Affaires
Fiscalité locale : les détails de la réforme
Le ministère de l’intérieur livre les conclusions du diagnostic profond entamé depuis juin 2015. 32 communes pourvoient 86% des taxes et redevances locales, pas de corrélation entre développement territorial et recettes fiscales, impertinence des bases de calcul des taxes, absence du contrôle fiscal au niveau local…, les principales conclusions. Un nouveau projet de loi portant réforme des lois 47-06 et 39-07 sera versé dans le circuit d’adoption au premier trimestre 2018.

C’est un grand chantier de réforme attendu depuis des années qui livre enfin ses secrets. Le ministère de l’intérieur est très bien avancé dans la préparation du projet de loi modifiant le cadre législatif régissant la fiscalité locale. Selon de hauts responsables au ministère, le travail de réforme, dont les concertations sont toujours en cours, est réalisé à 80%. «Suivant le calendrier législatif, le nouveau texte sera versé dans le circuit d’adoption au premier trimestre 2018», informe une source proche du gouverneur chargé de la fiscalité locale.
Le projet de loi vient corriger les dysfonctionnements et combler les lacunes des textes régissant actuellement la fiscalité locale. Il s’agit de la loi 47-06 sur les taxes locales et la loi 39-07 édictant des dispositions transitoires sur les redevances et contributions dues aux collectivités territoriales. «Ces deux lois datent de 2008 et se basent sur les premiers textes de la fiscalité locale qui remontent aux années 1960», rappelle-t-on au ministère.
Quel est l’état des lieux actuel ? Les responsables du ministère de l’intérieur sont catégoriques. Pour eux, la législation actuelle est très perfectible. D’ailleurs, c’est le constat fait depuis des années par différents organismes, notamment le Conseil économique, social et environnemental et la Cour des comptes. De plus, plusieurs discours royaux ainsi que les recommandations des Assises de la fiscalité de Skhirate (avril 2013) ont évoqué la nécessité de réformer les règles de la fiscalité locale devenues dans une large mesure dépassées par l’évolution des autres législations, de l’économie et des réalités territoriales.
Animé par un besoin de méthode et une approche scientifique, le ministère de l’intérieur s’est basé sur ces préalables pour entamer en juin 2015 un diagnostic profond de la fiscalité locale. Qu’est-ce qui en ressort ?
Les taxes locales génèrent à peine le tiers des ressources des collectivités
D’après les documents et déclarations recueillis en exclusivité par La Vie éco, les différentes taxes et redevances locales contribuent à moins du tiers aux ressources des collectivités territoriales (à peine 1% du PIB), restant largement en deça du potentiel et du niveau souhaité. Sur les 1 600 collectivités, 32 communes pourvoient 86% des recettes fiscales (passées de 6 milliards de DH en 2008 à environ 10 milliards actuellement). De plus, la fiscalité locale n’est pas corrélée au développement économique et territorial des collectivités. «Plusieurs projets et de grands investissements voient le jour sans grande incidence sur les recettes», note un responsable du ministère.
Aussi, le diagnostic a démontré l’anachronysme des bases d’imposition de certaines taxes, notamment celle sur la valeur locative sur laquelle est indexée la plupart des taxes liées au foncier (habitat, services communaux, taxe professionnelle, etc.). De surcroît, la faiblesse des recettes émane de l’inefficacité, voire l’absence du contrôle fiscal au niveau local, notamment au niveau des communes. Un autre dysfonctionnement réside dans la multiplicité des intervenants. La DGI, la TGR, les services communaux… gèrent en effet la même assiette. En même temps, ces intervenants ne coordonnent pas entre eux et ne prévoient pas de structures d’accueil et d’orientation pour les contribuables.
Tout cela dans un environnement juridique en mutation (nouvelle Constitution qui a instauré le principe de la libre administation des collectivités et entrée en vigueur des lois organiques), un environnement urbain en transformation, une démographie galopante et un accroissement des besoins de financement des collectivités territoriales. Vers quoi s’achemine-t-on alors dans le nouveau projet de loi ?
Partant des conclusions de ce diagnostic, le ministère, qui a retenu un scénario de réforme au lieu d’une refonte (pas de rupture avec l’ancien dispositif mais y apporter des améliorations), a revu les dispositions des deux lois actuelles selon six axes qui ont servi de ligne directrice pour le nouveau texte.
Baisse du nombre de taxes, révision du mode de calcul, renforcement du contrôle…
Premièrement, les dispositions du nouveau projet de loi seront revues de manière à accroître les recettes sans augmenter la pression fiscale. Cela passe par l’élargissement de l’assiette, le recensement plus affiné des contribuables et leur sensibilisation au rôle des taxes dans l’amélioration du cadre de vie, et l’utilisation des NTIC pour les informer.
Deuxièmement, le projet de loi va réduire le nombre de taxes aujourd’hui dépassant les 17 (3 pour les régions, 3 pour les provinces et préfectures et 11 pour les communes). Cet axe vise aussi à renforcer le lien avec la fiscalité de l’Etat et, in fine, améliorer le climat des affaires pour que l’investisseur se reconnaisse plus aisément dans le système fiscal local.
Troisièmement, pour aller vers des règles de calcul cohérentes avec la realité économique, le projet de loi compte réviser les bases de calcul des taxes locales. Par exemple, pour le calcul de la taxe professionnelle, l’on retiendra dorénavant le chiffre d’affaires au lieu de la valeur locative du local où le contribuable exerce son activité.
Le quatrième axe de la réforme porte sur l’introduction de dispositions pour rehausser la responsabilié et la reddition des comptes des élus locaux dans le recouvrement des taxes et redevances.
En cinquième lieu, les dispositions du projet de loi seront adaptées au contexte législatif et économique actuel, notamment en investissant les collectivités territoriales de nouvelles prérogatives comme l’y prédisposent les lois organiques et le nouveau cadre de la régionalisation avancée.
Enfin, il est question dans le sixième axe d’améliorer la gouvernance de la fiscalité locale à travers des dispositions sur l’organisation et la délimitation des responsabilités des différentes administrations (DGI, TGR et services communaux).
