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Festivals : un business qui peut être rentable…

La dépendance des sponsors n’est pas forcément une fatalité. Des milliers d’emplois et des retombées incontestables sur le tourisme. Mawazine : un excédent de 50 millions de DH après une refonte radicale du business model.

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Festivals

Musiques Sacrées de Fès, Gnaoua d’Essaouira, Mawazine de Rabat, Timitar d’Agadir…, des noms de festivals aujourd’hui bien installés, certes. Mais pas seulement. Au fil des années et des éditions, ces festivals sont devenus de vraies marques qui, contrairement à ce que l’on peut croire, peuvent être très profitables, prouvant ainsi que la culture et le patrimoine ne sont pas forcément condamnés à être des activités toujours tributaires des donateurs, des mécènes et des bienfaiteurs. Tout le contraire. Les festivals les plus en vue au Maroc sont aujourd’hui de véritables machines économiques qui créent des emplois, font vivre des milliers de petites mains, d’artisans, d’indépendants, de prestataires, drainent de l’activité pour d’autres secteurs comme le transport, l’hôtellerie, la restauration…

Le festival de Gnaouas d’Essaouira, qui vient d’ailleurs de signer sa 19e édition il y a quelques jours, est un bel exemple de cette dynamique économique que peut créer un festival. Une étude de l’impact économique, réalisée par le cabinet Valyans, avait démontré que chaque dirham investi dans le financement du festival génère 17 dirhams au titre des retombées économiques directes sur la ville d’Essaouira. Quand on sait que le festival de Gnaoua fonctionne avec un budget moyen de 14 à 15 millions DH, ce sont donc quelque 240 millions de DH qui viennent s’injecter en l’espace de quelques jours seulement dans l’économie de la ville. Une véritable aubaine pour les hôteliers, les propriétaires de taxis, les restaurateurs et autres. Un peu plus au Sud, dans la capitale du Souss, Agadir, le traditionnel Timitar est lui aussi une occasion très attendue par le public soussi mais surtout par les professionnels de la ville. Des emplois par milliers se créent autour de ce rendez-vous dont plus de 80% profitent surtout aux originaires de la région.

Mawazine de Rabat, actuellement dans sa 15e édition, est également un bel exemple de cette machine économique que peut constituer un festival. Selon des estimations des organisateurs, les retombées de Mawazine sur l’activité touristique de la capitale sont incontestables : le chiffre d’affaires du secteur dans la ville a augmenté de plus de 20% et les taux de remplissage des hôtels sur la période des festivités oscille entre 60 et 100%, toutes catégories confondues.

Le sponsoring ne génère que 15% du budget de Mawazine

Il n’est cependant un secret pour personne que les festivals, pour autant qu’ils contribuent au rayonnement des villes, restent à la merci de l’aléa budgétaire, la grande majorité s’appuyant essentiellement sur les formules de sponsoring et de mécénat. Est-ce là une fatalité caractéristique de tout ce qui touche à la culture et au patrimoine ? Peut-être pas et l’exemple de Mawazine démontre bien qu’un festival, en plus de ses retombées économiques, peut constituer ce qu’on appelle un bon business au sens de la rentabilité. Certes, les débuts de ce festival n’étaient pas faciles. Créé en 2001, Mawazine était déficitaire pendant les premières années. Et c’est en 2005 qu’il va prendre une tout autre tournure. Cette année-là, l’association Maroc Cultures avait décidé de restructurer le business model du festival avec notamment une montée en gamme pour ce qui est de la programmation et du contenu, le tout accompagné d’une rigueur en termes de gouvernance. Dix ans plus tard, les indicateurs financiers semblent confirmer l’opportunité des choix opérés. Pour preuve, alors qu’en 2005 Mawazine accusait un déficit de 15 millions de DH, à la fin de 2015, nous dit-on, le festival affichait une trésorerie excédentaire de près de 50 millions de DH. Ainsi, dès 2005, le festival opérait une rupture avec les éditions précédentes et commençait à proposer des programmations artistiques exceptionnelles avec des têtes d’affiche de grand calibre. De l’autre côté, le modèle économique fut reconstruit sur de nouvelles bases. La première réside dans la diversification des ressources financières qui sont aujourd’hui constituées des ventes de tickets pour 35%, de la vente de soirées pour 25%, de la commercialisation d’espaces publicitaires TV pour 25% et, enfin, du sponsoring privé pour 15% seulement. A cela s’ajoute la création d’une société de prestation, Spaib, qui a permis de réduire considérablement la facture technique. Une occasion annuelle pour le rayonnement de Rabat, une véritable machine économique profitable pour la ville et pour ses organisateurs, Mawazine se permet en plus d’être lui-même mécène en contribuant à des causes nobles telles que la recherche médicale avec, notamment, un don conséquent de plusieurs millions de dirhams fait récemment pour encourager les activités de recherche de l’hôpital Cheikh Zayed. En somme, un bel exemple à méditer…