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En Couv’: Jeux de hasard offshore : les «riachate 2.0»

L’engouement pour les jeux de hasard atteint des sommets, propulsé par l’avènement d’Internet et la prolifération de sites de jeux en ligne. Au Maroc, les plateformes offshore génèrent dix fois plus de trafic que les sites marocains légaux.

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Il fut un temps où certains cafés des principales villes du Royaume abritaient des machines à sous clandestines, connues sous le nom de «riachate» (déplumeuses). Ces machines étaient illégales, car seuls la MDJS, la Loterie nationale, la SOREC et les casinos détiennent le monopole des jeux d’argent au Maroc. Alors que l’on pensait que les riachate avaient disparu, elles ont refait surface de manière démultipliée sur Internet, séduisant des dizaines de milliers de joueurs marocains. Il s’agit des sites de jeux d’argent en ligne.

Codes promo et sponsoring
Certains de ces sites s’affichent ouvertement dans les grandes artères des villes, comme le très controversé 1XBET, dont les affiches publicitaires proposent des codes promo en darija. Fondé en 2007 et basé à Chypre, ce site de paris en ligne russe se présente comme l’un des principaux bookmakers mondiaux, opérant directement ou via des franchises dans plus de 20 pays et comptant des clients dans plus de 50 pays. Au Maroc, ce bookmaker ne se cache pas et n’hésite pas à s’associer à des influenceurs pour séduire la jeunesse.
Le célèbre rappeur 7lioua, idole des 15-25 ans, promeut activement le site sur ses réseaux sociaux, offrant même un code promo «7lioua». Mais ce ne sont pas uniquement les rappeurs qui s’associent à 1XBET, de grandes associations sportives ont également succombé à l’appât du gain. C’est le cas du Raja de Casablanca, qui a signé en grande pompe, en 2022, un contrat de sponsoring record de 30 millions de dirhams sur 3 ans, le plus important contrat du genre de l’histoire des clubs marocains. Un contrat similaire a récemment été signé avec le club de la Jeunesse sportive Salmi et la section basketball de l’Association sportive de Salé. Cependant, la Marocaine des jeux et des sports détient le monopole des paris sportifs au Maroc, rendant automatiquement illégales toutes les activités de 1XBET dans le pays. Mais cela n’empêche pas un club marocain de signer un contrat de sponsoring avec le bookmaker. «Si on m’avait proposé le même type de contrat, j’aurais évidemment signé», admet le président d’un club rival du Raja de Casablanca. Tout est donc une question de nuance.

Concurrence déloyale
Dans la réalité, de nombreux jeunes Marocains accèdent facilement à ces sites de jeux en ligne. «Les sites de jeux offshore génèrent globalement 10 fois plus de trafic que les sites légaux, les sites étrangers les plus connus au Maroc enregistrent plus de 50 millions de visites», révèle Mohamed Sulaimani, directeur de la Loterie nationale. «En 2021, le produit brut des jeux (PBJ) généré par les entreprises publiques au Maroc (hors SOREC) est estimé à 1,4 milliard de dirhams. Durant la même année, le marché des jeux d’argent offshore (en ligne) au Maroc est évalué à environ 0,8 milliard de dirhams de PBJ, dont 0,5 milliard pour les paris sportifs et environ 0,3 milliard pour les jeux instantanés, le poker et les jeux de table», précise la même source. La concurrence est intense et manifestement déloyale.
S’inscrire sur un site de jeux en ligne est plus facile que jamais. Il suffit d’avoir une carte bancaire internationale et parfois un portefeuille en ligne comme Skrill ou Neteller. Pour 1XBET par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir un portefeuille en ligne, car plusieurs banques marocaines permettent les dépôts et retraits d’argent directement auprès du bookmaker. Pour d’autres bookmakers plus difficiles d’accès, certains joueurs effectuent des dépôts et des retraits de gains via des réseaux illégaux, notamment dans des cafés et quelques points de vente des principales villes. Ces réseaux utilisent également les réseaux sociaux pour attirer les joueurs et leur offrir leurs services, déplore Mohamed Sulaimani, avant de conclure : «Nous pensons que des mesures réglementaires devraient être prises dans le but d’attirer les joueurs du circuit offshore vers le circuit officiel et de réduire le nombre d’opérateurs offshore dans le pays. Ces mesures profiteraient aux joueurs, à l’État et à l’ensemble de l’écosystème marocain des jeux de hasard». Un pari qu’il faudra bien gagner…