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Affaires

Il commencent dans le tissu et finissent par créer une usine de médicaments à  Dakar

A l’âge de seize ans, Mohamed Amrani et Mohamed Lahlou s’installent au Sénégal n D’abord employés, il montent ensuite leur propre affaire de négoce
Aujourd’hui, ils investissent 25 MDH pour fabriquer des génériques.

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Larelation entre Mohamed Amrani et Mohamed Lahlou et le Sénégal remonte aux années 1970. Aujourd’hui hommes d’affaires respectés à Dakar, ils y ont commencé modestement leur parcours. Comme pour nombre de Marocains installés au pays du Président Wade, leur arrivée dans la capitale sénégalaise ne se serait pas faite n’étaient leurs liens familiaux avec des pionniers ayant choisi le Sénégal comme pays d’accueil.
C’est à son oncle, négociant en tissu à Dakar, que Mohamed Lahlou doit ses premiers pas dans le commerce. Il se rappelle être arrivé un 27 septembre 1971 au Sénégal, alors qu’il avait seize ans. Aujourd’hui qu’il fête ses trente ans d’«Afrique», il regarde ces trois décennies comme de longues et fructueuses vacances, dit-il, avec le large sourire de ceux qui ont réussi le challenge de leur vie. Le capital de cet autodidacte tient en deux mots : sens des affaires précoce et fulgurante capacité à saisir les bonnes occasions. Exemple : alors qu’il déambulait dans les rues de Dakar, pendant les premiers mois de son arrivée, il remarque le manège des marins russes (dont les bateaux pêchaient dans les côtes poissonneuses du pays), en quête de clients pour leur caviar qu’ils rapportaient de leur pays pour arrondir leurs fins de mois. Il comprit vite l’intérêt de ce produit, qu’il pourrait revendre auprès du personnel du corps diplomatique en poste à Dakar.

Il achète du caviar aux marins russes à 400 DH et le revend à 2 000 DH
Durant de longues années, alors que personne n’imaginait tout le bénéfice que l’on pouvait tirer de cette véritable «poule aux œufs d’or», Lahlou qui, entre-temps, prenait des cours de russe, achetait son caviar aux marins russes à 25 000 francs CFA (400 DH) le kg pour le revendre à près de 120 000 francs CFA (2 000 DH). Chacun trouvait son compte dans l’opération : les marins russes, qui rapportaient le produit pour avoir du liquide dans le pays hôte, les acheteurs européens qui, autrement, auraient dû le commander dans leurs pays, où il coûtait alors de 5 000 à 6 000 FF et, bien entendu, Mohamed qui, à dix-neuf ans, a pu faire l’acquisition de son premier magasin de tissu. Et ce n’était là qu’un début car, quelques années plus tard, il se retrouvera à la tête d’une chaîne de magasins, dont ceux que son oncle lui revendra lorsqu’il décidera de rentrer définitivement au pays.
Le parcours de Mohamed Amrani ne diffère guère quant au début de l’aventure. Venu rejoindre un parent à Dakar pour travailler pour le compte d’un commerçant, il se rappelle qu’il gagnait l’équivalent de 800 DH et que c’est son employeur qui lui offrait le gîte et le couvert comme à six autres employés, également venus du Maroc. Mohamed Amrani, bien qu’il ait toujours affirmé que l’avenir du monde était en Afrique, sera pourtant tenté par un retour aux sources, une expérience qui va durer une vingtaine d’années. Mais après cet «intermède», entre la fin des années 80 et le début des années 90, il va retourner au Sénégal et aux affaires. Mais il n’a jamais perdu le contact avec son vieil ami Mohamed Lahlou.

Bien intégrés au Sénégal, ils gardent des relations très fortes avec leur pays d’origine
Le tournant décisif dans l’histoire des deux Mohamed (Amrani et Lahlou), a lieu quand ces deux amis de longue date, tous deux Fassis (le premier est originaire de Arsat Bennis et le second de Derb Touil), décident de s’associer dans une entreprise de distribution de produits alimentaires. «Nous nous étions dit que les Marocains du Sénégal pouvaient tout aussi bien investir ailleurs que dans l’artisanat ou le tissu. Et c’est ainsi que nous avons investi dans l’importation de tout ce qui est jus de fruits, confitures, mayonnaise… Nous importons essentiellement d’Espagne, de France ou encore d’Asie. Récemment, nous avons commencé à distribuer des olives du Maroc», expliquent-ils.
La décision d’investir dans le circuit des produits alimentaires est intervenue après une édition de la Foire internationale de Dakar. Après, ce sera des voyages fréquents en Europe pour s’assurer les services des fournisseurs et la participation aux foires et expositions pour être au fait de la filière et la recherche des alliances en vue de pérenniser le «business».
Aujourd’hui, les deux compères passent à la vitesse supérieure. Tout en se maintenant dans les domaines où ils ont commencé (tissu et alimentation) et où la concurrence se fait de plus en plus rude, avec les Libanais notamment, ils attaquent le domaine du médicament et, plus précisément, celui du générique. En effet, en s’appuyant sur un professionnel, les laboratoires Sothema Maroc, ils lancent le projet de construction d’une unité de production courant 2004. La fin de la première phase opérationnelle est attendue courant 2005. L’investissement est de l’ordre de 25 MDH.
Pour le reste, les familles Amrani et Lahlou sont bien intégrées au Sénégal. Le premier, marié à une Marocaine, a trois enfants tout comme le second. Les enfants font leurs études dans le pays d’accueil et passent leurs vacances au Maroc où ils maintiennent des relations très fortes avec leurs racines et avec leurs grands-parents

Tout en se maintenant dans le négoce du tissu et l’alimentation, où la concurrence des Libanais est rude, ils attaquent le domaine du médicament générique, avec l’appui de Sothema Maroc.

Mohamed Amrani (à g.) et Mohamed Lahlou : un exemple de réussite qui, moyennant un peu d’audace, pourrait faire des émules.