SUIVEZ-NOUS

Affaires

Dialogue social : le ras-le-bol de la CGEM

Les syndicats refusent de discuter de la réforme du Code du travail et imposent la création d’une commission «amélioration des salaires»
Le patronat quitte les deux commissions les plus importantes
Le dialogue social est gelé.

Publié le


Mis à jour le

rub 12379

C’est un véritable blocage que risque de connaître le deuxième round du dialogue social, entamé le 16 octobre. La cause ? Le ras-le-bol du patronat qui se heurte au refus des syndicats de discuter de la réforme du Code du travail et de la réglementation de la grève, inscrit dans la Constitution depuis 46 ans et qui n’a toujours pas vu le jour. Le patronat qui se voit également imposer une commission dédiée à «l’amélioration des salaires», alors même qu’il a dû consentir – c’est une obligation réglementaire – une hausse du Smig de 10% (certes en deux temps) depuis le mois de juillet dernier. Résultat : aux quatre commissions fixées par le Premier ministre pour cette session s’en est ajoutée une cinquième, et la CGEM vient de prendre officiellement la décision de se retirer de deux d’entre elles, dont la plus importante – ce qui risque de vider le dialogue social de tout son sens – est celle des libertés syndicales et de la législation du travail. Mardi 2 décembre, à l’issue du conseil d’administration, qui s’est tenu au club nautique de Rabat, le constat établi après l’exposé d’Abdelmjid Tazlaoui, président de la commission sociale et négociateur en chef au titre du dialogue social, était plutôt amer. Certes, au sein de la CGEM, on refuse d’entrer dans une polémique publique, mais l’irritation est palpable.

Le premier round du dialogue victime de la conjoncture économique
Pour bien comprendre la tournure prise par les événements, il faut remonter au mois de février 2008. Installé aux commandes du gouvernement depuis 4 mois, le Premier ministre Abbas El Fassi décide d’entamer des rencontres avec patrons et syndicats en vue d’une reprise du dialogue social. La CGEM sera reçue en premier. Elle reviendra à la charge concernant le Code du travail. Il faut dire que les entreprises qui appliquent l’intégralité des dispositions du texte – pourtant réformé dès 2004 – constituent seulement 20% à 30% du tissu économique organisé, selon les estimations faites par les syndicats ou l’administration. Un problème d’applicabilité de certaines dispositions, selon le patronat, une tentative des employeurs d’échapper à leurs obligations, selon les syndicats. Il faut dire que, déjà, un an auparavant, la CGEM avait soumis quelque 67 propositions d’amendements à Driss Jettou, le prédécesseur de Abbas El Fassi, portant notamment sur les aspects «techniques» relatifs aux indemnités de licenciement, à la médecine du travail, aux remplacements des départs à la retraite, à la durée du travail et au droit de grève, notamment (voir encadré). Au cours de ce mois de février 2008, la CGEM avait donc insisté pour une prise en compte de ses propositions d’amendements, et les syndicats avaient fait de même en appelant à l’application du code, sachant que, quelques mois auparavant, le ministère de l’emploi, sous la pression de ces mêmes syndicats, avait lancé une campagne de sensibilisation en ce sens en direction des entreprises.

D’emblée, les syndicats opposent un refus à la réglementation du droit de grève
La conjoncture aura eu le dernier mot. Le mois d’avril qui a suivi, rythmé par les réunions du premier round du dialogue social, fut également celui d’une détérioration du pouvoir d’achat, générée par la hausse des prix des produits alimentaires et du carburant. Ne voulant pas sacrifier sa popularité en début de mandat, le gouvernement exigea et obtint du patronat une hausse du Smig de 10%, par ailleurs justifiée. Pour ne pas provoquer la grogne des patrons, il les programma en deux temps : 5% à partir de début juillet, et le reste pour janvier 2009. La réforme du Code du travail ou son application ? Le droit de grève ? Il fut convenu que l’on en parlerait à la rentrée…
C’est donc avec un passif difficile à gérer que Abbas El Fassi déclara ouvert, le 13 octobre dernier, le deuxième round du dialogue social, fixant un ordre du jour axé sur l’indemnité pour perte d’emploi (IPE), les libertés syndicales et le droit de grève, et appelant syndicats et patronat à enrichir le débat en faisant des propositions. Trois jours plus tard, Jamal Rhmani, ministre de l’emploi, ayant pris les choses en main, les réunions démarrèrent avec un ordre du jour réparti entre quatre commissions. Celle des libertés syndicales et de la législation devait notamment traiter des freins à la pratique de l’exercice syndical, examiner le Code du travail et se pencher sur le droit de grève. La deuxième, celle de la protection sociale, avait en charge le dossier de l’IPE, ainsi que la question de l’Amo et des régimes de retraite. Les troisième et quatrième, elles, devaient traiter de la question des conflits collectifs ainsi que des élections des délégués syndicaux, prévues en 2009.
Surprise, d’emblée, les syndicats ont refusé de discuter de la réforme du Code du travail, l’une des principales revendications du patronat, tout comme ils sont restés sur leurs positions de refus quant à la réglementation de la grève. Les choses allaient s’envenimer quand le ministère de l’emploi est revenu à la charge en mettant en place une cinquième commission baptisée «amélioration des revenus». L’irritation des patrons atteignit son comble quand la partie adverse insista, dans le cadre de la commission de la protection sociale, sur l’extension de l’assurance maladie obligatoire aux soins ambulatoires. A partir de là, la mésentente s’installa rapidement et le deuxième round fut pratiquement gelé à la suite du retrait du patronat des deux commissions les plus importantes. La première fois, le 3 novembre, quand elle a informé le ministre de l’emploi qu’elle ne se joindrait plus au travaux de la commission liberté syndicale et législation, la seconde fois, 20 jours plus tard pour informer le même ministre à propos de sa position quand à la création d’une commission sur les salaires.
Si, à la CGEM, aucune voix autorisée – pas même son président, qui a opposé un no comment à nos questions – n’a voulu s’exprimer de manière officielle, les avis de plusieurs membres du bureau recueillis par La Vie éco convergent vers un constat : le gouvernement a, encore une fois, cédé à la pression des syndicats. Selon un patron, «la CGEM a bien voulu jouer le jeu en avril concernant la hausse des salaires, en prenant en compte la conjoncture, mais, en retour, aucune avancée n’a été réalisée sur le reste. Au contraire, on nous demande plus de salaires et plus de charges sociales à l’heure où nous sommes affaiblis par un ralentissement de l’économie». Pour un autre chef d’entreprise, qui craint sans doute que la position du patronat ne soit mal comprise, «il ne s’agit pas de refuser une Amo plus complète ou une indemnité pour perte d’emploi, mais le fait est que les entreprises subissent déjà une pression équivalant à 24% des salaires en charges sociales. Une Amo plus généreuse voudrait dire plus de cotisations, tout comme une IPE».
En fait, le message que les patrons tentent de faire passer est celui d’un package clair comprenant l’ensemble des prestations sociales, et dont le taux global serait stable pour quelques années. L’un d’entre eux finit par lâcher, excédé : «Un jour c’est l’Amo, un autre c’est la hausse des salaires et un autre c’est l’IPE, et tout cela avec des partenaires qui ne sont pas d’accord entre eux et des réunions à 50 personnes. Comment voulez-vous avancer ?». A la CGEM, on affirme ne pas fermer la porte, mais…

Com’ese

Previous Next