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Grippe porcine : sommes-nous assez protégés ?
Jusqu’à présent, le taux de mortalité des personnes atteintes dans le monde reste faible : 0,4%.
Trois niveaux d’intervention pour détecter la maladie et empêcher sa propagation.
Ampleur future de la pandémie, retour des MRE, taux élevé d’automédication en campagne, autant de risques non calculables.

Depuis le 12 juin, le Maroc a rejoint la liste des 76 pays, présentant des personnes affectées par le virus A/H1N1, appelé grippe porcine. En quelques jours, le nombre de cas suspects s’est multiplié pour atteindre 24 au 17 juin. Faut-il s’inquiéter ? Quel est le danger de ce virus ? Comment en guérit-on ? Quels sont les mesures prises par le Maroc ? Réponses à vos questions.
Pourquoi parle-t-on de pandémie ? A cause de la vitesse et de l’ampleur de la propagation
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé jeudi 11 juin la première pandémie mondiale de grippe depuis 41 ans. Relevant son niveau d’alerte à l’échelon maximal au niveau 6. Selon l’OMS, «la virulence intrinsèque du virus est le principal déterminant de la gravité d’une pandémie de grippe», mais ce n’est pas le seul facteur. En effet , et dans le cas du virus A/H1N1, c’est surtout la propagation qui inquiète les autorités sanitaires mondiales. «Même un virus qui, au départ, provoque des symptômes bénins chez des personnes en bonne santé, peut engendrer de grosses perturbations, compte tenu en particulier de la forte mobilité et de l’étroite interdépendance qui caractérisent les sociétés actuelles». En clair, c’est surtout la large propagation du virus et sa vitesse qui inquiètent les autorités sanitaires mondiales. Au 17 juin, et donc en moins de trois mois, 76 pays avaient officiellement déclaré avoir détecté au sein de leur population 35 928 cas d’infection par le virus de la grippe A/H1N1. Les Etats-Unis avec 17 855 cas viennent en tête, suivis par le Mexique 6 241 cas, le Canada avec 2 978 cas, le Chili 1694 cas, l’Australie, 1 823 cas, et le Royaume-Uni avec 1 226 cas. Il faut savoir que la souche virale H1N1 est un nouveau virus jamais observé auparavant ni chez l’homme ni chez l’animal donc l’immunité préexistante est faible ou quasiment nulle, ce qui lui permet de se diffuser largement.
Est-ce un virus mortel ? Pas plus que celui de la grippe normale
Le virus A/H1N1 est très contagieux, plus que celui de la grippe saisonnière. Selon l’OMS, son taux d’atteinte secondaire (transmission d’une personne atteinte à son entourage immédiat) va de 22% à 33%, alors que dans le cas de la grippe habituelle il n’est que de 5 à 15%. Toutefois, et jusqu’à présent, hormis le Mexique où la flambée s’est faite de manière très brutale, l’écrasante majorité des décès se sont produits chez des personnes à risque présentant des maladies chroniques sous jacentes (exemple : cardiovasculaires, asthme, diabète, arthrite rumatoïde). Mais il semble également que les populations jeunes soient affectées. Dans tous les cas, le taux de létalité (nombre de décès/nombre de personnes atteintes) est, à l’heure actuelle, plus faible que celui de la grippe saisonnière. Sur les 35 928 cas déclarés au 16 juin, le nombre de décès était de 163, soit 0,4%, alors que la grippe saisonnière normale affiche un taux de létalité compris entre 2 et 5%, selon les années, engendrant parfois jusqu’à 500 000 décès.
L’infection est-elle guérissable ? Oui, et même parfois sans médicaments
Comme toute grippe, celle provoquée par le virus A/H1N1 est guérissable. Souvent les cas d’infection sont bénins et, chez les personnes ne souffrant pas de pathologies aggravantes, le corps arrive à combattre tout seul le virus, comme dans le cas de la grippe normale. D’ailleurs, quoique le virus soit médicalement qualifié de nouveau, il n’est pas exclu qu’il ait sévi par le passé sous des formes moins virulentes. Les personnes âgées, qui ont eu plus de probabilité d’avoir été en contact avec le virus et d’avoir développé une immunité, sont les moins affectées par le H1 N1 à l’heure actuelle. Bien entendu, étant donné qu’il s’agit d’un virus nouveau pour lequel la masse n’a pas eu le temps de développer une protection immunitaire suffisante, le corps médical recommande la prise d’un traitement, à la fois pour aider le corps à combattre l’infection mais également pour stopper plus efficacement la propagation du virus. Le plus médiatisé est le Tamiflu, fabriqué par le laboratoire Roche. Il faut savoir que ce médicament existait bien avant l’apparition du virus de la grippe porcine et s’est révélé être relativement efficace pour traiter l’infection. D’autres médicaments existants ont également fait leurs preuves. Jusqu’à présent, le virus H1N1 ne dispose pas de vaccin spécifique, car il faut en moyenne, entre tests et production, six mois pour en disposer en quantité industrielle. Dès l’apparition des premiers cas humains d’infection par le virus A/H1N1, l’OMS a commencé à travailler sur le lancement de virus vaccinaux expérimentaux et lançait, en parallèle des consultations avec les fabricants mondiaux de vaccins.
Comment le Maroc se protège-t-il ? Trois niveaux d’intervention
– A l’entrée sur le territoire. Les 25 points d’entrée de l’étranger vers le Maroc disposent aujourd’hui de matériel de détection susceptible d’indiquer une contamination par le virus de la grippe pocine. Portiques, caméras et thermomètres à infrarouge sont utilisés de manière combinée pour la détection précoce des signes de la maladie, notamment la fièvre. Il en existe bien entendu d’autres comme la toux, les céphalées (maux de tête), courbatures musculaires, maux de gorge et écoulement nasal. Toutefois, la fièvre reste le signe le plus constant.
– Lors de la suspicion d’une atteinte : Si une personne présente des symptômes d’infection, elle est, par précaution, dirigée vers un centre hospitalier où elle sera mise en isolement et subira un test en vue d’analyse. Il faut six heures pour déterminer si l’infection est effectivement due ou non au virus A/H1N1. Au cas où le résultat serait positif, le malade est admis pour traitement. Parallèlement, et dès le moment où l’on suspecte un cas au poste frontière, un autre processus se met en marche. La liste des passagers ayant voyagé avec la personne concernée est transmise par la Sûreté nationale au ministère de la santé. Ce dernier, si la maladie se confirme, prend attache avec la Gendarmerie royale qui détachera des éléments pour rendre visite aux autres passagers. Comment les retrouve-t-on ? Grâce aux fiches de débarquement qu’ils remplissent lors de leur passage aux postes frontières. Ces passagers bénéficieront d’une surveillance active pendant 10 jours. Une durée plus que nécessaire, sachant que le temps d’incubation par le virus H1N1 est de 7 jours. Certes, il se peut que certains ayant fait une fausse déclaration d’adresse ne soient pas repérables. Auquel cas c’est le corps médical qui prendra le relais par la suite (voir ci-dessous). A noter, bien entendu, que les touristes arrivant de pays à forte prévalence d’infection comme, par exemple, le Canada, les Etats-Unis ou le Mexique (voir ci-dessus) sont particulièrement examinés lors de leur entrée sur le territoire.
Le corps médical privé mobilisé. Que faire si une personne atteinte n’est pas détectée aux postes frontières ? En effet, il se peut qu’elle ne présente encore aucun des symptômes de la grippe, étant au tout début de la période d’incubation ou encore qu’elle ait pris un antipyrétique (paracétamol, aspirine…) destiné à faire baisser sa fièvre. Auquel cas, c’est le corps médical privé ou public qui prend le relais. Quand les médecins reçoivent un malade en consultation, armés d’un manuel de procédure distribué par l’Etat à tout le corps médical, ils prennent en charge le patient et l’orientent vers les centres hospitaliers concernés.
Qui fait quoi et avec quels moyens humains ? Plusieurs départements concernés
Plusieurs acteurs sont mobilisés dans le cadre du dispositif de surveillance et de lutte contre la grippe porcine. Tout d’abord le ministère de la santé, qui a mobilisé des cadres médicaux et paramédicaux, formés à cet effet, au niveau des postes frontières. Les 25 points d’entrée (ports, aéroports et frontières terrestres) bénéficient de la présence de 55 médecins et 47 infirmiers et techniciens d’hygiène selon le flux des arrivages. Le ministère de l’intérieur, lui, assure la logistique fournissant les informations sur le point de chute des visiteurs et en mobilisant les autorités locales pour la récolte ou la diffusion d’informations. La Gendarmerie royale affecte ses agents à la visite des personnes ayant été en contact avec un malade en vue d’une réaction rapide. Enfin, la Protection civile tient ses ambulances prêtes pour d’éventuels transports de malades vers les centres hospitaliers. Sur le plan organisationnel, la direction des opérations au niveau national est assurée par le poste de commandement central qui comprend les représentants de tous les départements concernés. Il y a également des postes de commandements préfectoraux et provinciaux. Tous les hôpitaux au niveau des régions, provinces et préfectures ont réservé, pour les besoins de la prise en charge, un minimum de quatre chambres pour l’isolement des malades. En cas de propagation de la maladie, la prise en charge se fera à domicile.
Quels moyens matériels ? Y a-t-il suffisamment de médicaments ?
Pour surveiller les 25 points d’entrée au niveau des postes frontières, 36 portiques thermiques, 20 caméras thermiques et 151 thermomètres ont été acquis par le ministère de la santé. De même près de 5 millions de masques, 48 000 lunettes de protection, 870 000 masques chirurgicaux et 16 500 combinaisons sont disponibles. A l’heure actuelle, le Maroc dispose d’un stock de Tamiflu permettant de combler le besoin en traitement, préventif et curatif d’un million de personnes et une commande équivalente est en cours d’exécution. Par ailleurs, un laboratoire installé au Maroc dispose d’une licence pour fabriquer des génériques en cas de besoin.
Sommes-nous assez protégés finalement ? Oui et non
Pour autant que l’on puisse en juger, le dispositif de lutte mis en place par le Maroc semble assez efficace. Au 17 juin, 24 personnes étaient suspectes et deux d’entre elles étaient hors de danger. Toutefois, la réponse à la question dépend de plusieurs facteurs dont les autorités ne sont pas maîtres. Primo, celui de la conjoncture. En pleine saison de retour des MRE le risque devient encore plus élevé. Certes, le plus gros nous vient de l’Europe, notamment la France, l’Espagne, les Pays-Bas et l’Allemagne, mais nos compatriotes à l’étranger viennent également de pays très affectés comme le Canada ou les USA. Le Maroc pourra-t-il faire face à une flambée de la propagation ? Secundo, le facteur rural. Les habitants des campagnes ont souvent l’habitude de pratiquer l’automédication. Un foyer d’infection pourra dès lors se propager très rapidement s’il n’est pas détecté à temps. Tout dépend en fait de l’effort de communication et de sensibilisation à venir et de la durée de la pandémie.
La pandémie est-elle à ses débuts ou à sa fin ?
Personne ne dispose de réponse à cette question. Il y a deux semaines, une accalmie dans la propagation du virus avait fait espérer une amorce de courbe descendante.
Il n’en fut rien et il se peut que le pire soit à venir. Selon l’OMS, une pandémie peut faire le tour du monde par vagues successives, au gré de plusieurs facteurs dont la mutation du virus. La pandémie grippale de 1918 (grippe espagnole) avait démarré sous une forme bénigne avant de revenir, six mois plus tard sous une forme plus létale, même scénario pour la pandémie de 1957. A cela, il faut ajouter l’arrivée de la grippe saisonnière d’ici quatre mois et la grippe aviaire qui, après une accalmie de plusieurs mois, s’est à nouveau manifestée. Conclusion ? Croisons les doigts.
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