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Affaires

Efficacité énergétique : encore peu d’entreprises marocaines intéressées

En l’absence d’incitations opérationnelles, peu d’entreprises recourent aux audits énergétiques.
Seuls quelques bureaux d’études expérimentés exercent l’activité au Maroc.
Dans certains cas, les économies d’énergie vont jusqu’à  15% dans l’industrie et 40% dans le tertiaire.

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En ces temps qui courent, il fait bon parler d’efficacité énergétique. Pourtant, la réflexion reste récente au Maroc pour pouvoir parler de green business. Il en va ainsi des audits énergétiques qui, malgré l’expérience des bureaux d’études concernés, restent en marge des priorités des entreprises marocaines. Chez Citech Ingénierie, bureau d’études multidisciplinaires et précurseur dans le domaine de la maîtrise d’énergie, moins de 10% du chiffre d’affaires proviennent de l’activité de l’audit énergétique. Naïm Lahlou, son directeur général, reste néanmoins confiant. «Les pouvoirs publics vont vraiment dans le bon sens en décidant de mettre en place des mesures incitatives. Reste à les rendre opérationnelles», confie-t-il. Celles-ci devraient permettre de voir éclore une profession qualifiée, apte à manipuler les outils nécessaires et répondre ainsi aux besoins croissants des industriels. Hôteliers, BTP, télécommunications, hôpitaux… tous les secteurs d’activité peuvent recourir à un audit énergétique. Pour Meriem Elmandjra, directrice déléguée de Reduce Invent Optimize (RIO), bureau d’études spécialisé dans les projets d’économie d’énergie créé en 2006, «les entreprises, administrations publiques, collectivités locales, ONG et particuliers vont devoir participer à la nouvelle stratégie énergétique du Maroc en adoptant une politique de maîtrise d’énergie».

Nécessité de créer un label national

Et pour développer le secteur, il est nécessaire de professionnaliser l’activité. Seuls une poignée de bureaux d’études ont l’expérience nécessaire pour mener à bien des audits énergétiques. «L’audit énergétique est une mission professionnelle qui doit être accompagnée par l’utilisation d’équipements professionnels», précise M. Lahlou. «Il est très important de ne pas décevoir le client. Etre expert en maîtrise de l’énergie ne s’improvise pas», poursuit-il. Alors pourquoi ne pas créer un label national encadrant les professionnels ? A l’image de l’Efficiency Valuation Organisation (EVO) pour la maîtrise du protocole international de mesure et de vérification de la performance énergétique (IPMVP), destiné à faire état des gains d’énergie réalisés suite à la mise en œuvre de solutions d’efficacité énergétique. Depuis janvier 2010, RIO s’est fait d’ailleurs certifier EVO.
De même, les professionnels misent sur la rémunération aux résultats pour encourager les industriels à recourir à un audit énergétique. En Europe et aux Etats-Unis, les entreprises de services d’efficacité énergétique (Energy Service Company ou ESCO) sont très souvent rémunérées aux résultats. Le contrat de performance ainsi établi entre l’entreprise ESCO et le client (collectivité publique, entreprise) fonctionne comme une assurance. Les résultats attendus en termes d’économie d’énergie sont garantis contractuellement par le prestataire. Dans le cas où les objectifs ne seraient pas atteints, le contrat stipule expressément que les investissements engagés seront remboursés. En somme, tout l’intérêt d’un contrat ESCO est que l’entreprise de services d’efficacité énergétique s’engage contractuellement à garantir un résultat. Le client a la certitude d’un retour sur investissement puisqu’il n’assume pas les risques en cas de problème. Au Maroc, ce type de contrats reste peu courant. RIO dispose de plusieurs modèles de tarification, dont celui de contrat de performance. Quant à M. Lahlou, de Citech, et en l’absence de garde-fous fiables, il préfère la rémunération fixe.

Des techniques variées pour réduire la consommation

Le concept d’audit énergétique n’est pas nouveau. Mais les évolutions technologiques dans le domaine permettent de renouveler les méthodes. Ainsi, il est possible aujourd’hui de chauffer l’eau sanitaire à partir d’un système de climatisation, et ce, grâce à des pompes à chaleur réversibles qui récupèrent l’énergie. Les gains énergétiques peuvent alors atteindre 30% par rapport à des installations traditionnelles. Ce système s’est rapidement répandu, tout particulièrement dans l’hôtellerie, encouragé par un coût quasi équivalent à une installation de climatisation standard. En outre, un concept très intéressant de stockage du froid permet par exemple aux hypermarchés de stocker le froid pendant les heures creuses, où la production coûte jusqu’à 50% moins cher qu’en heures de pointe, dans des citernes calorifugées et de le restituer dans la journée.  D’autres méthodes ont été mises au point pour contrôler les dysfonctionnements des outils industriels. Ainsi, un variateur électronique de vitesse va permettre de limiter la puissance appelée au démarrage d’un moteur. Au lieu de démarrer à plein régime, le moteur va être modulé afin de fonctionner en fonction des besoins de l’activité. Et les déperditions énergétiques thermiques et frigorifiques peuvent être détectées grâce à une caméra à thermographie infrarouge.
Tout l’objectif est d’«aider l’exploitant à produire de la même façon tout en consommant moins», résume M. Lahlou. Et les résultats sont concluants puisque les économies d’énergie tournent autour de 15% dans l’industrie et jusqu’à 40% dans le tertiaire.