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Affaires

Dialogue social : le gouvernement fait des concessions, mais refuse les augmentations de salaires

Il accepte de discuter la promotion exceptionnelle mais dans le cadre de la réforme du système d’avancement.
Le principe de l’amélioration des pensions RCAR sera également négocié.
L’indemnité d’éloignement augmentée mais limitée à  la Santé et l’Education.

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C’est à pas de loup que le gouvernement et les quatre organisations syndicales (l’UMT, la FDT, l’UGTM et l’UNMT) signataires de la feuille de route fixant l’ordre du jour des discussions dans le cadre du dialogue social, poursuivent leurs rencontres. La méfiance traditionnelle des uns vis-à-vis des autres semble monter d’un cran, en cette conjoncture marquée par les préparatifs pour les élections professionnelles de la mi-mai, sur fond de morosité économique et sociale.
La dernière rencontre, celle du lundi 27 avril, n’a pas fait exception à celles qui l’ont précédée. Sur deux points, cependant, le gouvernement semble avoir quelque peu cédé.
Il a finalement accepté, après s’y être longtemps refusé, de discuter de deux dossiers, mais selon sa vision à lui : d’une part, la promotion exceptionnelle, mais seulement dans le cadre de la discussion générale sur la refonte du système d’avancement dans la fonction publique ; d’autre part, l’amélioration sur quelques points du régime de retraite RCAR, qu’il a jusque-là renvoyé aux discussions dans le cadre des commissions créées pour réfléchir à la réforme du système des retraites.
Pour le reste, c’est-à-dire ce qui est essentiel aux yeux des syndicats, c’est encore le statu quo.  «Le gouvernement refuse toujours de discuter de deux points importants pour nous, à savoir l’amélioration des revenus, dans le public comme dans le privé, et le règlement de manière définitive du dossier de la promotion exceptionnelle que nous traînons depuis 2003», déclare dépitée Khadija Rhamiri, secrétaire générale UMT Rabat et conseillère à la deuxième Chambre. Face à l’argument du gouvernement selon qui la promotion exceptionnelle, s’il devait la réaliser, lui coûterait 15 milliards DH par an, «alors que l’heure est à la création d’emplois, voire à leur sauvegarde tout court», Mme Rhamiri met en avant deux contre-arguments. D’une part, elle dit ne pas comprendre d’où est sorti ce chiffre de 15 milliards de DH, de la même manière d’ailleurs qu’elle s’interroge sur les calculs qui ont été faits pour aboutir aux 16 milliards de DH que le gouvernement avance au titre de l’amélioration du niveau de vie des salariés.

La suppression des échelles 1 à 4 étalée sur quatre ans
Un autre syndicaliste s’étonne que le gouvernement invoque les conséquences de la crise internationale sur certains secteurs d’activité pour refuser toute discussion sur la hausse des salaires, «alors même que beaucoup a été fait au profit de ces secteurs que l’on dit en difficulté». Et  notre source d’énumérer la possibilité donnée aux chefs d’entreprises de réduire jusqu’à 60 % du salaire et 5 % de l’effectif des travailleurs ainsi que la disponibilité de l’Etat à prendre en charge les cotisations sociales. «Que l’on veuille aider les entreprises en difficulté, cela se comprend;  mais pourquoi pas également les salariés !», s’exclame-t-il.
Autre sujet de divergence, le délai de suppression des échelles 1 à 4 dans la fonction publique. On croyait la question réglée, il n’en est rien apparemment. Lors de la dernière réunion du dialogue social, raconte Mme Rhamiri, le gouvernement a présenté à ses interlocuteurs un décret concrétisant la suppression des échelles 1 à 4 «mais sur quatre ans, alors que n’avons cessé de réclamer que cela se fasse en deux ans». Idem pour l’indemnité relative aux emplois dans les zones éloignées et déshéritées. «Nous, nous demandons que ces indemnités concernent tous les secteurs, et pas seulement l’éducation et la santé comme le veut le gouvernement», explique Abdallah Ballaghe, membre du bureau central de la FDT. Au départ, c’est-à-dire au moment de la naissance de ce projet, il avait été question, en effet, que la mesure bénéficie à tous. Finalement, après la mise en place des critères définissant ce qu’est une zone éloignée et difficile, seuls les fonctionnaires de l’éducation et de la santé se trouvent être éligibles à la mesure, nous expliquait, il y a quelques semaines (voir La Vie éco du 27 février 2009), un responsable au ministère de la modernisation des secteurs publics (MMSP). C’est d’ailleurs pour cette raison que le montant de cette indemnité, évaluée au départ à près de 600 DH (sur la base d’une estimation d’un effectif de 60 000 personnes concernées), monte à plus de 850 DH; sachant que l’enveloppe budgétée à cet effet est de 350 MDH.

Un 1er Mai de «protestation»
Mais ce qui braque le plus les syndicalistes, c’est surtout «les violations répétées des libertés syndicales et l’iniquité de certaines décisions de justice», selon Mme Rhamiri. Sur les libertés syndicales, la conseillère UMT rappelle que le Maroc n’a toujours pas signé la convention 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT), relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, ni abrogé l’article 288 du Code pénal (qui punit de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement toute tentative d’empêcher la liberté de travail). Le ministre de l’emploi, Jamal Rhmani, assure, lui, que ces deux points sont sur la table des négociations.
A propos des décisions de justice, Khadija Rhamiri rapporte le cas de cette société de textile qui a fermé voici cinq ans. La justice a rendu une décision en faveur des travailleurs «mais dans le même temps, elle a permis à l’employeur de payer les déjà maigres indemnités sur dix ans ! Si cela n’est pas une injustice, alors c’est quoi», s’étrangle la parlementaire UMT.
Pour autant, les fils du dialogue ne sont pas rompus. Les syndicats promettent, certes, de faire ce vendredi «un 1er Mai de protestation», mais quelques jours après, le 6 mai exactement, ils se retrouveront autour de la table pour poursuivre les discussions.