Affaires
Fusion Lafarge-Holcim : une opération d’envergure continentale
Le rapprochement des deux opérateurs créera un mastodonte de l’industrie avec 8 milliards de chiffre d’affaires et une capitalisation boursière avoisinant les 38 milliards de DH. Le nouvel ensemble se dotera d’une filiale de développement en Afrique subsaharienne pour se positionner en leader continental.

C’est l’opération de tous les superlatifs en 2016. Le rapprochement de Lafarge Ciments et de Holcim Maroc devrait être bouclé dans les six prochains mois. Les contours de ce méga deal ont été dévoilés ces derniers jours. La fusion des deux opérateurs nationaux se matérialisera par une nouvelle entité opérationnelle, LafargeHolcim Maroc. Son actionnaire de référence sera Lafarge Maroc, une joint-venture égalitaire entre le fonds d’investissement panafricain SNI et l’ensemble né, l’année dernière, de la fusion des groupes Lafarge et Holcim à l’échelle mondiale, LafargeHolcim.
L’opération donnera naissance au leader du secteur de la construction au Maroc, avec un chiffre d’affaires agrégé de plus de 8 milliards de DH. Ceci sans prendre en considération les effets de synergies qui devraient donner lieu à une augmentation des ventes de ciments de 1 à 3%, selon les analystes de BMCE Capital Bourse, qui avancent aussi un gain annuel de 445 MDH sur une période de 2 ans successivement à la fusion. Le nouvel ensemble, qui restera coté à la Bourse de Casablanca, sera aussi un géant des marchés de capitaux, puisqu’il devrait constituer la première capitalisation boursière industrielle nationale et le deuxième cimentier africain coté. Il faudra attendre la cotation de LafargeHolcim Maroc, théoriquement au troisième trimestre de l’année en cours, pour déterminer précisément la capitalisation de l’ensemble. Mais si l’on se base déjà sur les actuelles données agrégées, la capitalisation ressort à plus de 38 milliards de DH. Et elle est en bonne position pour se développer surtout à voir les évolutions de cours favorables des titres Lafarge et Holcim successivement à l’annonce des contours de la fusion, ce qui révèle par ailleurs le bon accueil de cette opération par les marchés.
Grosses opportunités en Afrique subsaharienne
Avec son envergure, LafargeHolcim Maroc se positionne aussi de fait comme un mastodonte du secteur cimentier à l’échelle africaine. Et c’est à dessein que SNI et Lafarge Holcim envisagent de créer une nouvelle société dédiée au développement sur le continent. LH Maroc Afrique sera filiale à 100% de la joint-venture Lafarge Maroc. Elle aura pour terrain de chasse des pays d’Afrique subsaharienne, à savoir le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Gabon, le Mali, la Mauritanie, la République démocratique du Congo, la République du Congo et le Sénégal. La future filiale est appelée à devenir un leader dans chacun des pays où elle opérera. Sa démarche consistera, d’une part, à investir dans la production de ciments et de clinker dans ces pays, où les besoins en logements et en infrastructure présentent des opportunités majeures de développement. D’autre part, la nouvelle filiale devra développer des synergies avec LafargeHolcim Maroc, notamment à travers l’exportation de clinker (produit intermédiaire pour la fabrication du ciment) ou de ciment à partir du Maroc.
Pour la seule exportation de clinker, le potentiel est considérable, sachant que les matériaux nécessaires à la fabrication de ce produit (argile et calcaire) sont présents en quantité au Maroc et se trouvent beaucoup plus difficilement dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
A travers LH Maroc Afrique, c’est un nouveau leader mondial qui choisit le Maroc comme base arrière pour attaquer le marché africain, ce qui conforte la stratégie nationale visant à positionner le Royaume comme hub continental. Il faut dire que le mastodonte a tout à y gagner puisqu’il pourra capitaliser sur l’engagement de SNI en Afrique subsaharienne francophone pour accélérer son développement dans cette zone.
Du côté de SNI, cette opération constitue une première concrétisation de son évolution vers un fonds d’investissement panafricain à long terme, annoncée fin 2014, prenant des participations dans des projets structurants aussi bien au Maroc qu’en Afrique subsaharienne. Tout en sachant cela, il faut rappeler qu’il s’agit du 5e secteur dans lequel le fleuron national se développe en Afrique après la banque, les mines, la distribution spécialisée et l’assurance.
L’opération se déroulera en quatre étapes
S’agissant des modalités techniques de l’opération de fusion au Maroc, celle-ci se déroulera en plusieurs étapes. Dans un premier temps, Lafarge Ciments devrait absorber Holcim Maroc. La première opérera une augmentation de capital réservée aux actionnaires de la seconde sur la base d’une parité d’échange égale à 1,20 action Lafarge Ciments pour 1 action Holcim Maroc, ce qui s’accorde avec les niveaux de capitalisations boursières actuelles.
Suite à cela, LafargeHolcim devrait détenir directement des titres dans Lafarge Ciments (13% du capital), appelée à devenir la nouvelle entité opérationnelle LafargeHolcim Maroc. Elle en cédera la moitié à SNI dans un but de rééquilibrage. Comme SNI et LafargeHolcim n’ont pas vocation à détenir des participations directes dans l’entité opérationnelle, ils apporteront leurs actions à leur joint-venture égalitaire, Lafarge Maroc. Suite à tout cela, la filiale africaine sera constituée.
En bout de course, SNI et LafargeHolcim contrôleront leur joint-venture Lafarge Maroc à parité, comme c’est le cas actuellement. Et cette même joint-venture contrôlera 64,7% du capital de LafargeHolcim Maroc. Le reste (35,3%) sera entre les mains d’autres actionnaires et des petits porteurs en bourse, étant à rappeler que ces parties détiennent actuellement 30,6% et 49% de Lafarge Ciments et Holcim Maroc respectivement.
Reste à valider tout cela. Pour rappel, le projet de rapprochement des deux sociétés a reçu l’accord du chef du gouvernement au mois d’octobre 2014. L’opération sera à présent soumise au visa de l’Autorité marocaine du marché des capitaux. Ses modalités seront déterminées par les conseils d’administration et présentées au vote des assemblées générales extraordinaires de Lafarge Ciments et de Holcim Maroc et aux autres conditions usuelles. Par ailleurs, dès la réalisation de la fusion, LafargeHolcim et SNI proposeront au conseil d’administration de l’entité fusionnée, LafargeHolcim Maroc, la distribution d’un dividende exceptionnel prélevé sur la prime de fusion, ce qui devrait selon les analystes permettre d’optimiser la structure du bilan du nouveau groupe.
