Affaires
Il renonce à un poste de DG pour se lancer à l’aventure
Bardé de diplômes, Khalid El Ibrahimi devient, à 26 ans, DG
d’une compagnie d’assurance.
Un an après, il crée GSI, contre l’avis de sa famille et de
ses amis.
Aujourd’hui, son entreprise réalise 100 MDH de chiffre d’affaires.
Khalid El Ibrahimi a toujours su ce qu’il voulait faire. Un jour, alors qu’il se promenait en famille du côté du Palais royal de Rabat, son père lui demande à quoi il se destinait. L’enfant, âgé à peine de 7 ans à l’époque, a cette réponse inattendue : «Chef de la garde royale». Le petit Khalid avait bien vu que son père n’était pas content de sa réponse espérant plutôt que son rejeton rêverait, comme tout enfant de son âge, de devenir ingénieur ou médecin. Mais, il ne se laissa pas démonter par les remarques de son père.
Si ce petit fait relève de la boutade, il n’en informe pas moins sur un caractère trempé dans l’acier et une détermination à toute épreuve. Autre trait de caractère, le sens du détail et l’obsession du travail bien fait. Autant qu’il s’en souvienne, Khalid El Ibrahimi a toujours été fasciné par l’excellence et il résume ce trait de caractère par cette phrase : «J’ai constamment et tout naturellement été perfectionniste. Tout le temps, j’ai aspiré à être le meilleur».
Grâce à son sens des affaires, il autofinance ses études en France
Victor Hugo, jeune enfant, disait : «Je veux être Chateaubriand ou rien». On ne saura pas si une telle aspiration influença le jeune entrepreneur que deviendra Khalid El Ibrahimi, mais une chose est sûre, la littérature, pour être son violon d’Ingres, n’est pas son pain du jour. Sitôt ses études primaires et secondaires terminées, le jeune Khalid vogue vers des horizons lointains. En 1981, avec une maîtrise en poche, il s’inscrit pour un troisième cycle à Sup de Co Lyon avant de s’orienter, une fois son diplôme décroché, vers un DEA et un doctorat en informatique des organisations, qu’il obtient en 1988. Parallèlement, il entreprend d’adjoindre sur son CV un DESS dans le même domaine. Pourquoi un tel choix ? «C’est le cursus qui m’a paru, très vite, comme le mieux adapté à ma personnalité», répond-il.
Ses études, ce ne seront pas ses parents, pourtant à l’aise, financièrement parlant (son père est magistrat et sa mère était directrice d’école) qui les financeront, car le jeune Amazigh a plusieurs flèches à son arc. Il a le sens des affaires, une capacité d’adaptation hors pair et un sens du relationnel qu’il n’a eu de cesse de développer. Il fera des petits jobs et revendra à son entourage estudiantin, de la maroquinerie, achetée dans le pays durant les vacances. Les affaires, ça le connaît, et la première dont il se rappelle est la revente fructueuse d’une voiture dont il a fait l’acquisition, grâce à son flair.
Si Khalid El Ibrahimi a fait ses études sans état d’âme, le perfectionnisme qu’il y met est tel qu’un de ses professeurs, pourtant peu tendre avec les étudiants arabes et africains, voulut récompenser son application et son assiduité en lui offrant de choisir son sujet d’examen à l’oral. Proposition que le jeune étudiant refusa, ce qui lui valut de forcer davantage le respect de ce professeur.
En 1988, l’aventure française prend fin avec un cursus brillamment mené. Que fait le jeune diplômé fraîchement émoulu ? Il est, bien sûr, tenté par le retour au pays, mais il veut tempérer. Mais ne voilà-t-il pas que le jeune docteur de 26 ans reçoit une proposition des plus intéressantes : on lui offre le poste de DG dans une société d’assurances (La victoire). Bien fou serait celui qui résisterait à une telle offre. Mais l’expérience va être de courte durée car, au bout d’une année, il est définitivement convaincu que son destin est ailleurs, en attente d’un avenir plus conforme à ses ambitions. En attente d’un déclic.
GSI commence en décembre 1989 avec un effectif de 5 personnes
Tout se déclenche au cours d’un déjeuner avec un ami. Un besoin tellement fort de se lancer que, l’après-midi même, notre DG est déjà en quête d’un local. Ce déclic-là, il ne s’en produit pas beaucoup dans la vie d’un homme. L’aventure de GSI Maroc peut commencer. La création d’une S.A. au capital d’un million de dirhams, libéré à hauteur de 250 000 DH, est déjà sur les rails et un local de 120 m2, sur le Bd Brahim Roudani à Casablanca, est pris en location.
Parallèlement à cet événement crucial, un autre fait, triste celui-là, marquera la vie de cet entrepreneur : le décès de sa mère dont il avoue tenir le sens du challenge, et la générosité du cœur.
GSI Maroc commence donc son activité en décembre 1989, avec une équipe de 5 personnes et des moyens limités. Khalid El Ibrahimi, qui roulait auparavant dans une voiture de fonction, est obligé d’en louer une, faute de fonds pour en acheter. De salaire, il ne s’en fixe aucun car, dit-il, «pourvu que j’arrive à payer celui de mes employés». Son père, encore une fois, n’est pas très enthousiasmé par l’esprit d’entreprise de son fils et redoute de le voir aller au-devant de déconvenues annoncées.
Contre toute attente, les affaires vont bien et le chiffre d’affaires de la première année est rondelet : 3 MDH. Ceci alors que, contre le conseil de ses amis et en dépit de la menace que constitue le piratage des logiciels, GSI Maroc mise surtout, au démarrage, sur la vente des logiciels. La formation et, plus tard, la vente du matériel informatique ne viendront qu’en appoint. Aujourd’hui, l’entreprise, pourtant jeune, compte un effectif de 80 personnes dans son effectif et son chiffre d’affaires est de 100 millions de DH. Quatre métiers y ont fait jour : la partie concentrant l’infrastructure (software et hardware), celle se rapportant à la formation, le pôle produits de gestion et enfin celui des systèmes d’information. Si GSI Maroc est, désormais, bien implanté, comme en témoignent ses agences commerciales à Casablanca, Rabat, Tanger et bientôt Agadir, Khalil El Ibrahimi reste l’infatigable travailleur qui a fondé l’entreprise et qui pense qu’il ne faut jamais baisser les bras. Pour lui, l’ordre, la rigueur et l’effort sont des données objectives, palpables et quantifiables qui ne souffrent aucune rhétorique. Pour cet éternel anxieux qui s’avoue plutôt directif, «dans ce monde de turbulences, seuls les «paranoïaques» ont une chance de survivre»