Affaires
Exclusif : ce que sera le futur décret sur les marchés publics
Le projet de décret est finalisé.
Il consacre expressément la lutte contre la corruption et la fraude.
Il permet la révision des prix des marchés dans des conditions biens précises n Il prévoit un portail des marchés publics pour la publication
de documents et d’informations.
Laréglementation des marchés de l’Etat fait l’objet d’une réforme visant à consacrer davantage les principes de transparence, de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de simplification des procédures. C’est ainsi en tout cas que sont définis, dans l’exposé des motifs, les objectifs du projet de décret fixant les conditions et les formes de passation des marchés de l’Etat.
Ce texte, préparé conjointement par l’administration et les différents intervenants dans le domaine des marchés, ne fait pas que modifier certaines dispositions de l’actuel décret (n°2-98 du 30 décembre 1998) sur les marchés publics. Il l’abroge tout simplement, mais en prenant en considération les acquis enregistrés jusque-là en matière de réglementation des marchés publics. C’est donc un texte nouveau, comprenant 97 articles, que ses rédacteurs ont voulu «clair et pédagogique parce que portant sur une matière o๠la clarté et la pédagogie ont autant d’importance que le fond», analyse un participant à son élaboration.
Le décret s’insère, en fait, dans un dispositif plus général de moralisation de la vie publique et d’ailleurs, confie-t-on au ministère des Finances, il sera soumis pour approbation à un Conseil des ministres qui sera consacré uniquement aux questions liées à l’éthique, conseil qui devra se tenir avant la fin de l’année.
Les offres «anormales» seront rejetées
Sur le fond, le projet répond à peu près à toutes les préoccupations des professionnels, dont certaines, d’ailleurs, coà¯ncident avec les orientations des pouvoirs publics et les engagements du Maroc vis-à -vis de ses partenaires. C’est le cas par exemple de la moralisation de la vie publique, une orientation (plus qu’une pratique) qui remonte au premier gouvernement d’alternance de Abderrahmane Youssoufi, et de la lutte contre la corruption, désormais expressément consacrée dans le texte, précisément ses articles 24 et 96. On peut ajouter, à ce propos, que la réduction de l’intervention humaine à travers la dématérialisation des procédures (art. 77) et l’obligation faite aux maà®tres d’ouvrages de publier certaines informations et documents sur le portail électronique des marchés de l’Etat (art. 78), participe de la volonté du gouvernement, en plus de faciliter la vie aux soumissionnaires, de favoriser la transparence et de limiter autant que faire se peut les situations qui favorisent les pratiques frauduleuses.
L’article 41 également renforce cette volonté de ne laisser aucune possibilité à la fraude et à la corruption de s’installer, en réglementant de manière claire et précise le cas des offres anormalement basses ou excessives. Ces pratiques relèvent certes du dumping, comme le disent les professionnels, mais elles peuvent aussi cacher des comportements de connivence entre l’administration et des candidats à un marché. Et dans tous les cas, lorsqu’une offre est jugée anormalement basse ou excessive, elle est tout simplement rejetée. Toutefois, la commission d’appel d’offres peut, sous certaines conditions extrêmement bien détaillées, accepter une offre anormalement basse – auquel cas, d’ailleurs, l’offre devient «normalement basse» (voir encadré).
Au chapitre de la « vérité des prix », la doléance des intervenants dans les marchés publics, relative à la possibilité de réviser les prix des marchés en cas de variations économiques pendant l’exécution de la prestation, a été entendue. L’article 15 du projet de décret offre, en effet, cette possibilité, mais sans la rendre systématique dans la mesure o๠elle ne concerne que les marchés dits à prix révisables. Lesquels marchés sont ceux passés seulement quand le délai prévu pour leur exécution est égal ou supérieur à six mois. Mieux, l’article 15-1 précise, cependant, que même les marchés à prix fermes peuvent voir leurs prix révisés mais seulement dans deux cas : d’une part, lorsque le taux de la TVA est modifié postérieurement à la date limite de remise des offres, et, d’autre part, lorsque le marché porte sur l’acquisition de produits ou de services dont les prix ayant subi des changements sont des prix réglementés.
En somme, ce texte, de l’avis de certains professionnels qui l’ont lu, constitue une avancée en termes de gouvernance, donc d’utilisation efficace des derniers publics, de transparence et de concurrence saine entre les soumissionnaires aux marchés de l’Etat.
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En vue de donner un coup de pouce à l’entreprise marocaine, le projet de décret consacre (art. 83) la préférence nationale. Dans ce cas, lorsqu’une entreprise étrangère soumissionne à un marché marocain, le montant de son offre est majoré d’un pourcentage ne dépassant pas 15 %. |
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Pour lutter contre les pratiques qui faussent la concurrence, les rédacteurs du projet de décret sur les marchés de l’Etat ont répondu favorablement à la revendication des professionnels. C’est l’objet de l’article 41 qui stipule : «Une offre est considérée anormalement basse ou excessive lorsqu’elle est respectivement inférieure ou supérieure de 20 % par rapport à la moyenne arithmétique entre l’estimation du maà®tre d’ouvrage et la moyenne des offres financières des autres soumissionnaires». |