef Slaoui prend sa retraite de GSK en juin prochain mais reste le chairman de Galvani. Il rêve de réussir son projet à grande échelle.
Il préconise d’entreprendre des recherches sur les maladies fréquentes au Maroc
«On ira chez le médecin, on implantera à l’aide d’un robot une petite puce sur un nerf de la taille d’un grain de riz. J’espère qu’à la 2e ou 3e génération de ce traitement, le patient oubliera sa maladie et le fait qu’il doit prendre des médicaments tous les jours», explique-t-il. Après sa retraite, l’inventeur du vaccin d’Ebola veut rejoindre les conseils de plusieurs compagnies engagées dans des projets transformationnels comme la bioélectronique. «J’ai toujours été dans l’action avec mes équipes pendant 29 ans. Maintenant je rentre dans une phase moins opérationnelle, étant dans les conseils d’administration des entreprises», remarque-t-il. Au Maroc, il espère s’engager dans des projets où le Royaume peut faire la différence. C’est le but de sa présence à Casablanca où il donne des conférences et rencontre des universitaires. Sa recommandation pour développer la R&D nationale est de choisir des projets spécifiques qui peuvent donner un avantage compétitif au Maroc, notamment pour les maladies très fréquentes dans le pays.