Affaires
Gestion communale : Rabat loin d’être un bon élève !
Infrastructures de base, préservation de l’environnement et des espaces verts, équipements de proximité… Tous les projets structurants de la capitale relèvent plutôt de la société Rabat Aménagement. Les travaux du Conseil de la ville sont souvent bloqués comme c’est le cas de la dernière session extraordinaire du mardi 15 août
Bien qu’elle soit une ville en chantier, Rabat est loin d’être un modèle en matière de bonne gestion communale. Pour preuve, la qualité des services de base comme la collecte des déchets ainsi que le transport -à l’exception du tramway- est en dessous de la moyenne. Majorité et opposition au sein du Conseil de la ville s’accordent sur ce constat, à l’instar de l’ensemble des Rbatis. De plus, la capitale ne dispose toujours pas de Plan d’action communal (P.A.C) -véritable feuille de route des communes- qui doit normalement être validé durant la première année du mandat, conformément aux dispositions de la loi organique 113-14 concernant les communes. Autres tares et non des moindres : les budgets des deux dernières années -qui s’élèvent respectivement à 926 millions de DH et 945 millions de DH selon les chiffres du maire- n’ont pas été validés par la wilaya tandis que des échauffourées entre PAMistes et PJDistes bloquent souvent les réunions du conseil. C’était en effet le cas de la dernière session extraordinaire tenue le mardi 15 août, avec comme ordre du jour plusieurs points ayant trait à des projets comme la construction de parkings sous-terrain, la création d’une société de développement local pour leur gestion ainsi qu’une autre pour la gestion de la nouvelle gare routière.
Un plan d’action communal avant la fin de l’année
Joint par La Vie éco, le maire PJDiste de la capitale, Mohammed Saddiki, nous a indiqué : «A notre élection, nous avons trouvé une administration communale défaillante avec une communication quasi inexistante tant sur le plan interne qu’externe ainsi qu’une absence de pilotage et de formation. Sur le plan financier, nous avons hérité d’un budget de presque 1 milliard de DH qui ne laisse aucune marge pour l’investissement. D’autant plus qu’il a été amputé d’un apport du ministère des finances qui s’élève à 50 MDH pour compenser le manque à gagner engendré par la réglementation fiscale dispensant les bâtiments publics de payer les taxes urbaines aux communes», explique-t-il, avant d’ajouter que «ce trou dans le budget correspond au déficit de l’année 2016 qui est de 45 millions de DH». Autre problématique évoquée par le maire : «Les 12 millions de DH qui représentent le montant de la TVA rétrocédé à la commune par le fisc ne reflètent pas le potentiel économique réel de Rabat. Salé et Fès reçoivent plus de 200 millions de DH». Interpellé sur les raisons, Mohammed Saddiki botte en touche en déclarant laconiquement que «c’est la politique». «Heureusement que le programme “Rabat ville des lumières” initié par SM le Roi existe», se réjouit-il. Pour rappel, ce programme quinquennal porté par Rabat Aménagement en 2014 et doté d’une enveloppe de 9,42 milliards de DH porte sur 7 axes dont la sauvegarde du patrimoine, la préservation de l’environnement, le renforcement des équipements sociaux de base et des infrastructures.
Interpellé sur l’absence du PAC, Mohammed Saddiki précise que le conseil a priorisé la création d’autres outils et le lancement d’autres initiatives. «Beaucoup de projets livrés ou en cours figuraient dans le précédent plan de la majorité sortante. Nous ne sommes pas là pour perturber la mise en œuvre de la vision royale en se précipitant à lancer un plan», argue-t-il. «Maintenant que nous avons pris le temps nécessaire pour faire le diagnostic et préparer l’administration, un PAC qui complétera la vision royale sera conçu avant la fin de l’année», a-t-il fait savoir.
Pour ce qui est des actions réalisées depuis deux ans, notre interlocuteur cite la création d’un comité de direction au sein de la commune, la mise en œuvre d’un plan de formation ainsi que la réduction des dépenses liées au carburant et aux pièces de rechange du parc automobile. «Nous avions également concocté un plan d’action pour améliorer le rendement de la fiscalité locale et l’efficacité de l’administration, mais nous n’avons pas pu le concrétiser faute de soutien de la wilaya», ajoute Mohammed Saddiki. Selon lui, l’arrivée du nouveau wali a permis de relancer ce plan pour collecter davantage de recettes avec comme objectif d’atteindre 36 millions de DH d’ici la fin de l’année. «Les litiges opposant la commune à des plaignants dans des affaires d’expropriation et d’atteinte aux biens privés ont également fait perdre au conseil beaucoup de temps et surtout une manne financière importante», justifie M. Saddiki.
Déchets ménagers : des marchés mal négociés
Pour Omar El Hyani, membre de l’opposition sous les couleurs de la Fédération de gauche démocratique (FGD) au sein du Conseil de la ville, «en plus de ne pas disposer d’une feuille de route claire, la majorité à la tête du conseil n’a rien fait de concret pour améliorer la qualité de vie des Rbatis». «Si l’année dernière la non-validation du budget par le wali n’était pas fondée, nous pensons que c’est le cas pour l’année 2017 à cause d’une surestimation des recettes», précise-t-il. «De 926 millions de DH en 2016, nous voulions passer à 945 millions de DH cette année. Cette augmentation n’est pas significative, d’autant plus que nous voulons fixer la barre un peu plus haut pour aller de l’avant», rétorque le maire PJDiste qui dit accepter «les critiques constructives» de la FGD contrairement à celles du PAM. S’il y a une position que partagent ces deux adversaires politiques, c’est bien celle qui concerne le dossier de la propreté et la collecte des déchets par les trois délégataires que sont Averda pour le balayage ainsi que Derichebourg et Solamta pour la collecte. «Cette séparation des opérations fait que la mairie n’arrive pas à évaluer le travail de ces entreprises. Nous sommes parfois obligés de faire des réunions de coordination alors que ce n’est pas notre fonction», précise M. Saddiki qui dit ne pas être satisfait de ce service. «Ce marché a été lancé et validé par l’ancien conseil en avril 2015. Nous sommes donc condamnés à subir cette situation», concède-t-il. De son côté, Omar El Hyani relève une anomalie ayant trait à la rémunération à la tonne de Derichbourg et Solamta. «Nous payons 280 DH/t à Solamta qui s’occupe des arrondissements d’Agdal et de Youssoufia tandis que Derichbourg est rémunéré à 410 DH/t au niveau de Hassan et Yaacoub El Mansour», détaille-t-il. Et d’enfoncer le clou : «Cette disparité prouve que ce marché est entaché d’irrégularités».
Bus : bientôt un nouvel exploitant
Joint par La Vie éco, Mehdi Bensaid, membre de l’opposition sous l’étiquette PAMiste, a soulevé d’autres problématiques. «Aujourd’hui, la mairie est quasi absente. Pire, c’est aux citoyens d’aller à sa recherche pour défendre leurs intérêts. Il faut faire un bilan de la gestion déléguée, les transports en commun sont un échec (excepté le tramway), aucun service n’est rendu aux jeunes, les associations doivent débourser une certaine somme pour pouvoir louer des lieux sans service de qualité derrière», soutient-t-il. Un constat partagé par Omar El Hyani qui estime que le «bilan de la gestion déléguée (eau, électricité, éclairage et propreté) n’est pas satisfaisant tandis que le transport public -excepté le tramway- est en train d’agoniser».
Pour Mohammed Saddiki, la problématique des lignes de bus exploitées actuellement par Stareo est une priorité de sa majorité et est en passe d’être résolue dans le cadre du groupement de communes «Al Assima». «Nous avons planché sur l’étude de plusieurs modèles et propositions, mais faute de moyens, nous avons opté pour la concession. Ainsi, nous avons élaboré un CPS et lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour que les jugements et le choix du partenaire soient effectués la fin de cette année dans le but de permettre l’entrée en service du nouveau exploitant début 2018», a-t-il fait savoir. «Sept groupements dont 3 étrangers et 4 nationaux ont répondu à l’AMI. Le seul hic, c’est que le ministère de l’intérieur nous a recommandé de se passer de l’AMI pour lancer directement l’appel d’offres. La raison est que l’AMI présentait en effet un risque juridique élevé», a-t-il détaillé.
Selon lui, l’appel d’offres sera lancé au plus tard fin septembre. Interpellé sur le contenu du CPS, le maire a expliqué que «le partenaire doit être tout d’abord solvable et expérimenté ; c’est-à-dire qui offre son service dans une agglomération de la taille de Rabat». «Les bus du nouvel exploitant, qu’on estime à 600 unités, doivent répondre à des standards environnementaux et de sécurité élevés. Nous privilégierons des bus verts qui prennent en considération les besoins des personnes à mobilité réduite», a-t-il ajouté. Et de conclure : «La durée du prochain contrat ne dépassera pas 15 ans tandis que le prix se situera entre 4,50DH et 6 DH. Enfin, la rémunération de la concession sera prélevée du CA réalisé».