Affaires
Documents, autorisations, permis : ce qui changera dans les règles d’urbanisme
Le ministère va proposer un ensemble de lois modificatives de la législation existante avant la fin de l’année. Les réformes viseront en priorité les procédures d’octroi de permis et l’élaboration des documents d’urbanisme. Nouveautés : plateforme électronique pour les permis et autorisations, brigade spéciale pour lutter contre les infractions, traitement de faveur pour les projets d’intérêt national…
Serait-ce le bout du tunnel pour la réforme du code de l’urbanisme ? Le texte, pourtant fondamental pour le secteur, est bloqué dans le circuit d’approbation depuis bientôt 6 ans. La raison en est que le projet est volumineux puisqu’il compte 570 articles et devrait remplacer des textes existants, ce qui représente une charge de travail insurmontable pour les élus. Conscient de la difficulté à faire passer un tel texte, le ministère de l’habitat avait décidé en 2010 de le saucissonner en plusieurs lois pour le faire adopter plus rapidement. Mais le processus risquait de prendre davantage de temps depuis le changement du gouvernement, car tous les textes versés précédemment dans le circuit d’approbation se devaient d’être retirés pour être redéposés. Au lieu de cela, le ministère a décidé depuis peu de changer de démarche pour introduire ses réformes. Plutôt que de faire adopter tout un nouveau code, la tutelle veut parfaire l’existant. C’est dans ce sens que plusieurs articles des deux principaux textes régissant actuellement l’urbanisme, à savoir les lois 12-90 et 25-90, seront modifiés ponctuellement. «Cette démarche s’aligne sur les meilleures pratiques internationales et elle permettra une adoption accélérée puisque l’on reste en terrain connu», pense-t-on au niveau de l’Habitat. Cela dit, il est toujours question d’introduire de nouvelles lois pour réglementer des aspects non traités par les textes actuels. Celles-ci, tout autant que les modifications à apporter à l’existant, devront en fin de parcours constituer le nouveau code.
Pour l’heure, l’Habitat a déjà dressé une liste de nouveautés prioritaires qui seront soumises pour approbation d’ici la fin de l’année -la tutelle s’y engage. S’agissant d’un domaine complexe, l’objectif n’est-il pas trop ambitieux ? «On ne part pas d’un niveau zéro car toutes les réformes envisagées ont bien été cernées lors de l’élaboration du projet de code de l’urbanisme», rétorque-t-on à la tutelle.
L’autorisation de construire sera délivrée sur la base d’une simple déclaration de l’architecte
Les réformes prioritaires ont été fixées en fonction des besoins les plus urgents selon l’Habitat, soit, d’une part, améliorer le climat des affaires et le service au citoyen, et, d’autre part, mettre sur les rails la nouvelle politique de la ville dévoilée récemment. L’on ne s’étonnera pas dès lors de trouver en tête des chantiers lancés l’amélioration du dispositif des autorisations et des permis en matière d’urbanisme.
Sur ce volet, une première révolution consiste en l’introduction à moyen terme de l’autorisation de construire sur la foi d’une simple déclaration de l’architecte. Autrement dit, l’idée est de se passer de la commission dédiée à l’étude des demandes, ce qui devrait considérablement alléger la procédure d’octroi des autorisations de construire. Pour ce faire, l’Habitat est en train de finaliser en interne une loi modificative du texte 12-90 qui sera soumise pour avis dans les prochains jours auprès des agences urbaines, pour ensuite être proposée pour approbation d’ici la fin de l’année. Mais, précision importante, une telle disposition ne concernera que les projets disposant de cahiers des charges préalablement validés. Pour ces mêmes projets et pour pousser la logique plus loin, en aval, il est proposé de délivrer le permis d’habiter sur la base de l’attestation de fin des travaux de l’architecte. Là encore, la démarche permettra de faire l’économie du recours à une commission.
Dans l’ensemble, cette nouvelle manière de faire fluidifiera la procédure et responsabilisera les architectes. «Elle permettra surtout à l’Etat de se concentrer sur son rôle premier de contrôle», insiste-t-on au niveau de l’Habitat. Signalons sur ce dernier volet qu’un texte modificatif des lois 12-90 et 25-90, déposé il y a un mois auprès du Secrétariat général du gouvernement (SGG), prévoit la mise en place d’une brigade spéciale de contrôle des infractions en matière d’urbanisme. Pourquoi un niveau de contrôle supplémentaire, sachant que des unités sont déjà déployées par les agences urbaines, les collectivités ou encore les wilayas ? Selon la nouvelle loi, la brigade spéciale est placée directement sous la tutelle des gouverneurs et est en contact direct avec le procureur, «ce qui permettra de réagir très rapidement aux infractions», soutient-on au département de tutelle.
Les frais d’obtention des autorisations pourront être payés en ligne
L’autre révolution qui se prépare en matière d’autorisations et de permis concerne la mise en place d’une plateforme en ligne qui permettra de dématérialiser toutes les procédures liées aux constructions, lotissements, morcellements ou encore aux permis d’habiter et aux réceptions. Concrètement, les intervenants dans l’acte de construire pourront déposer et instruire leurs dossiers et se verront remettre des autorisations sur une plateforme électronique commune entre l’agence urbaine, la province et la commune. Il sera même possible de faire tous les paiements correspondant à ces prestations de manière électronique. La mise en place de tout ce dispositif reste tributaire de l’adoption du décret relatif à la signature électronique mais, techniquement, la solution est déjà au point. «La plateforme a été finalisée il y a 4 mois, et une expérience pilote devrait être lancée en octobre prochain», dévoile-t-on à la direction de l’urbanisme.
Pour clore le volet des autorisations et permis, l’Habitat devrait soumettre pour approbation dans les prochains jours un décret établissant un règlement général de construction. Le texte récapitule l’ensemble des formalités administratives entourant les demandes de permis et d’autorisations. Celles-ci sont en fait déjà précisées par une circulaire. Mais n’ayant pas force de loi, cette circulaire peut facilement être contestée, ce à quoi remédie donc sa formalisation sous forme de décret.
L’autre grand volet de réformes prioritaires prévues par l’Habitat porte sur les documents d’urbanisme. La plus importante nouveauté concerne la modification de la loi 12-90 pour renforcer la possibilité de modifier partiellement les documents d’urbanisme. Car jusqu’à présent, bien que la loi offre cette possibilité, les schémas et plans d’aménagement ne sont jamais modifiés jusqu’à leur renouvellement intégral au terme de leur échéance. Plutôt que de modifier partiellement les plans, la voie largement favorisée à l’heure actuelle reste les dérogations qui sont quasiment devenues la règle au niveau de plusieurs grandes villes. L’Habitat espère que cette exception sera nettement moins sollicitée avec les révisions de la loi qui seront proposées d’ici la fin de l’année, étant à préciser que deux niveaux de modification des documents d’urbanisme sont prévus : les adaptations mineures (moins importantes) et les révisions simplifiées. Toujours au chapitre de la réalisation des documents d’urbanisme, l’Habitat a allégé leur procédure d’élaboration qui passe de six à trois phases, en plus d’autres aménagements de la méthodologie de travail qui devraient pleinement entrer en vigueur d’ici la fin de l’année.
Enfin, des modifications touchant directement le contenu des documents d’urbanisme devraient entrer en vigueur à court et moyen terme. Il est question de donner plus de souplesse aux concepteurs des documents d’urbanisme. En premier lieu, les modèles d’occupation classique du sol (zone villa, zone logement économique…) ne s’imposeront plus à ces derniers et ils auront la possibilité de proposer des aménagements plus libres à condition de respecter les contraintes de densités de population prévues pour chaque zone. En second lieu, la programmation des équipements publics obéira à moins de contraintes. D’une part, elle se fera selon le besoin et non en fonction de la seule grille normative en la matière. D’autre part, la surface de ces équipements sera modulable en fonction des possibilités foncières de chaque zone.
Ces nouvelles possibilités devraient être intégrées dans la conception des documents d’urbanisme avant la fin de l’année, dès que la direction de l’urbanisme aura finalisé ses diagnostics pour pouvoir mettre en place les nouvelles démarches.