Affaires
E-commerce : comment le monopole de la Poste sur les petits colis est contourné
Le monopole sur les colis de moins d’un kilo a été institué par dahir à l’ère du protectorat français en 1924. Poste Maroc se positionne comme acteur majeur du e-commerce où plus de 50% des colis pèsent moins d’un kilo. L’association Maroc Digital veut faire appel à d’autres opérateurs de messagerie et ainsi améliorer les services et baisser les prix.

D’après le Dahir du 25 novembre 1924 relatif au monopole postal, l’Office des postes, des télégraphes et des téléphones du Maroc (actuellement Poste Maroc) est seul chargé du transport des paquets et papiers de poids d’un kilogramme et au-dessous. Ce dahir est toujours en vigueur, 93 ans après sa promulgation. Et ce, même à l’ère du e-commerce et de l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Aujourd’hui, Poste Maroc est le seul opérateur qui intervient sur le marché de la messagerie nationale (à travers Amana), international (grâce à sa filiale Chronopost) et sur le marché du transport et de la logistique après l’acquisition de SDTM. S’y ajoute son monopole sur l’envoi des colis de moins d’un kilo au niveau du marché national. Poste Maroc s’appuie également sur son réseau de 1800 agences sur le territoire et sur 1 650 tournées de facteurs là où Amana n’est pas présente.
Cette situation de monopole semble agacer les opérateurs de messagerie, notamment ceux opérant dans le secteur du e-commerce (où plus de 50% des colis pèsent moins d’un kilo). Toutefois, il y en a qui sont parvenus quand même à se frayer un chemin dans le e-commerce. Ils contournent la loi en envoyant des colis légers (accessoires informatiques, textile et autres) lestés d’une masse (sel, cailloux) de manière à ce que, lors de la pesée, les paquets dépassent un kilo. Mais Barid Al Maghrib sévit.
«Les brigades de Poste Maroc font des descentes dans les entrepôts et pèsent les colis pour s’assurer que leur poids dépasse le seuil d’un kilo», déclare Larbi Alaoui Belghiti, président de l’association Maroc Digital et directeur général de Jumia, acteur du e-commerce.
Poste Maroc mène des opérations de contrôle dans les entrepôts de la concurrence
Au cas où le poids des colis est inférieur au seuil d’un kilo, les opérateurs sont sanctionnés. «L’amende peut aller de 15 000 à 60 000 DH. Cela dépend du nombre de colis suspects trouvés. La saisie des paquets pose elle-même problème. On doit attendre 2 mois pour l’expédier à qui de droit alors qu’il y a souvent urgence», commente un acteur de la messagerie qui a préféré abandonner le secteur du e-commerce, les contraintes étant lourdes.
Les multinationales qui opèrent dans le secteur à l’échelle internationale ne sont pas épargnées par les amendes visant les colis en question. «Fedex, UPS et DHL doivent reverser à la Poste une redevance de 2 dollars, soit environ 17 dirhams sur les paquets de moins d’un kilo arrivés à l’aéroport et acheminés vers d’autres villes du Royaume», explique cet opérateur.
Les opérateurs dénoncent le niveau élevé du prix des services de la Poste
Pour sa part, le secteur du e-commerce s’organise à sa manière. Chez Jumia, qui a une flotte en propre pour servir ses clients dans les grandes villes, les colis de plus d’un kilo sont envoyés via des opérateurs tels que Aramex ou CTM messagerie dans les villes où l’opérateur n’est pas présent.
«Dans les villes où nous sommes présents, en l’occurrence Casablanca, Rabat, Kénitra, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir, Oujda, Laâyoune, Dakhla et Meknès, nous livrons nos clients par nos propres moyens. A titre d’exemple, l’envoi d’un colis sur Casablanca coûte au client 20 DH à l’intérieur de Casablanca et entre 25 et 30 DH en dehors. Par contre, la Poste facture l’expédition d’un colis dont le poids est inférieur à un kilo à l’intérieur de Casablanca à 50 DH. Ce qui me semble très cher», explique M. Belghiti. La volonté de l’association Maroc Digital est de faire appel à de nouveaux opérateurs pour avoir accès à des services de qualité à des tarifs plus compétitifs, «ce qui permettra d’améliorer la qualité de traitement des colis et leur traçabilité», déclare M. Belghiti.
Pour sa part, Barid Al Maghrib dit avoir mis en place un dispositif spécial pour le e-commerce. Cela inclut, entre autres, le tracking des envois en ligne en temps réel à travers son site web, le suivi quotidien du sort des envois et un traitement personnalisé pour le client final par le biais d’appels et de SMS. Par ailleurs, des projets sont en cours pour améliorer les services de paiement tels que l’utilisation de PDA par les facteurs, le développement de nouvelles offres de paiement tels que Barid Bank Mobile, cartes prépayées…
Poste Maroc semble attachée à améliorer ses services dans le e-commerce où elle se place comme acteur majeur et veut s’imposer comme un opérateur aux services irréprochables. C’est loin d’être une solution pour les acteurs du e-commerce qui veulent en finir avec le monopole de Barid Al Maghrib sur les colis de moins d’un kilo par l’amendement de la loi. En attendant, le secteur croît de manière exponentielle, ce qui aiguise les appétits de tout un chacun.
