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Energie, transport, eau et assainissement… De gros projets cherchent investisseurs

Industries manufacturières, BTP et services ont particulièrement concentré l’intérêt des investisseurs. De plus en plus de pays africains dotés de visions sectorielles structurées, matérialisées par des plans chiffrés et de projets ciblés. Les opérateurs recommandent l’amélioration du cadre institutionnel de l’investissement privé.

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Le constat est bien là. Le déficit en matière d’investissement est énorme en Afrique. Selon la Banque Mondiale, rien qu’en infrastructures, le besoin global annuel d’investissement est de 93 milliards de dollars alors que le continent parvient à couvrir à peine la moitié. Pour les organisateurs du 3e Forum Afrique Développement, ce sont donc «autant d’opportunités de partenariats public-privé, de coopérations triangulaires Nord-Sud-Sud créatrices d’emplois et de valeur ajoutée, de transferts de compétences et de savoir-faire, d’innovation et de ruptures technologiques» qui se font entrevoir, comme l’a bien souligné Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa bank, dans son mot d’ouverture. Ceci est d’autant plus vrai vu les ressources naturelles et agricoles du continent et l’étendue de sa classe émergente de nouveaux consommateurs qui en font un marché rêvé et un relais de croissance pour plusieurs investisseurs de par le monde.

Près de 2 Africains sur 3 n’ont pas accès à l’électricité

Ce qui a changé pour cette édition, c’est que le ton s’est voulu plus audacieux et la démarche plus concrète. Le président du groupe bancaire panafricain a annoncé la couleur en expliquant pourquoi il est grand temps d’investir en Afrique, thématique retenue pour cette édition. «L’importance de l’action c’est qu’elle donne la crédibilité au travail politique et permet de réaliser les objectifs escomptés», a-t-il insisté en citant le Souverain lors de son discours à Abidjan le 20 février 2014.
Force est de constater que ce qui rend l’investissement plus facile encore, selon les participants, c’est que plusieurs pays africains se sont dotés de visions sectorielles structurées et cohérentes, matérialisées par des plans chiffrés et de projets d’investissement ciblés dans tous les domaines. Ces plans donnent confiance et visibilité aux opérateurs économiques. Tous les secteurs y sont représentés : infrastructures, énergie, télécommunications, valorisation des ressources naturelles dans les industries agro-industrielles et minières, développement du tourisme et des services… Des pays sont même très bien avancés dans leurs plans, à l’image de la Côte d’Ivoire dont le ministre d’Etat, Amadou Gon Coulibaly, se félicite d’être parfaitement en ligne avec les objectifs de l’émergence de son pays attendue à l’horizon 2020. Tout aussi décidés à émerger, le Gabon et le Sénégal ont présenté des plans de développement ambitieux, chiffres à l’appui.

En vue de porter tout ce potentiel de projets et de partenariats, le privé a montré un enthousiasme remarquable. Des centaines d’opérateurs venus de 17 pays ont exposé leur savoir-faire et leurs besoins à leurs confrères du continent. Ainsi, durant deux jours, plus de 4 500 rendez-vous d’affaires ont été enregistrés. Selon les organisateurs, les industries manufacturières, les BTP et les services ont particulièrement suscité l’intérêt des investisseurs. «Le bilan des B to B de cette 3e édition augure de carnets de commandes bien fournis», a déclaré M. El Kettani dans son allocution de clôture.
Cela dit, et pour baliser le terrain, les professionnels présents dans les panels tenus en marge du forum, très riches d’enseignements, ont émis des recommandations très ambitieuses. L’accent est mis sur l’unité de l’action et la facilitation institutionnelle en faveur de l’investissement du secteur privé.

Dans l’énergie, près de 2 Africains sur 3 n’ont pas accès à l’électricité, avec de grandes disparités entre les milieux urbain et rural. Ce faisant, les nouveaux investissements à réaliser et la mise à niveau des infrastructures requièrent 3 200 milliards de dollars à l’horizon 2035. Les opérateurs énergétiques ont appelé, à cet égard, à inscrire les stratégies nationales individuelles dans le cadre global du marché international (offre, besoins, changements structurels, etc.) en vue d’une réponse commune dans un marché global tout en soulignant la nécessité de coordonner ces stratégies, et de dimensionner et d’entretenir l’énergie électrique.
Dans l’agroalimentaire, l’urgence est plus impérieuse. Les 2/3 des 800 millions de personnes qui ont des difficultés à se nourrir dans le monde sont africains, alors que le continent dispose de 800 millions d’hectares de terres arables non exploitées. Pour dépasser cette situation, les spécialistes de l’agroalimentaire présents au panel préconisent de mettre en place une fiscalité incitative à la transformation locale de produits bruts par des acteurs locaux ou attirer des multinationales à transformer localement, et de trouver une solution à la problématique des titres fonciers et à la réglementation de la location de terrains afin de faciliter l’accès au financement du secteur. De plus, ils ont insisté sur le besoin d’innover pour des méthodes d’irrigation plus efficaces et un financement commun des moyens d’acheminement de l’eau, tout en intégrant les petits producteurs dans le processus et les stratégies nationales agricoles.

Le déficit en infrastructures coûte 2 points de croissance par an aux pays africains

De leur côté, les investisseurs et experts présents au panel des infrastructures ont souligné le déficit considérable d’infrastructures (énergie, transports, eau, assainissement et TIC). «Ce déficit coûte deux points de croissance par an à chaque pays africain», a rappelé un responsable d’un aménageur public. Si les Etats africains veulent rattraper ce retard, ils auront à s’engager dans des projets prioritaires en mettant en œuvre des politiques efficientes pour drainer de bons mouvements de capitaux. De même, l’accélération de la mise à niveau de la gouvernance est un préalable. D’autres intervenants ont recommandé de revisiter les cadres institutionnel et juridique pour les rendre propices au développement des partenariats public-privé, d’harmoniser l’environnement juridique, fiscal et d’affaires à l’échelle des régions en vue de faciliter les transferts de capitaux transfrontaliers, de faire appel à l’épargne africaine (300 milliards de dollars) et aux réserves de change des pays africains (500 milliards de dollars) et d’activer le levier de l’endettement public (moins de 35% du PIB en moyenne en Afrique) sur lequel ces pays ont encore une marge de manœuvre.