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Hiram Murillo : «La contrebande est le 3e plus gros opérateur de cigarettes au Maroc»
Plus de 95% de la contrebande des produits tabagiques proviennent de la frontière Est du Royaume. Les dangers pour le consommateur portent sur les conditions de transport et de stockage et sur la traçabilité des produits. La Commission nationale de lutte contre la contrebande et la contrefaçon effectue un travail remarquable.

Quel état des lieux dressez-vous de la contrebande et de la contrefaçon de la cigarette au Maroc ?
Tout d’abord, il faut faire la différence entre contrebande et contrefaçon. Pour ce qui est de la contrebande, il s’agit de produits authentiques, acheminés vers le Maroc sans payer les droits de douane et taxes. En revanche, la contrefaçon concerne l’imitation de produits et de marques authentiques. A notre connaissance, le Maroc n’est concerné que par le problème de contrebande. En 2014, les cigarettes de contrebande aux Maroc ont représenté, selon les données officielles, 13,5% de part de marché environ, ce qui représente un manque à gagner considérable pour les recettes de l’Etat. Dans le cas particulier du Maroc, le phénomène de la contrebande des cigarettes est encouragé par le différentiel de taxe sur les produits de tabac manufacturé entre le Maroc et l’un de ses voisins limitrophes. Il devient d’autant plus préoccupant que leur monnaie ayant perdu 20% de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année, nous retrouvons sur le marché marocain une marque premium connue à un prix inimaginable de 15 DH alors que le même produit de contrebande se trouvait à 22DH en novembre dernier. Le manque à gagner en matière de taxes et de recettes est donc considérable. Pour rappel, ce phénomène se développe à l’échelle internationale et, selon nos estimations, le commerce illicite des produits du tabac représente près de 12% de la consommation totale de tabac dans le monde, soit 660 milliards de cigarettes.
D’où proviennent ces marchandises illégales ?
Plus de 95% de la contrebande des produits tabagiques proviennent de la frontière Est du Royaume qui, malgré les efforts considérables et soutenus par l’ensemble des autorités compétentes pour contenir et éradiquer de manière efficace ce fléau, reste la principale région source de contrebande.
Quels sont les risques encourus pour la santé des fumeurs ?
Le risque est plus que manifeste puisqu’il s’agit de produits dont on ne connaît pas toujours les conditions de fabrication, de conservation et de transfert et qui ne répondent donc à aucune norme sanitaire internationale. Quand il s’agit de contrefaçon, il y a un véritable et énorme danger pour la santé. En effet, non seulement les produits ne respectent pas les normes en matière de taux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone mais on y trouve souvent des substances extrêmement dangereuses. Les analyses pratiquées sur les cigarettes contrefaites montrent qu’on peut y retrouver du ciment, de la sciure, des insectes, du plastique, des morceaux de pneus, et même des excréments ! En ce qui concerne la contrebande, les dangers portent sur les conditions de transport et de stockage et sur la traçabilité des produits.
Quelles sont les actions mises en place par BAT pour limiter ces contrefaçons ?
En ce qui nous concerne, nous avons une démarche globale à travers le monde où nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements de chaque pays mais également avec des organismes internationaux de réglementation, tels que l’Organisation mondiale des douanes, l’Organisation mondiale du commerce ou encore l’Organisation mondiale de la santé qui luttent contre toutes les formes de commerce illégal du tabac. Nous travaillons également avec d’autres compagnies internationales pour développer de nouvelles mesures de sécurité afin de sécuriser au maximum la chaîne de distribution. Il est important de développer des systèmes de sécurité industriels pour combattre ce fléau. En 2011, avec les membres du Digital Coding and Trading Association (DCTA) nous avons développé un système de tracking et de retraçage (Track & trace) basé sur des standards industriels. Avec la DCTA, nous développons un système digital de vérification de la taxe sur les paquets. Ce système inclut un code directement imprimé sur les paquets, ce qui aide aussi bien les consommateurs que les autorités compétentes à contrôler la validité du paquet. A notre niveau, toutes les marques internationales de British American Tobacco sont marquées pour que nous et les autorités de contrôle puissions distinguer si un produit saisi est vrai ou faux. En étant imprimé directement sur les paquets pendant le processus de fabrication, des codes de vérification fiscale numériques peuvent également être utilisés comme dispositifs d’authentification manifestes car ils sont uniques. A notre connaissance, le Maroc n’est concerné que par le problème de contrebande.
De quels moyens, humains et financiers, disposez-vous pour les mener ?
Au niveau du Maroc, nos produits ne sont pas concernés par la contrebande mais nous sommes en veille permanente, notamment avec nos collègues de British American Tobacco qui opèrent dans les pays voisins en suivant les volumes de nos marques de cigarettes consommées dans les zones frontalières afin d’éviter tout transbordement. Nous mobilisons aussi nos partenaires afin de nous remonter toute information ou activité suspecte que nous partageons avec le département régional et central de BAT à Londres qui s’occupe de la coordination de ces investigations avec les autorités compétentes dans chaque pays et chaque région. Au niveau mondial, nous investissons plus de 50 millions de livres sterling pour lutter contre le marché noir des produits tabagiques et nous travaillons toujours en étroite collaboration avec les autorités compétentes des pays où nous opérons.
Comment coordonnez-vous avec les autorités publiques et les forces de l’ordre dans la lutte contre ces fléaux ?
Nous sommes, depuis l’implantation de notre activité au Maroc, membre très actif de la Commission nationale de lutte contre la contrebande et la contrefaçon qui effectue, il faut le signaler, un travail remarquable de coordination et d’animation de tous les acteurs en charge de la lutte contre ce fléau. Comme nous avons ratifié un mémorandum d’entente avec la Direction générale des douanes et des impôts indirects dans lequel nous nous engageons à dispenser tout le support et le soutien nécessaires comme prévu dans ladite convention.
A combien estimez-vous les pertes de BAT liées à la contrebande et à la contrefaçon ?
Il est très difficile de chiffrer les pertes ou le manque à gagner pour BAT Maroc. Cependant, la contrebande représente environ 2,5 milliards de dirhams de chiffre d’affaires. En somme, c’est le 3e plus gros opérateur au Maroc dont l’activité échappe à tout contrôle et à toute fiscalité.
