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École Polytechnique : “Le Maroc est un partenaire de premier plan pour recruter des talents”
L’Ecole Polytechnique a élaboré des programmes sélectifs qui visent à recruter les meilleurs talents internationaux. Le savoir-être et le leadership sont développés à travers la formation humaine et militaire. Les liens avec le Maroc seront renforcés.

L’Ecole Polytechnique, qui a tenu son colloque X-Maroc le 15 janvier 2019 à l’Université Mohammed VI des sciences de la santé à Casablanca sous le thème de «La R&D comme levier de croissance», a profité de l’événement pour réaffirmer son intérêt grandissant pour le Maroc. Son président, Eric Labaye, entend renforcer davantage les relations qui lient son établissement au Royaume en vue d’attirer plus de talents, et ce, au moyen d’une offre pluridisciplinaire aux ambitions mondiales. Quelles sont les nouvelles orientations des programmes pédagogiques ? Comment sont-ils définis ? Et quelle adéquation entre les enseignements fournis et l’évolution des secteurs mondiaux? Les réponses d’Eric Labaye.
Comment jugez-vous le niveau d’adaptabilité des programmes aux mutations sectorielles et à l’évolution des besoins en compétence ?
L’enseignement supérieur et la recherche constituent aujourd’hui un marché globalisé en forte croissance. En 2025, le monde comptera 80 millions d’étudiants supplémentaires et la concurrence entre établissements sera considérablement accrue. Dans ce contexte, la France comme le Maroc sont confrontés à des enjeux de lisibilité et compétitivité. L’École Polytechnique a pour ambition d’être un établissement leader au niveau mondial dans le domaine des sciences et technologies. Nous nous appuyons pour cela sur nos atouts : sélectivité, excellence de la recherche, proximité avec les entreprises mais nous conservons notre agilité pour nous adapter aux mutations à l’échelle internationale. Nous avons ainsi lancé de nouveaux programmes conformes aux standards internationaux qui viennent compléter le cycle ingénieur polytechnicien déjà réputé pour son excellence. Ces programmes sélectifs, intégralement enseignés en anglais, visent à recruter les meilleurs talents internationaux pour en faire les leaders demain. Nous avons ainsi lancé en 2017 un bachelor international et huit nouveaux Master of Science & Technology qui poursuivent leur montée en puissance. Nos masters couvrent un large spectre disciplinaire et portent en particulier sur les technologies de ruptures : data sciences, intelligence artificielle, smart cities, ainsi que sur les énergies de demain, comme le master STEEM qui intéresse beaucoup d’étudiants marocains.
Comment cela se traduit-il en termes de compétences ?
Les attentes des étudiants évoluent aux côtés de celles des entreprises. Les nouvelles générations aspirent à travailler sur des projets innovants, avec une souplesse de travail et beaucoup de liberté, ce qui explique l’attirance pour les start-up. Les entreprises s’intéressent pour leur part à ces nouveaux profils qui n’hésitent pas à les challenger et sont capables de mener des projets entrepreneuriaux. Nous répondons à ces désirs en transmettant à nos étudiants un socle solide de connaissances scientifiques allant des sciences dures jusqu’aux humanités grâce à la pluridisciplinarité de notre centre de recherche. La prépondérance des mathématiques – langage universel – dans nos cursus, associé à l’enseignement pluridisciplinaire adossé à notre recherche de pointe rend nos étudiants capables de traiter des problèmes complexes. Nous veillons à leur apporter des expériences qui renforcent leur compréhension du monde et de l’entreprise à travers trois stages : un stage en recherche publique ou privée, un stage en entreprise et un stage de mise en responsabilité.
Qu’apprend-on en suivant ces stages ?
Nous développons le savoir-être et le leadership à travers notre formation humaine et militaire. Il s’agit d’un domaine dans lequel l’X est précurseur avec le stage de 1ère année. Ce stage de six mois est conçu comme une expérience de maturité avec une triple rupture : géographique, sociologique et intellectuelle. Réalisé dans les armées ou dans des associations civiles, il vise à favoriser l’ouverture d’esprit et la connaissance des réalités sociales de nos étudiants qui seront demain amenés à exercer des responsabilités d’ingénieurs et de cadres avec le sens de l’intérêt général. L’esprit d’équipe et le savoir-être sont enfin développés grâce au rôle prépondérant du sport sur le campus.
A quel point les professionnels sont-ils impliqués dans la définition des contenus de vos programmes pédagogiques ?
Bien entendu, nous impliquons étroitement les futurs employeurs de nos élèves grâce à notre commission aval qui nous permet de faire dialoguer les entreprises, la recherche académique et les autorités administratives et militaires avec notre corps enseignant pour faire évoluer nos cursus et assurer la pertinence de nos pratiques pédagogiques. L’École Polytechnique est également un établissement pionnier en France pour la création de chaires d’entreprises et s’appuie aujourd’hui sur 28 chaires d’enseignement et de recherche d’envergure internationale, portées par des chercheurs de premier plan. Couvrant des domaines tels que l’entrepreneuriat, les data sciences, les énergies renouvelables ou encore l’intelligence artificielle, ces chaires permettent d’échanger durablement avec les entreprises sur leurs besoins en ressources humaines, de renforcer nos programmes dans des domaines où les profils sont rares et créer ainsi de nouveaux viviers de recrutement vitaux pour la compétitivité de nos partenaires.
Comptez-vous des professionnels au sein de votre corps enseignant ?
Une partie de notre corps enseignant est constituée de professionnels afin de faire bénéficier nos étudiants de cours en prise avec les problématiques actuelles des entreprises. Nous confrontons enfin les étudiants à des questions et projets soumis par des entreprises qui figurent parmi nos soixante partenaires ou des start-up, par exemple dans le cadre de hackathons ou de challenges étudiants.
Au Maroc, quels sont les ajustements/modifications à opérer dans les années à venir pour mieux préparer l’École Polytechnique aux évolutions futures ?
Le Maroc constitue pour l’X un partenaire de premier plan pour recruter des talents. De nombreux X marocains brillent à de hautes responsabilités et nous souhaitons continuer à former les futurs leaders du pays. Le Maroc et l’École Polytechnique entretiennent une longue histoire et nous souhaitons amplifier ce lien en renforçant nos coopérations existantes et en développant de nouveaux projets. Dans cette optique, des partenariats ont été noués avec les classes préparatoires aux grandes écoles dans des lycées d’excellence marocains. L’X envoie chaque année des élèves du cycle ingénieur polytechnicien en stage de 1ère année aux lycées Moulay Youssef de Rabat, Moulay Idriss de Fès et Ibn Taymia de Marrakech pour accompagner la formation des élèves en mathématiques ou en physique. Ces partenariats permettent de renforcer la préparation des talents marocains aux concours des grandes écoles et contribuent à renforcer nos liens académiques dans le pays. Nous avons également développé des coopérations avec quatre écoles marocaines (EHTP, l’EMI, ENSMR, ENSEM), pour la formation des élèves ingénieurs marocains aux énergies renouvelables ainsi qu’avec l’Université Euro-Méditerranéenne de Fès (UEMF) afin de renforcer notre collaboration universitaire.
Plus récemment, nous avons signé une chaire internationale avec l’Université Mohammed VI sur le thème «Data science & processus industriels» avec le soutien de l’OCP. Cette chaire va contribuer à former une nouvelle génération d’ingénieurs pour exploiter les sciences des données et développer des processus industriels innovants. Les chaires industrielles constituent un axe important pour développer nos coopérations en enseignement et en recherche sur des thématiques d’avenir pour lesquelles nous avons une carte mutuelle à jouer : sciences des données, photovoltaïque et plus généralement les énergies renouvelables qui constituent un atout du Maroc.
