Affaires
Grandes surfaces : ces étranges écarts de prix !
La différence de prix sur certains produits peut atteindre 10% même entre les magasins d’une même enseigne. Les opérateurs peuvent accepter 0% de marge sur un produit et se rattraper sur un autre.

Réaliser des économies en faisant ses courses dans les grandes surfaces n’est pas seulement une question de choix de la bonne enseigne. Il s’agit aussi de bien choisir son magasin, car les différences de prix (sans tenir compte des promotions éventuelles) existent entre les points de vente d’un même distributeur. C’est le constat auquel est arrivée La Vie éco en menant une enquête de terrain pour relever les prix appliqués dans la grande distribution.
Si dans l’ensemble chacun des opérateurs de ce secteur se targue de proposer les prix les plus compétitifs aux consommateurs, dans la pratique il est difficile de cerner qui vend le moins cher. Et pour cause, en faisant le tour des rayons de différents magasins, on se rend rapidement compte que certains sont moins chers que d’autres sur certains produits, et plus chers sur d’autres. Tout dépend en fait de la composition du panier du consommateur. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le coût de ce panier peut sensiblement varier même entre les magasins de la même enseigne, et c’est le cas même au sein de la même ville. Sur la base du panier choisi pour les besoins de l’enquête et composé des produits les plus incontournables (café, thé, huiles, jus, soda, fromage…), les écarts constatés vont de quelques centimes à plusieurs dirhams. Par exemple, une différence de 10 centimes a été relevée sur une bouteille de soda de 1,5 litre entre deux magasins de la même enseigne, tandis que sur des conserves de thon, l’écart relevé frôlait les 2 DH.
Dans l’un des magasins visités, nous avons même été surpris de constater que le même produit était proposé à des prix différents. Seule différence, la date (vraisemblablement d’approvisionnement) figurant sur l’affiche du prix qui présentait un écart de plusieurs mois.
Interrogés sur les raisons de ces écarts, les opérateurs ne manquent pas d’arguments. D’abord, dans le cas des produits frais, les opérateurs s’en approvisionnent dans les régions mêmes où se trouvent les magasins. Le prix dépend donc fortement de la disponibilité du produit dans cette région (poissons, fruits et légumes…). Ensuite, il y a les éléments qui entrent globalement dans la fixation des prix des produits. «Plusieurs facteurs entrent en jeu : le prix d’achat et ses fluctuations, les coûts logistiques, la marge cible…», explique Imad Hamdouna, directeur marketing et communication à Aswak Assalam, qui ajoute que ce qui compte c’est que «le montage soit fait tout en garantissant un positionnement prix compétitif». Il existe donc une multiplicité de facteurs qui peuvent induire des prix différents selon le positionnement de chaque magasin. Il est de coutume que les opérateurs de ce secteur s’approvisionnent en général à travers des centrales d’achats. Hors produits frais, cet approvisionnement se fait généralement au même moment. Cependant, la proximité d’un magasin d’un entrepôt de stockage où sont livrés les produits pourrait octroyer plus de marge de manœuvre aux responsables de la chaîne en vue de la fixation d’un prix moins cher que dans d’autres unités. Ce cas a été relevé particulièrement entre les magasins trop éloignés entre eux. A ce niveau, il y a lieu également de souligner que selon plusieurs sources au sein du secteur, seul Aswak Assalam accorde actuellement aux responsables de ses magasins la liberté de fixer les prix de vente des produits, avec bien entendu des seuils à ne pas dépasser, et ce, en vue de rester compétitif face aux concurrents dans le voisinage.
Des marges qui peuvent varier de 0% à 15%
Il est également possible que la chaîne de grande distribution accepte l’application de marges réduites dans un magasin plutôt que dans un autre, si celui-ci vient par exemple d’être ouvert ou est confronté à une rude concurrence. «Il arrive que, sur certains produits, la chaîne de distribution accepte l’application de marges nulles en misant sur leur compensation sur d’autres produits», explique pour sa part Riad Laissaoui, directeur général délégué de Label’Vie, détentrice de la franchise Carrefour. Pour ce dernier, cette situation est de coutume dans la profession en raison du business model de la grande distribution. «Même quand on est fortement concurrencé sur un produit, soit par l’informel, soit par les commerces classiques, on ne peut se permettre de ne pas en vendre. La logique dans un supermarché ou un hypermarché est que le client trouve tous les produits qu’il souhaite acheter», ajoute la même source. L’aspect concurrentiel aurait même plus de poids dans la fixation du prix que les autres facteurs.
En fait, en acceptant des marges de 0% sur des produits fortement concurrencés, les magasins souhaitent avant tout attirer des clients à même d’acheter d’autres produits dont les marges sont plus intéressantes. C’est ce que l’on appelle dans le jargon commercial «le produit d’appel».
Mais combien peut alors atteindre l’écart des prix ? Selon les données recueillies auprès des opérateurs, les marges dans la grande distribution peuvent varier de 0% à 15% en général. Sur les produits de première nécessité, et donc les produits les plus concurrencés, les marges dépassent rarement les 3%. L’écart de prix d’un produit de cette catégorie entre magasins d’une même enseigne est de ce fait souvent inférieur à ce taux. Pour les produits hors ceux de première nécessité, les écarts constatés atteignent parfois 10%.
Les éléments entrant en compte pour décider si le produit doit être ou pas en promotion sont tout aussi variés que ceux expliquant les écarts de prix entre les magasins. D’un côté, il y a les promotions décidées en fonction d’une saison (été par exemple), du calendrier (Ramadan) ou encore d’une thématique. «Le fournisseur peut aussi proposer une campagne promotionnelle», rapporte le responsable d’Aswak Assalam. Des fournisseurs peuvent en effet choisir d’eux-mêmes l’application de tarifs promotionnels soit pour marquer un changement dans le produit (packaging, nouvelle formule…), soit pour faire face à la concurrence, soit pour écouler leurs stocks.
Les promotions ? Tout un système
Cette dernière logique est applicable également au niveau des magasins sans passer par le fournisseur. «L’état du stock peut également pousser le directeur du magasin à alléger son coût de possession», explique Imad Hamdouna. Dans certains cas, la mise en promotion d’un produit, particulièrement dans le cas des articles périssables, peut intervenir à l’approche de la date limite de consommation. Lors de notre enquête sur le terrain, il s’avère même qu’une grande partie des produits mis en promotion dans différents magasins étaient des produits dont la date de péremption (ou plutôt date limite de consommation) était proche.
Par ailleurs, il y a lieu de prendre ses précautions quand il s’agit de promotions liées à la quantité des produits achetés. Dans plusieurs cas, il est en effet proposé des packagings de produits (deux ou trois unités) à des prix qui ne sont pas forcément moins chers que si l’achat est effectué à l’unité. Le constat en a été fait par exemple sur des paquets de thé de 200 grammes dont le pack de deux boîtes était proposé à un prix supérieur au double du prix d’une seule unité.
