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Affaires

Exclusif : Les détails du projet de loi sur les syndicats

Ils devront tenir une comptabilité et sont soumis au contrôle de la Cour des comptes.

Ils sont tenus d’organiser un congrès tous les quatre ans sous peine de perdre la subvention étatique.

20 000 à  30 000 DH et jusqu’à  6 mois de prison pour les patrons qui entravent la liberté syndicale.

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Après la loi sur les partis politiques, celle sur les syndicats professionnels. Préparé par le ministère de l’emploi, le projet de loi, non encore rendu public et dont La Vie éco s’est procurée une copie, vise à «mettre à niveau le champ syndical» marocain, en le dotant d’un cadre légal moderne, répondant aux problématiques de transparence de la gestion et de démocratie dans le fonctionnement des organisations syndicales. Ce texte, qui n’est encore qu’une première mouture qui sera sans doute enrichie par les observations des syndicats auxquels elle sera soumise, vient compléter le projet de loi organique sur la grève, encore au stade de finalisation.
Devant abroger le dahir de juillet 1957 sur la constitution de syndicats et complétant les dispositions (articles 396 à 474) du code du travail de mai 2004 relatives aux syndicats professionnels, ce projet de loi, il faut le dire d’emblée, paraît avoir pour souci premier de sortir les syndicats d’une gestion que d’aucuns qualifient d’archaïque et d’un fonctionnement «pas toujours démocratique». Ceci apparaît en particulier dans les dispositions relatives à la tenue de comptabilité, au contrôle des dépenses liées aux subventions reçues, à l’obligation d’organiser un congrès tous les quatre ans, etc. (voir encadré). Il y a sans doute un lien à établir entre cette volonté de moderniser les syndicats et la désaffection qui frappe ces derniers. Ce n’est un secret pour personne que le taux de syndicalisation au Maroc est extraordinairement faible (environ 7 %) et, contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, la présence timide des syndicats dans le monde du travail est vécue comme un handicap, aussi bien par les employeurs que les pouvoirs publics. Inutile de rappeler qu’il est infiniment plus confortable d’avoir affaire à des salariés organisés dans un cadre légal plutôt qu’à une multitude désorganisée. Du coup, pour les promoteurs de ce projet, l’absence parfois de transparence et de démocratie à l’intérieur des syndicats participe de cette désaffection et, phénomène récent, de l’éclatement des organisations existantes. Il est significatif à cet égard que l’un des rares pays (démocratiques bien sûr) où le taux de syndicalisation est le plus élevé, c’est celui où l’on ne compte qu’un seul syndicat : l’Allemagne. A contrario, en France, où les syndicats sont nombreux, le taux de syndicalisation reste faible (environ 10 %).

Certains articles sont jugés en recul par rapport à la réalité d’aujourd’hui
Cela étant dit, est-ce que ce projet constitue une avancée sur tous les plans ? Un syndicaliste estime que sur les points concernant la constitution des syndicats, leur représentativité au sein de l’entreprise, les sanctions encourues pour les entraves à la liberté syndicale, entre autres, sont, au contraire, «un recul par rapport à la situation actuelle et aux articles du code du travail». L’article 17, par exemple, donne le droit à l’autorité administrative de juger de la conformité du dossier constitutif d’un syndicat par rapport aux dispositions de ce texte, alors que cela doit être le rôle de la justice, estime notre syndicaliste. L’article 20 va dans le même sens. L’article 26 sur la représentativité des syndicats, en ne reprenant pas la disposition du code du travail portant à 35 % des sièges délégués des salariés le seuil de représentativité au sein de l’entreprise, est jugé comme une porte ouverte à la multiplication de syndicats. Le projet fixe, en effet, ce seuil à 6 % seulement, au même niveau que le seuil de représentativité nationale prévu par le code du travail. Est-ce un simple oubli ? Notre commentateur ne comprend pas également pourquoi, dans l’article 35, il est requis du président de la 2e Chambre de fournir, chaque année, le nombre de sièges dont dispose chaque syndicat avant la répartition de la subvention. «Puisque le mandat est de six ans, pourquoi ne pas le faire seulement une fois tous les six ans ? A moins que l’on songe d’ores et déjà au nomadisme qui caractérise les parlementaires, ce qui serait une façon de le consacrer», s’indigne notre syndicaliste.
Enfin, s’agissant des sanctions prévues dans l’article 43, en cas d’entrave à la liberté syndicale, elles sont jugées peu dissuasives puisque l’employeur «pourrait avoir intérêt à payer les 20 000 à 30 000 DH prévus, si cela devait le débarrasser de syndicalistes qui le dérangent». Dans son dernier alinéa, cet article prévoit néanmoins, en cas de récidive, un emprisonnement de 3 à 6 mois. «C’est un progrès certes, mais on ne précise pas dans quel intervalle de temps est constituée une récidive».
Répétons-le : il ne s’agit là que d’une première mouture qui sera présentée aux syndicats pour discussions et améliorations. Le débat promet d’être chaud.