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Electricité : comment on en est arrivé aux délestages

A l’origine, l’arrêt pour maintenance d’une des deux lignes d’interconnexion avec l’Espagne, ainsi que de certaines unités de production nationale
Le non-recours au turbinage en raison des pluies a aggravé la situation.

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Cequi devait arriver est arrivé : l’érosion de la marge de réserve de l’opérateur historique, l’Office national de l’électricité (ONE), a obligé ce dernier à enclencher, à partir du lundi 3 novembre, le Plan de préservation du système électrique (PSE), terme technique qui désigne les coupures de courant électrique pendant les heures de pointe.

Ce PSE devrait durer jusqu’au 20 novembre. L’aménagement de la charge, autre terme technique utilisé pour délestage, s’est traduit, dans les faits, pour la journée du lundi, par une coupure de 100 MW sur l’ensemble du territoire.

L’opération a eu lieu entre 17 et 23 heures, soit durant la période de pointe, et a concerné en particulier les zones industrielles, c’est-à-dire là où, théoriquement, le travail finit aux environs de 17 h-18 h.

La même opération a été reconduite pour la journée du mardi 4 novembre. Selon le ministère de l’énergie et des mines, le plan durera trois semaines, mais l’acuité des coupures, précise-t-il, devrait se réduire à mesure que des unités de production, à l’arrêt pour maintenance, se remettront à fonctionner.

Le Plan d’aménagement de la charge durera jusqu’au 20 novembre.
Qu’est-ce qui a conduit à mettre en branle le PSE ? Trois raisons principales, avec une conséquence : un déficit d’environ 500 MW.

Ce déficit a pour origine, premièrement, l’arrêt pour maintenance d’une des deux lignes d’interconnexion électrique entre le Maroc et l’Espagne ; deuxièmement, l’arrêt également pour maintenance de certaines unités de production nationales ; et, troisièmement, le non-recours au turbinage en raison de l’abondance des pluies. L’arrêt pour maintenance de l’interconnexion était prévu pour l’été dernier.

Mais comme cette période est celle où le pays enregistre des pics de consommation, l’opération a été reportée à novembre, mois où, habituellement, la demande est moins importante.

D’ailleurs, lorsque, en 2006, le PSE a dû être enclenché, ce fut justement au début du mois de novembre, le 4 précisément.
Seulement voilà : à la mise à l’arrêt de l’interconnexion est venue s’ajouter la non-utilisation du turbinage et l’arrêt de certaines unités, qui fonctionnaient à flux tendu, sous peine de les voir se détériorer considérablement. Du coup, les coupures programmées s’imposaient, sous peine de black-out.

Ceci reste toutefois une explication technique et d’autres pays y recourent en cas de nécessité. Mais le fond du problème, dans le cas du Maroc, est que la croissance soutenue de la demande (environ 8% par an depuis quelques années) n’a pas sa correspondance au niveau de l’offre : tandis que la consommation augmente, le parc de production, lui, stagne quasiment.

Il en résulte une érosion progressive de la marge de réserve qui a conduit au délestage. Il faut savoir qu’en 2007, par exemple, la demande d’énergie n’a pu être satisfaite que grâce aux importations (de chez les voisins, notamment espagnols). Chiffre révélateur : les importations d’électricité ont contribué à satisfaire 15,1% de la demande pour l’année 2007.

Un besoin de 500 à 600 MW par an pendant 10 ans
Que se serait-il passé sans ces apports extérieurs ? Le problème est que, parfois, il arrive que l’un des voisins, ou les deux à la fois (Espagne et Algérie), n’ait pas grand-chose à injecter dans l’interconnexion, soit parce qu’ils ont des besoins énormes à satisfaire, soit parce que, eux aussi, doivent faire face à des problèmes techniques.

Pour rattraper le retard et être en mesure de suivre le rythme de progression de la demande, le Maroc a besoin de 500 MW à 600 MW supplémentaires chaque année, sur dix années consécutives. Pour cela, il faudra investir chaque année 10 milliards de DH.

C’est énorme ! Surtout pour un pays dont l’opérateur historique subventionne l’électricité, supportant seul le renchérissement du coût des combustibles, achetés en devises, sans pouvoir le répercuter sur ses clients.

Mais il n’y a pas que les ennuis financiers, il y a aussi les difficultés liées au choix de sites pour la construction de nouvelles centrales. Tout le monde a en tête l’annulation du projet de Cap Ghir, puis le changement du site où devait être installée la centrale thermique de Safi, suite à l’intervention des élus locaux.

Il ne s’agit pas de discuter de l’opportunité de ces changements de sites, mais le fait est que cela retarde le lancement d’un projet aussi important que celui de Safi par exemple (1300 MW !). Cela dit, de nouveaux moyens de production devraient entrer en service tout au long de 2009 (voir encadré) et d’autres suivront en 2011 et 2012.

Encore faut-il tenir compte du fait que les centrales actuellement en service sont tellement sollicitées que leur mise à l’arrêt pour maintenance s’impose ! Raison de plus pour renforcer considérablement le parc de production afin d’éviter de s’imposer une gestion permanente de la charge.