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Affaires

Guerre de concession autour des horodateurs de Rabat

La ville a décidé de ne pas reconduire la concession de ses parkings de stationnement payants octroyée depuis 1997 à  Rabat Parking.
Le concessionnaire met en avant des vices de forme et de fond et également la primauté du contrat de concession.
Un avocat réussit à  réduire le périmètre d’action du concessionnaire et ce dernier accuse la CDG d’être à  l’origine de toute l’affaire.

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Que se passe-t-il avec les espaces de stationnement payants de la commune de Rabat ? Depuis quelques semaines, c’est un véritable bras de fer qui s’est engagé entre Rabat Parking, filiale de l’espagnol Saba, et le Conseil de la ville au sujet de la concession portant sur les places de stationnement payant. Ce dernier refuse de renouveler le contrat, mais le concessionnaire reste ferme sur ses positions : il tient à rester exploitant des lieux. Dans cette histoire, un troisième acteur se trouve mêlé, contre son gré, à la bataille : la Caisse de dépôt et de gestion, à travers sa filiale, la Compagnie générale des parkings.
Jeudi 13 mai. Dans une correspondance officielle au président du Conseil de la ville, Fathallalh Oualalou, et au wali, Hassan Amrani, les responsables de Rabat Parking signifiaient qu’ils n’entendaient pas être dépossédés de leurs acquis. Il faut à cet effet rappeler que le 16 février dernier, au lendemain d’une assemblée du conseil, une lettre avait été adressée à Rabat Parking l’informant de la décision de l’organe gestionnaire des affaires de la ville de ne pas renouveler le contrat de gestion du stationnement qui lie les deux parties. Ce contrat, pour rappel, a été signé pour la première fois en mai 2007 pour une durée de six ans puis a été renouvelé en 2003 pour une durée de six autres années qui doit expirer en octobre prochain. Et c’est dans cette perspective que le conseil a tenu à informer le gestionnaire de la décision du non-renouvellement, sachant que le contrat stipule le principe de la tacite reconduction, si aucune partie ne réagit. Mais Rabat Parking ne l’entend pas de cette oreille. Dans sa lettre adressée au wali et au maire, le PDG de la société gestionnaire estime que cette décision est nulle, non avenue et non opposable à Rabat Parking. La société met en avant à la fois des causes de vices de forme et de fond. Pour la forme d’abord, la correspondance fait remarquer que la décision du conseil ne respecte pas le formalisme légal exigé par la Charte communale en avançant quatre éléments majeurs : «Elle n’était pas inscrite à l’ordre du jour (article 59), n’a pas été dûment adoptée à la suite de délibérations (article 39), n’a pas fait l’objet d’affichage au siège de la commune (article 67) et, enfin, n’a pas été entérinée par le ministère de l’intérieur».

Le contrat prévoit une zone de protection autour d’un parking concédé pour une durée de 30 ans

A ces arguments, le concessionnaire ajoute d’autres éléments relatifs au fond et qui, pour lui, rendent la décision pratiquement inapplicable. Primo, le contrat signé en mai 1997 confère à Rabat Parking un droit de préemption. En d’autres termes, même si la décision de non-renouvellement devait être appliquée et que le Conseil de la ville décide de concéder la gestion à un autre opérateur, Rabat Parking, en vertu de ce droit de préemption, peut légalement revendiquer la priorité en faisant une offre plus intéressante. Secundo, et toujours selon l’argumentaire développé par sa direction, Rabat Parking bénéficie contractuellement d’une zone dite de protection pour une durée de 30 ans. Cette protection est prévue dans un autre contrat qui régit la concession du parking de 448 places dit «Mamounia», construit et exploité par Rabat Parking. L’article 6 de ce contrat oblige en effet la commune de Rabat Hassan à maintenir une zone non concessible dans un rayon de 500 mètres autour dudit parking durant toute la durée de son exploitation. Dans cette zone, le gestionnaire a donc l’exclusivité de l’exploitation des aires de stationnement actuelles et même à venir sur toute la durée de la concession dudit parking.

Quand la justice prive Rabat Parking de son atout maître

Or, il se trouve qu’aujourd’hui, sur les cinq zones de stationnement payant exploitées par Rabat Parking, trois sont justement situées dans cette zone protégée. Située à proximité de la médina, plus précisément Bab El Had, le périmètre englobant le parking souterrain ainsi que les trois zones connaît le plus fort trafic automobile de la capitale. L’enjeu financier est énorme et surtout cette zone de protection constitue un atout maître dans la bataille de Rabat Parking contre la ville. Car quand bien même son contrat, de concession venait à ne pas être reconduit, elle ne souffrirait d’aucune concurrence au sein des rues les plus fréquentées de Rabat et le Conseil de la ville, plutôt que de se voir privé de recettes, devrait, en toute logique lui concéder les zones du périmètre de protection.   
Or, Rabat Parking pourrait bien être dépossédée de cet avantage par voie judiciaire. Car un personnage étranger à toute cette affaire est entré en lice, depuis quelques années. Il s’agit d’un avocat de Rabat qui a, à deux reprises, eté en justice contre Rabat Parking. En 2006, il assigne une requête devant le tribunal administratif de Rabat demandant l’annulation du contrat conclu entre la ville et Rabat Parking. En novembre de la même année, la justice rend son verdict en déboutant le plaignant au motif que l’action en résiliation, en nullité ou en annulation d’un contrat de concession ne peut être engagée que par une partie au contrat. On aurait pu en rester là, mais le même avocat revient à la charge en 2007. Cette fois-ci, il invoque le recours en annulation pour excès de pouvoir. En clair, il demande l’annulation de l’alinéa 4 de la décision prise par la commune de Rabat Hassan (à l’époque le système administratif de la ville n’était pas unifié) et qui consistait à instaurer une zone de protection autour du parking souterrain Mamounia. Le 8 avril 2008, le tribunal administratif de Rabat donne raison à l’avocat en déclarant ce fameux alinéa 4 «entaché d’excès de pouvoir pour défaut de motifs et violation de la loi et ordonne son annulation avec tous les effets juridiques qui en découlent».   
Rabat Parking, qui connaît un sérieux revers, décide alors de faire appel et se fait débouter, au motif, fort logique d’ailleurs, que l’appel (…) est irrecevable pour défaut de qualité pour faire appel. L’avocat, en effet, a saisi le tribunal dans une affaire qui concerne avant tout la ville de Rabat et non pas le concessionnaire.
Contactée par nos soins, la société Rabat Parking, par le biais d’un responsable autorisé qui a tout de même tenu à garder l’anonymat, confirme les informations évoquées ci-dessus mais n’en tient pas moins à sa concession en invoquant la primauté d’une relation contractuelle, validée par le ministère de l’intérieur qui plus est. Le responsable en question va plus loin puisqu’il affirme que derrière cette histoire se trouve un intense lobbying de la CDG pour récupérer la concession. Pour étayer ses accusations, Rabat Parking met en avant deux éléments : le premier est que l’avocat qui a tenté d’annuler le contrat de concession, puis la clause de protection, compte parmi ses clients une des filiales de la caisse. Le second élément brandi est «la coïncidence» entre le timing des négociations qui ont eu lieu entre la CDG, à travers la Compagnie générale des parkings, et Rabat Parking et les actions en justice entreprises par l’avocat. Chez Rabat Parking on estime qu’à chaque fois la filiale de la CDG a eu les renseignements confidentiels qu’elle voulait, à l’occasion des négociations, puis s’est retirée, considérant que le prix était trop élevé.

Des négociations pour céder la majorité à la CDG mais qui ont échoué

Quel crédit donner à ces accusations ? Elles semblent manquer d’éléments factuels directs, mis à part le fait que la CDG a effectivement, via la Compagnie générale des parkings, essayé d’acquérir des parts qui la rendraient majoritaire au sein de Rabat Parking, en 2006 et en 2009. En effet, les deux actionnaires étrangers que sont Saba Aparcamientos et Alcantara (voir encadré) n’ont pas caché qu’ils seraient vendeurs des 61% du capital qu’ils détiennent si une bonne offre leur était faite. Quels ont été les propositions financières de la première négociation ? On n’en sait rien mais, à l’issue de la deuxième tentative, la Compagnie générale des parkings avait fait une offre tournant autour de 28 MDH, que les Espagnols ont trouvé trop basse.
Cette tentative d’incursion de la CDG dans le domaine des parkings ne procède pas d’une diversification dans un nouveau métier. Il faut en effet rappeler que la caisse, à travers sa filiale, gère déjà deux parkings à Rabat, l’un au quartier Hassan et l’autre à Hay Riad. S’ajoute à ces deux concessions, celle de la ville de Marrakech. Mais tout cela permet-il de dire que la CDG est derrière les déboires de Rabat Parking ? Il y a une différence nette entre une action de lobbying, qui fait partie du procès normal de concurrence autour d’un projet, et le fait de mandater un avocat pour annuler par tous les moyens un contrat de concession. Il y a un pas que nous ne franchirons pas, faute de preuves tangibles et cela d’autant plus que les mis en cause n’ont pas donné leur point de vue. Jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, le DG de la Compagnie générale des parkings n’avait pas répondu à nos sollicitations, pas plus que Fathallah Oualalou, le maire de Rabat, ville concédante.
En tout état de cause, l’enjeu aujourd’hui est de savoir ce qu’il adviendra de ce contrat de concession et le bras de fer est plutôt entre la ville (le concédant) et Rabat Parking (le concessionnaire). Chez cette société, on refuse le départ en se prévalant de la primauté du contrat tout en gardant la porte ouverte à d’éventuels repreneurs. «Nous sommes toujours vendeurs mais nous ne pouvons pas brader l’entreprise et personne ne peut nous y obliger», affirme-t-on. Mais la société tient mordicus à impliquer dans sa bataille contre la ville, la CDG. Elle affirme avoir déposé une plainte devant le tribunal administratif de Marrakech pour demander l’annulation du contrat de concession accordé par le Conseil de la ville à la Compagnie générale des parkings pour cause d’irrégularité. Cette dernière est en charge depuis janvier 2009 de la gestion des parkings et du stationnement dans la ville de Marrakech. Rabat Parking conteste la procédure selon laquelle la concession a été accordée à Avilmar.