Affaires
Guerre des prix dans les télécoms
Après Méditel, Maroc Telecom prépare une offre mobile à 77 DH
Leur objectif est de couper l’herbe sous les pieds de Wana
Ce troisième opérateur joue sur la flexibilité pour gagner très vite des parts de marché.

Le secteur des télécoms est en pleine ébullition. Après une [fausse ?] alerte qui a vu le Tilifoune dial dar de Meditelecom ébranler timidement les bases d’un marché où la bataille se faisait jusque-là à coup de promotions sur le mobile, l’arrivée du troisième opérateur du fixe a consacré la guerre dans un marché où les frontières entre fixe et mobile se sont estompées sous l’effet des annonces. Mercredi 7 février, Wana annonçait son pack fixe à 149 DH.
Quelques jours plus tard, Méditel, bien qu’ayant un produit fixe, lançait une offensive inattendue : un pack mobile à 99 DH avec un objectif clair, gêner l’arrivée du concurrent. Une intention confirmée par le passage d’un spot publicitaire du deuxième opérateur précisant que le téléphone Méditel «ne se limite pas à la ville, comme un petit taxi», allusion à la mobilité restreinte du pack Bayn de Wana qui permet de communiquer dans un rayon de 35 km. Le meilleur est à venir puisque, selon des indiscrétions, Maroc Telecom s’apprête à lancer une offre à 77 DH ! A ce rythme, il n’est pas impossible de se voir offrir gratuitement, un jour, ligne, terminal et quelques minutes de communication.
De fait, la course à la clientèle a visiblement repris en intensité. Pourtant, dans un marché où 53% des Marocains ont un mobile, on croyait, sept ans après l’arrivée du deuxième opérateur, que le rythme allait se ralentir. Il n’en est rien. Il n’y a qu’à voir les 140 000 clients attirés par l’offre de Wana en deux semaines, alors que Tilifoune Dial Dar de Méditel a à peine atteint 100 000 clients sur plusieurs mois. Pour comprendre la fièvre qui a (re)pris les Marocains, il convient de se pencher sur le positionnement affiché par le nouvel opérateur. Reda El Mejjad, vice-président de Wana en charge du grand public, s’explique : «Notre analyse du marché nous a conduits à concevoir une offre claire, dont la maîtrise du coût est le maître mot.
Un Marocain sur deux possède un mobile mais ne l’utilise que pour la réception ou l’urgence. Autrement, c’est vers la téléboutique qu’il se dirige pour communiquer». Cette possibilité de maîtrise du coût a été l’atout principal. Etre averti chaque fois que la communication approche 1 DH de consommation et pouvoir recharger par incrément d’un DH a permis d’attirer aussi bien des clients du mobile chez la concurrence, qui s’adressaient aux téléboutiques pour appeler, que ceux qui n’étaient pas encore branchés. Il faut dire que le marché en vaut la peine puisque le CA que dégagent les téléboutiques tourne autour de 6,5 milliards de DH par an et qu’en moyenne le Marocain téléphone de son mobile pour 18 mn par mois. On l’oublie souvent, le fait que 53% des Marocains aient un mobile ne signifie pas que ces 53% utilisent tous leur mobile pour appeler.
Pour Wana, les téléboutiques sont le vrai concurrent
Partant de là, Wana a considéré que le vrai concurrent des autres opérateurs, celui qu’ils ont fabriqué sans le savoir, est bien la téléboutique. Il faut donc se positionner sur l’offre d’un produit qui présente les mêmes possibilités de transparence et de maîtrise du coût, tout en évitant l’abonnement qui, en plus de la complexité des offres et de la méfiance du consommateur vis-à-vis des opérateurs télécoms, est un facteur de la désaffection du public vis-à-vis du fixe.
Tout cela explique, en fin de compte, que fixe ou mobile, c’est d’abord un positionnement qu’il faut travailler dans un marché de coût. D’ailleurs, si l’on s’en tient à la classique définition du fixe – un téléphone à connexion filaire – ce dernier continue à connaître des déboires. Maroc Telecom a perdu 75 000 clients entre décembre 2005 et décembre 2006. Sur le résidentiel, le nombre d’abonnés est passé de 1,34 million à 1,26. Seul le parc professionnel reste stable ou en légère progression sur les 12 derniers mois. Les lignes pour téléboutiques sont passées, elles, de 165 000 à 157 000 (mais leur CA est en progression de 15 %). Et là, on ne comptabilise pas les quelque 8 000 téléboutiques de Méditel, dont les 50 000 lignes activées ne sont pas considérées par l’ANRT comme lignes fixes, à l’instar de Tilifoune Dial Dar.
L’année 2007 sera donc une nouvelle année de transition pour les télécoms et la marge de progression semble prometteuse dans un marché juteux. Les Marocains (particuliers et entreprises) ont consommé en 2006 pas loin de 8 milliards de minutes (contre 7,5 milliards en 2005), laissant dans les caisses des deux opérateurs un chiffre d’affaires global de plus de 27 milliards de DH.
