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«Il ne peut y avoir une Charte de l’investissement sans un Small Business Act»

• Les très petites et moyennes entreprises (TPME) souffrent de plusieurs problèmes, dont le faible accès au financement. On a l’impression que les banques ont serré la vis. Qu’en pensez-vous ?
Je tiens, tout d’abord, à rappeler que le tissu entrepreneurial est marqué par une forte hétérogénéité. La catégorie des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) est formée de trois composantes : les travailleurs indépendants, les employeurs informels, classés comme petites ou très petites entreprises et les entreprises formelles. Cette population d’entreprises, qui pèse plus de 95% du tissu productif national, selon les différentes estimations, reste très peu servie par les institutions financières avant et surtout après la crise sanitaire. Le constat montre que les TPME sont les plus confrontées aux difficultés d’accès au financement qui constitue un obstacle sévère pour 40% d’entre elles. Tout le monde s’accorde à dire que les TPME marocaines sont caractérisées par la fragilité de la structure financière, la sous-capitalisation, la faiblesse des actifs et le manque de transparence.
• Comment expliquer cette situation ?
Ces constats peuvent s’expliquer par des facteurs endogènes et par des facteurs exogènes. Ces faiblesses et autres se traduisent par des difficultés d’accès aux financements externes dans une période de pénurie financière et de crise mondiale. Cela conduit ces entreprises vers le financement informel et empêche d’autres d’intégrer le marché de financement formel. De façon plus générale, les TPME marocaines font face à plusieurs difficultés qui proviennent de leur relation avec les bailleurs de fonds externes, des asymétries informationnelles, de risque moral, des coûts d’obtention du financement jugés plus élevés, du cadre réglementaire et judiciaire déficient, de manque de garanties, et d’inadaptation des produits financiers aux besoins des PME. D’autres entreprises, notamment familiales, l’essentiel de notre tissu économique a un vrai sujet sur la table non éludé, celui de la transmission, vu que les enfants veulent tous créer leur propre start-up et ne se voient pas reprendre l’entreprise. Régler cette problématique est un enjeu crucial pour assurer la mise à niveau de nos entreprises, en encourageant notamment les rachats avec effet de levier (LBO) et/ou l’émergence des fonds régionaux.
• Quelle place doit occuper la TPME dans la nouvelle Charte de l’investissement ?
La Charte d’investissement doit être lue comme la Charte de la TPME. Cette dernière doit être le plat de résistance et non plus la cerise sur le gâteau. Pour cela, la Charte doit donner le cadre général et gérer les aspects transverses de l’investissement, quelle que soit la taille de l’entreprise, et doit avoir un référentiel particulier pour ses aspects spécifiques. Elle doit encapsuler la TPME via le Small Business Act, en gardant bien à l’esprit que la PME n’est pas une grande entreprise en miniature mais qui dispose de son propre ADN.
• Pourquoi le Small Business Act tarde-t-il encore à voir le jour ?
Pour favoriser le développement des petites et moyennes entreprises dans le tissu économique marocain, le Small Business Act (SBA) est l’outil idéal pour booster le cadre légal et business de la PME. Ainsi, une approche holistique est de mise, dont la vocation est de promouvoir les TPME, leur consentir des mesures incitatives et leur simplifier l’accès aux marchés publics, dans la durée et avec une gouvernance ad hoc. La transformation de la Caisse centrale de garantie, devenue Tamwilkoum en une banque publique d’investissement tournée vers les TPME est un levier pour leur donner de l’air et de la place dans le paysage financier. Tamwilkoum pourra s’appuyer sur des mécanismes existants pour fournir des solutions de financement adaptées aux diverses catégories de TPME, en plus d’un service d’accompagnement non financier de proximité. Il faut comprendre que la fonction du Small Business Act est «d’aider, de conseiller, d’assister et de protéger, dans la mesure du possible, les intérêts des petites et moyennes entreprises». La Charte stipule également que le SBA garantirait aux petites entreprises une «juste proportion» de contrats gouvernementaux et de ventes de biens excédentaires. Il n’y a pas de Charte d’investissement sans Small Business Act. Nous devons trancher et confirmer qu’il y a urgence à mettre en avant la synergie et la complémentarité de la Charte avec le SBA qui peut être un puissant levier et un tremplin pour faciliter l’accès des TPE-PME aux marchés publics et remplir le carnet de commandes de ces entreprises, génératrices d’emplois et de revenus.
