Affaires
Gourvenec, le mastodonte,
Le deuxième fabricant d’emballage métallique du pays doit
près de 260 MDH à ses banques et fournisseurs
Continuation de l’activité ou liquidation judiciaire : le syndic
désigné par le tribunal du commerce de Casablanca remettra son rapport
fin juillet.
Le volet du Code de commerce concernant les entreprises en difficulté continue de faire des malheureux, surtout parmi les banquiers. L’affaire de la société des Etablissements Gourvenec, à Mohammédia, placée en redressement judiciaire depuis septembre 2004, en est un exemple de plus. Cette fois-ci, de grosses sommes sont en jeu. Il faut dire que les établissements Gourvenec, entreprise qui peut se targuer d’une existence de 70 ans, ne sont ni plus ni moins que le deuxième plus grand fabricant d’emballages métalliques au Maroc, après Carnaud, avec une part de marché estimée en 2003 à près de 30 %. Parmi ses clients, on trouve des entreprises tout aussi importantes que le fabricant de peintures Akzo Nobel ou encore LGMC (conserve de poisson). Et surtout, des entreprises qui constituent un portefeuille de clients réguliers.
Investissement hasardeux et désaccord entre actionnaires sont à l’origine des problèmes
Sa déconfiture risque de gêner une multitude de créanciers, principalement des banques et des fournisseurs. Ces derniers, qui avaient intenté des actions en justice pour récupérer leurs créances respectives, devront, à cause de la décision du juge de placer l’entreprise en redressement judiciaire, suspendre leurs actions et s’en remettre au syndic qui, lui, décidera d’un échéancier de remboursement.
L’affaire remonte à 2003. Après le décès du propriétaire de la société, le richissime homme d’affaires de Mohammédia Mohamed Aït Menna, les premiers ennuis ont surgi. L’entreprise croule sous le poids des dettes, notamment bancaires. En mars 2004, Attijariwafa bank décide d’ouvrir le bal en intentant un procès au terme duquel elle obtiendra une saisie-arrêt sur les comptes bancaires de la société pour garantir le remboursement d’une dette de 25 MDH.
Ce n’était là qu’un premier avertissement car les autres créanciers ne tarderont pas à en faire de même. Les saisies conservatoires et saisies-arrêts sur les comptes bancaires commencent alors à pleuvoir, totalisant, selon des sources bien informées, la somme de 185 MDH. Avec des comptes gelés et une activité en perte de vitesse, les nouveaux dirigeants tentent alors de trouver une issue. Mais les nombreuses réunions du conseil d’administration sont restées stériles: les héritiers Aït Menna ne réussirent pas à tomber d’accord sur l’opportunité de continuer l’activité. Certains d’entre eux refusent, en effet, de recapitaliser l’entreprise. D’ailleurs, lors d’une audience au tribunal de commerce de Casablanca, Hicham Aït Menna, président du conseil d’administration de la société, déclarait : «Les difficultés de la société sont dues, d’une part, à un programme d’investissement très lourd réalisé entre 2001 et 2003, et à un désaccord entre les actionnaires (les héritiers Aït Menna) sur le devenir de la société et sur la recapitalisation».
Le patrimoine immobilier de l’entreprise est estimé à 130 MDH seulement
En juillet 2004, une requête est introduite auprès du tribunal de commerce de Casablanca et dans laquelle le conseil d’administration requiert l’application de la loi sur les difficultés de l’entreprise. En septembre 2004, le juge rend son verdict en première instance : Gourvenec est placée en redressement judiciaire. Et c’est Mohamed Dahbi, expert-comptable à Casablanca, qui a été désigné pour superviser l’opération en proposant, s’il le faut, un plan de continuation de l’activité comprenant notamment un échéancier pour le remboursement des dettes. Le tribunal de commerce lui avait d’ailleurs fixé un délai de quatre mois (prévu par la loi) pour remettre son rapport. Mais, selon des sources judiciaires, le syndic a déposé une autre requête auprès du tribunal, demandant une prorogation du délai initial de quatre mois. Requête à laquelle le juge commissaire Saïd Essaâdaoui a répondu favorablement. Ce que permet effectivement la loi, mais il s’agit de la dernière prolongation car le délai ne peut être renouvelé qu’une fois.
C’est donc fin à la fin juillet 2005 que le rapport sera remis au tribunal. Un rapport attendu avec impatience et surtout anxiété par les créanciers de Gourvenec car c’est lui qui décidera si la société est en mesure de continuer son activité ou non. Pour éviter le pire, et comme l’explique une source judiciaire, «certains créanciers, notamment les banques, devront forcément abandonner une partie de leurs créances». En revanche, si aucun compromis n’est trouvé dans ce sens, l’on peut s’attendre à ce que l’entreprise soit placée en liquidation judiciaire. Les créanciers devront donc prendre leur mal en patience en attendant que les négociations prennent fin. Et au cas où une décision de liquidation judiciaire venait à être prononcée, certains d’entre eux devront assurément passer l’éponge car, comme le font ressortir des rapports d’expertise réalisés, les Etablissements Gourvenec possèdent des actifs immobiliers valorisés à peine à 135 MDH, contre un endettement global d’environ 260 millions. Pour l’heure, rien ne permet de pencher d’emblée pour un scénario catastrophe, l’entreprise continuant aujourd’hui de fonctionner normalement. Les dirigeants, quant à eux, et malgré nos multiples tentatives pour les contacter, restent injoignables.
