Affaires
Digitalisation de l’administration : sur les 453 services en ligne, 23% sont complètement dématérialisés…
Depuis 2013, plusieurs services sont aujourd’hui digitalisés. Une étude d’évaluation a été menée auprès de 87 administrations. Elle révèle une faible maturité de la digitalisation et conclut à l’existence de dysfonctionnements empêchant une dématérialisation totale.

La digitalisation des services publics, pierre angulaire de la réforme de l’administration, est aujourd’hui bien avancée, selon le ministère de l’administration publique et de la réforme de la fonction publique. En effet, le Maroc a réalisé, depuis 2013, dans le cadre du programme de la modernisation de l’administration publique, un grand progrès technologique marqué par la dématérialisation des flux financiers et des services gouvernementaux. Plusieurs services en ligne sont aujourd’hui opérationnels, notamment le règlement des factures, le paiement de la vignette automobile, l’inscription au permis de conduire, la demande de la carte d’identité nationale, du passeport, du casier judiciaire et même le dépôt de réclamations. Soit des solutions développées par l’administration électronique qui s’adapte de plus en plus aux besoins et attentes des citoyens. Cependant, en dépit de cette évolution significative de la digitalisation de l’administration, la réforme présente des défaillances que la tutelle entend dépasser. Parmi les insuffisances, on retiendra essentiellement le manque d’une définition claire du service électronique prenant en considération le résultat final souhaité par l’usager, le manque de distinction entre les services d’information et les services «démarche» ou transactionnels qui sont les plus importants dans la transformation électronique et, enfin, l’absence de la notion du «parcours de l’usager» permettant de tracer les étapes nécessaires à effectuer pour l’obtention du résultat final souhaité du service.
Ce qui revient à dire, est-il précisé au ministère de l’administration publique et de la réforme de la fonction publique, que «l’évolution de la digitalisation de l’administration n’a pas eu forcément un impact positif ressenti dans le vécu des usagers, citoyens et professionnels, notamment au niveau des services nécessitant d’accomplir une démarche auprès d’une ou plusieurs administrations».
Face à ce constat, le ministère vient de finaliser une étude d’évaluation du degré de maturité électronique des services. Ce travail a été mené via une enquête auprès de 87 administrations incluant 34 départements ministériels et hauts commissariats et 53 établissements publics. Par ailleurs au niveau technique, cette étude a nécessité, préalablement, l’élaboration d’un référentiel des services, puis la conception d’un modèle d’évaluation de leur maturité électronique. Celle-ci est mesurée à travers l’utilisation d’un score «E-Readiness» qui permet d’évaluer la maturité des services à partir d’une grille d’évaluation adaptée selon 4 niveaux à savoir : le «Niveau 1» concernant l’information seulement, le «Niveau 2» touchant l’interaction, le «Niveau 3» relatif à la dématérialisation partielle et enfin le «Niveau 4» pour la dématérialisation complète.
46% des services électroniques sont des services d’information seulement…
Les services électroniques évalués sont les services de nature «Démarche». Cette étude a ainsi permis de recueillir 453 services électroniques de nature «Démarche» auprès des 87 administrations touchées par l’enquête. La répartition par type d’administration laisse apparaître que 260 services relèvent des départements ministériels et Hauts commissariats avec une moyenne de 7,4 services par administration et 93 services au niveau des établissements et entreprises publics avec une moyenne de 3,7 services par administration. Par ailleurs, la répartition selon la classe du service permet de retenir que 79% des services électroniques sont des services de base, 13% sont des services complémentaires et 8% sont des services associés. Classés selon la population cible, 45% des services électroniques sont destinés aux citoyens uniquement, 40% sont destinés aux professionnels seulement et 15% sont destinés à une population diversifiée, notamment les citoyens, les professionnels et les administrations. Enfin, la répartition des services électroniques selon le type de dépendance démontre que 48% des services électroniques sont indépendants, c’est-à-dire qu’ils nécessitent l’interaction avec une seule administration, 42% sont dépendants de l’extérieur nécessitant l’interaction avec au moins deux administrations, 8% sont dépendants de l’intérieur nécessitant l’interaction avec des institutions dépendantes de la même administration et 2% seulement des services sont dépendants de l’intérieur et de l’extérieur.
Les conclusions de l’étude d’évaluation révèlent que le niveau de maturité est insuffisant. En effet, sur les 453 services en ligne uniquement 23% sont dématérialisés complètement. Mais là encore, on notera que le parcours de l’usager n’est pas aussi fluide et simple que le laisse supposer la digitalisation dont l’objectif, faut-il le rappeler, est d’alléger les procédures. Ainsi, l’étude laisse apparaître que ce parcours est marqué par le nombre d’administrations liées, le nombre d’étapes à effectuer et le nombre d’inputs nécessitant une demande. Globalement, les services dépendants de l’extérieur nécessitent en moyenne l’interaction entre 3 administrations. L’usager doit réaliser en moyenne 4,8 étapes. La maturité électronique permet de réduire le nombre d’étapes mais uniquement lorsqu’il s’agit de la dématérialisation complète. En effet, la dématérialisation partielle des services n’a pratiquement, conclut l’étude, aucun impact sur le parcours de l’usager. Souvent celui-ci doit fournir diverses pièces, notamment des copies certifiées conformes, la légalisation de signature, le certificat de résidence, le certificat de vie, l’extrait d’acte de naissance, la fiche anthropométrique, le casier judiciaire, le registre de commerce ou encore diverses attestations fiscales et de la CNSS pour les professionnels.
L’étude d’évaluation de la maturité des services électroniques ne s’est pas arrêtée à l’énumération des insuffisances. Ainsi, des recommandations ont été faites, visant la simplification du parcours de l’usager, tout projet de dématérialisation doit commencer par une réingénierie des processus. Etape essentielle pour éviter la reproduction de la procédure administrative physique sur des modules électroniques séparés qui ne permettent pas de simplifier le parcours de l’usager. Dans un deuxième temps, les administrations doivent privilégier la dématérialisation complète des services, elles doivent aussi publier toutes les informations liées à leurs démarches sur les canaux électroniques avec description des étapes et du délai de traitement. Il est aussi nécessaire d’activer le partage et l’échange des données entre administrations. Cette action est indispensable pour la dématérialisation complète des services. Tout cela doit être juridiquement encadré.
Un projet de loi est actuellement au Secrétariat général du gouvernement. Il contient des dispositions relatives à l’opposabilité des données, à l’interaction des administrations, à la mise en place d’un identifiant digital du citoyen etc…
