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Finances publiques : une refondation de la gouvernance s’impose

Le débat politique devrait porter autant sur l’exécution des finances publiques que sur l’adoption de la Loi de finances. Le contexte politique, économique et social a favorisé la maîtrise des finances publiques marocaines. La poursuite de la réforme de la Caisse de compensation, un grand défi.

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Finances publiques

«Pouvoirs politiques et finances publiques : quels enjeux au Maroc et en France?», était le thème de la dixième édition du colloque international des finances publiques organisé, les 16 et 17 septembre à Rabat, par la Trésorerie générale du Royaume (TGR), sous l’égide du ministère de l’économie et des finances, en partenariat avec l’Association pour la fondation internationale des finances publiques (FONDAFIP) et avec le soutien de la Revue française de finances publiques. L’évènement a été marqué par la présence d’un grand nombre de personnalités, parmi lesquelles des ministres, ambassadeurs, parlementaires, universitaires, représentants d’organismes internationaux, etc.

Au regard des enjeux qu’elles recèlent, les finances publiques intègrent la complexité croissante du paysage politique, économique et social. Celui-ci est constitué d’une multitude d’acteurs, de jeux de pouvoirs et de rapports de force, qui représentent autant de logiques différentes et d’intérêts catégoriels divergents. Ce qui fait dire à Mohamed Boussaid, ministre de l’économie et des finances, que «les rapports entre pouvoirs politiques et finances publiques constituent des questions profondément complexes, qui marquent de manière saisissante l’évolution future des sociétés et des systèmes politiques, dans un environnement profondément instable et de plus en plus incertain». Et d’appeler à «œuvrer pour la réorientation du débat politique pour porter, autant sinon davantage, sur l’exécution des finances publiques que sur le processus d’adoption de la Loi de finances».

A ce titre, la loi organique relative à la Loi de finances de 2015 a mis les finances publiques au cœur d’un «nouveau mode de gestion publique», fondé sur la performance et les résultats. Cette loi a décliné les principes édictés par la Constitution de 2011, notamment en termes de transparence, de responsabilité, de partage des pouvoirs budgétaires financiers, d’approche axée sur les résultats et la performance, avec la perspective de certification des comptes de l’Etat à compter de 2018.

La loi organique des finances, un pas vers plus d’efficience

Le ministre des finances a également estimé que le contexte politique, économique et social issu du nouveau cadre constitutionnel, ainsi que les réformes structurelles menées par le pays, ont favorisé, dans une large mesure, la maîtrise des finances publiques marocaines. C’est ainsi que le déficit du Trésor a été ramené de 7,2% du PIB, en 2012, à 4,3% du PIB, en 2015. L’endettement, qui s’inscrivait sur une trajectoire ascendante entre 2010 et 2012, a, quant à lui, été stabilisé. De même que la charge de compensation a été ramenée d’environ 55 milliards de DH, en 2012, à seulement 14 milliards de DH, en 2015. A cela s’ajoute la réforme des retraites, engagée pour sauvegarder l’équilibre financier de la CMR.

Jean-François Girault, ambassadeur de France au Maroc, a, quant à lui, rappelé qu’«au commencement de tout pouvoir politique, quelle qu’en soit la nature, il y a les finances publiques. Ce sont elles qui confèrent la capacité d’agir, de fédérer, d’organiser la société, de transformer les espaces. Bref, il n’y a pas de pouvoir politique sans finances publiques». Une vision aisément partagée par le professeur Michel Bouvier, président de Fondafip, qui considère que réfléchir sur les finances publiques, c’est réfléchir sur l’organisation de notre société, parce que les finances publiques sont fondamentalement politiques. Et d’ajouter que «c’est le rôle des finances publiques de faciliter le développement de l’économie, la compétitivité des entreprises et la transition vers une société du numérique».

La question n’en demeure pas moins des plus délicates, car elle touche à la fois à l’articulation du pouvoir politique et à l’argent du peuple. Ce qui n’est pas sans susciter, dans certains cas, de vifs débats. C’est notamment le cas, en France, au sujet de l’impôt et de la dette publique dont le montant a atteint 97,5% du PIB, à la fin du premier semestre 2016.

Le système classique de gestion des finances publiques est caduc

Selon Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, «le partage du pouvoir dans le domaine des finances publiques entre le Parlement, le gouvernement et le pouvoir judiciaire est le résultat de l’évolution de l’histoire politique et institutionnelle propre à chaque pays. En conséquence, le système financier d’un Etat est le reflet de son organisation politique».

Appelé à témoigner, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib et ancien ministre des finances, révèle que «notre expérience au cours des années quatre-vingt, mais également récemment, montre qu’il faut toujours rester vigilant». Et de citer le cas épineux de la réforme de la Caisse de compensation: «Le grand défi actuellement est de l’élargir aux autres produits de base, le sucre, la farine et surtout le gaz butane qui a représenté plus de 60% des dépenses de compensation en 2015. De par la sensibilité sociale de ces produits, cela constitue un pas difficile».

En dépit de la diversité des problématiques soulevées, les intervenants au colloque se sont accordé sur le fait qu’aujourd’hui le système classique de gestion des finances publiques est caduc et que, dans ce domaine, une «refondation de la gouvernance» s’impose.