Affaires
Fret maritime : les hausses récurrentes des tarifs divisent les opérateurs
Le coût du transport des conteneurs en provenance d’Asie sera revu à la hausse à compter du 1er mai 2017. Les fusions acquisitions ont tempéré la concurrence. L’Asmex milite pour la renaissance du pavillon national.
Les tarifs du fret maritime n’en finissent pas de valser. Plusieurs opérateurs s’activant à l’export comme à l’import se plaignent. Qu’en est-il exactement? Une consultation sommaire des sites institutionnels des grands opérateurs du transport maritime permet de constater qu’il s’agit d’un exercice fréquent tout au long de l’année pour équilibrer offre et demande. Rien d’anormal puisque «le secteur est en pleine redistribution de cartes car confronté à un réel phénomène de surcapacité», explique une source chez un grand armateur.
La revue des tarifs est tellement fréquente que plusieurs professionnels du transport maritime, notamment des Freight forwarders, autorités portuaires et transitaires, affirment ne pas être au courant des dernières modifications. Pour les lignes maritimes qui concernent les opérateurs marocains, à l’instar de la liaison Asie vers l’Afrique du Nord, Europe vers l’Afrique du Nord ou encore Asie vers l’Afrique de l’Ouest, les communiqués annonçant des revues de frais généraux abondent sur les sites des armateurs au titre de 2017. La dernière en date vient d’être rendue publique par le français CMA-CGM qui a révisé à la hausse le 20 avril ses freight all kinds (FAK). A compter du 1er mai 2017(date de chargement dans les ports d’origine), le coût du transport des conteneurs en provenance d’Asie sera revu à la hausse : 1550 dollars pour les vingt pieds, 2900 dollars pour les 40 pieds et 2975 dollars pour les 40’HC, et ce, jusqu’à prochaine annonce de l’armateur.
Ce dernier précise que ces taux incluent le fret de base. Les surcharges liées aux combustibles, la THC (origine et/ou destination), les charges de Peak season (haute saison) et autres charges similaires, les surcharges relatives à la sécurité et à la sûreté peuvent également être appliquées.
Un peu plus tôt, l’armateur a annoncé le 28 février qu’après avoir soigneusement étudié les changements récents survenus sur le marché chinois du transport maritime de conteneurs, il a décidé de revoir à la hausse le montant de la Terminal Handling Charge (THC) applicable dans les ports chinois qui passe de 694.8 Renminbi par EVP à 560.2 par EVP.
Experts et armateurs estiment que les ajustements sont naturels
D’autres armateurs, notamment Maersk line et MSC, ont également ajusté leur taux moyen de fret, mais sur des lignes qui ne concernent qu’accessoirement les opérateurs nationaux, à en croire les annonces faites sur leurs portails institutionnels respectifs.
Cependant, il est important de noter que ces taux moyens ne sont donnés qu’à titre indicatif. En pratique, le montant réel varie en fonction de chaque paire de ports et dépend du type d’équipement, ainsi que de la taille du conteneur.
Pour les spécialistes du commerce international, ces ajustements de grilles tarifaires répondent à des considérations d’ordre conjoncturel dont l’objectif est de maintenir les lignes rentables. Toutefois, «si l’on analyse l’évolution des coûts d’une manière structurelle, la facture du fret maritime acquittée par les opérateurs marocains est, au contraire, en baisse sur les deux ou trois dernières années», soutient une source bien placée à Tanger Med port authority (TMPA).
Le consultant britannique en transport maritime Drewry Shipping conforte cette dernière analyse. Pour le cabinet, après une année 2015 au cours de laquelle les armateurs ont tenté à maintes reprises de restaurer sans succès les baisses des taux de fret, l’année 2016 est restée dans la même veine pour les armateurs de la ligne régulière conteneurisée. «De nouvelles érosions sont attendues sur le marché en 2017», projette le cabinet basé à Londres.
En ajustant les prix, les opérateurs estiment qu’ils ne prennent que les décisions qui s’imposent pour relever les taux les plus bas. Le consultant londonien ajoute que la suppression de six grands services situés sur l’axe Est-Ouest et l’annulation de 53 voyages en 2016 n’ont pas facilité l’amélioration de l’équilibre entre offre et demande. Au chapitre des GRI (les hausses de taux de fret), les initiatives prises n’ont pas, non plus, prêté main forte aux armateurs sur la plupart des marchés.
Pour les lignes vers l’Afrique (37 ports africains desservis par semaine au départ de Tanger Med), la baisse est encore plus avérée.
«Au lieu de deux armateurs Maersk et CMA-CGM, il y au moins quatre nouveaux opérateurs qui font dorénavant des lignes vers l’Afrique au départ de Tanger Med. Plus d’amateurs veut dire logiquement plus de concurrence qui tire les prix à la baisse».
Ce constat ne fait pas l’unanimité dans le secteur. Plusieurs professionnels estiment que cette situation de crise chez les armateurs, générée par la surcapacité, est en train de changer. En effet, les gros armateurs ont entamé une course effrénée aux fusions acquisitions pour constituer des flottes géantes. Résultat, «ils se trouvent dans des situations monopolistiques les prédisposant à fixer les prix qu’ils veulent au détriment de l’opérateur», confie l’agent maritime.
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre, pour se prémunir de cette valse des prix du fret maritime qui grèvent la compétitivité logistique des opérateurs, «il devient urgent et crucial de faire renaître le pavillon national avec une politique volontariste de l’Etat», insiste Hassan Sentissi Idrissi, président de l’Asmex.