Affaires
Doing Business : le Maroc dans le top 50 dès la prochaine édition ?
Le Royaume est encore pénalisé par le règlement de l’insolvabilité et l’obtention de prêts. Les textes réglementaires devant rectifier le tir devraient être déposés au Parlement d’ici la fin de l’année.
Le constat saute aux yeux à la lecture du rapport Doing Business 2018. Deux grands points noirs continuent de pénaliser le Maroc dans le classement de la Banque Mondiale : le règlement de l’insolvabilité et l’obtention de prêts. Sur le premier critère, le Royaume se classe 134e (sur 190 économies évaluées), bien en dessous du 69e rang décroché tous indicateurs confondus. Sur la facilité du crédit, l’on se doit de se contenter de la 105e position.
Lorsqu’on examine le détail des sous-indicateurs qui ont mené à ces classements, l’on prend encore mieux la mesure du retard cumulé par le Maroc sur ces plans. Il en ressort par exemple qu’au moment où les créanciers parviennent à recouvrer près des trois quarts de ce qui leur est dû par des entreprises insolvables au sein des économies avancées de l’OCDE, le rapport s’inverse au Maroc où l’on ne récupère qu’un peu plus du quart de l’ardoise. Ne tentons même pas la comparaison avec l’économie la plus performante en la matière, à savoir la Norvège où les entreprises insolvables épongent plus de 93% de leur dette. Aussi, avec 3,5 ans nécessaires en moyenne pour accomplir la procédure d’insolvabilité, le Maroc figure comme mauvais élève même dans la région Mena où le délai moyen est contenu à 3 ans, sans parler des pays les plus performants où la démarche est ficelée en moins de 6 mois. Le coût de la procédure n’arrange pas la situation : il représente en moyenne 18% du patrimoine de l’entreprise insolvable, soit le double de ce qui est constaté au niveau des pays à haut revenu.
Toutes ces lacunes pourraient résulter du cadre réglementaire national relatif au traitement de l’insolvabilité qui est justement très mal noté par le Doing Business avec un modeste 6 sur 16. Côté obtention des prêts aussi c’est surtout la loi applicable en matière de garanties qui enfonce le Maroc, celle-ci n’ayant pu décrocher qu’un maigre 2 sur 12.
Des réformes sur la table depuis des années…
Mais ce pourrait bien être la dernière édition du Doing Business où le Royaume est pénalisé par ces deux critères. Des réformes pour mettre à niveau précisément ces deux lois problématiques sont toutes prêtes d’aboutir. L’on aurait pu espérer que le Maroc améliore son classement depuis quelques éditions déjà, étant donné que ces réformes sont sur la table depuis quelque temps. Un projet d’amendement du livre V du code de commerce relatif aux difficultés de l’entreprise a été formulé dès 2009 et une loi portant réforme du droit des sûretés mobilières a été élaborée depuis début 2016. Mais le Comité national de l’environnement des affaires (CNEA), chargé d’implémenter toutes les réformes nécessaires pour améliorer la position du Maroc dans le classement de la Banque Mondiale, justifie tout à fait le temps pris par le processus. «Nonobstant la lourdeur de ces textes, ils sont élaborés selon une démarche participative, qui prend nécessairement du temps. Les différentes parties prenantes ont été impliquées dès la construction de l’ossature des projets de loi, et l’on a veillé continuellement à rapprocher les points de vue des uns et des autres. Qui plus est, l’on a effectué un benchmark international pour s’inspirer des meilleures pratiques», détaille-t-on auprès du CNEA.
L’essentiel est que le travail de fond est aujourd’hui accompli et il ne reste plus qu’à faire adopter les nouveaux cadres. Ainsi, l’amendement du Livre V du Code de commerce a été déposé il y a quelques jours au niveau du SGG et il devrait ensuite être présenté en conseil de gouvernement début décembre pour entamer le circuit final d’adoption par le Parlement. Et l’on espère que la loi sur les sûretés mobilières lui emboîte le pas à une ou deux semaines d’intervalle, sachant que ce cadre en est aux ultimes concertations entre les ministères des finances et de la justice, apprend-on auprès de ce dernier département. Les membres du CNEA recommandent pour la suite que les deux projets bénéficient d’un mode d’adoption accéléré au niveau du Parlement, la question étant d’intérêt national. «Le temps nous est compté si l’on veut que ces réformes impactent le classement du Maroc dès la prochaine édition du Doing Business», insiste-t-on auprès du CNEA.
La concurrence entre pays est rude
Selon les simulations du comité, en implémentant les deux réformes réglementaires le Maroc pourrait se retrouver dans le top 50 dès la prochaine livraison du classement. Et ce, dans l’hypothèse où rien ne change par ailleurs. Car il faut comprendre que le classement du Maroc est aussi tributaire des avancées réalisées par les autres pays évalués. Et il faut dire que la concurrence devient rude à mesure que l’on s’élève dans le classement. «Même les pays qui occupent les premières positions depuis des années continuent de bétonner leurs dossiers à chaque édition pour conserver leurs rangs. Pour tout juste maintenir notre position dans l’édition 2018 nous avons dû justifier de nombreuses réformes. Si l’on n’avait rien à présenter on aurait facilement régresser de 15 ou 20 positions», justifie un membre du CNEA. De fait, pour renforcer les chances de progression du Maroc, en plus des réformes réglementaires en cours, le comité a inscrit dans ses priorités pour l’année prochaine un ensemble d’ajustements relatifs à la création d’entreprise, le transfert de propriété, les autorisations de construire… L’amélioration est un processus sans fin.