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Deux ans après son lancement, le crédit immobilier sur 40 ans ne prend pas
La durée trop longue qui induit un niveau élevé des intérêts cumulés décourage les clients. Ils sont davantage séduits par les crédits immobiliers dont la maturité varie entre 18 et 25 ans. Les banques communiquent peu sur le produit et certaines d’entre elles l’ont déjà abandonné.

Deux ans après son lancement en grande pompe, le crédit immobilier remboursable sur 40 ans ne fait pas l’unanimité chez les banquiers. Très peu d’entre eux le proposent spontanément à leurs clients. Et ces derniers ne se bousculent pas au portillon non plus. Pourquoi ce crédit n’est-il pas demandé ? Et pour quelles raisons les banquiers ont-ils plutôt tendance à le déconseiller à leurs clients ? Signalons d’abord que toutes les banques qui proposent ce type de financement (Attijariwafa bank, BMCE, BMCI notamment) ont affirmé «ne pas disposer de statistiques concernant ce crédit».
Curieux ! Il n’empêche, la majeure partie des banquiers contactés par La Vie éco soutient que ce type de financement est une «aberration».
C’est le cas notamment de ce jeune chef d’agence chez BMCE Bank :«Ce type de crédit coûte très cher pour le client. Je pense qu’en matière de financement de longue durée, c’est la maturité à 25 ans qui remporte le premier prix.
C’est d’ailleurs ce que je propose à mes clients qui veulent contracter un crédit logement». Simulation à l’appui, le jeune banquier explique que si le client contracte un crédit de 360 000 DH payable sur 25 ans (c’est généralement le montant et la durée réclamés par les clients percevant un salaire variant entre 5 000 et 7 000 DH), la traite avoisinera les 2 165 DH par mois sur la base d’un taux variable de 5,07 %. Sur 40 ans, et pour la même traite, le montant du prêt augmentera pour atteindre 431 846 DH. Soit à peine 71 000 DH de plus que le crédit à 25 ans.
Par conséquent, si le client opte pour la deuxième formule, il se retrouvera à payer 2 165 DH par mois durant 15 ans pour rembourser 71 000 DH, sachant que le taux variable pour cette formule est actuellement de 5,5%. «C’est tout simplement inacceptable pour lui», explique ce chef d’agence.
Un autre chef d’agence, chez Wafa Immobilier, utilise d’autres arguments mais abonde néanmoins dans le même sens. «La formule Miftah Achabab (ndlr, appellation commerciale de ce type de crédit à Attijariwafa Bank) n’est pas assez commercialisée. Je pense que les clients font un blocage psychologique lorsque le crédit dépasse 25 ans. La cherté du taux d’intérêt et la longue durée d’engagement constituent les principaux freins au développement de cette formule», explique-t-il. Selon lui, ce sont les crédits immobiliers dont la maturité varie entre 18 et 25 ans qui séduisent davantage sa clientèle.
La durée moyenne des crédits immobiliers est de 18 ans
Une enquête réalisée par Bank Al Maghrib sur les crédits immobiliers en 2007 indique que les banques ont continué à allonger la durée des crédits à l’habitat. D’ailleurs, la durée moyenne a atteint 18 ans. «Cependant, elle reste inférieure à celle constatée dans plusieurs pays développés. A titre d’exemple, la maturité moyenne des crédits à l’habitat au Danemark, aux Pays-Bas et en Allemagne est supérieure de 66% à celle observée au Maroc en 2006, soit 30 ans», peut-on lire dans l’enquête.
Mieux encore, les crédits dont la maturité varie entre 10 et 20 ans représentaient 58% de l’ensemble des crédits alloués en 2005. Deux ans après, ils ont perdu plus de 10 points pour ne représenter que 47% des crédits accordés. En revanche, les financements dont la durée de remboursement dépasse 20 ans sont passés de 17% en 2005 à 39% en 2007.
S’il ne fonctionne pas à la perfection dans les deux établissements qui l’ont lancé (Attijariwafa bank et BMCE Bank), dans d’autres établissements bancaires, le crédit immobilier à 40 ans a tout simplement été délaissé. C’est le cas notamment de la Banque Centrale Populaire (BCP) qui a abandonné cette formule après l’avoir proposée durant quelques mois à ses clients. «Nous n’avons reçu aucune demande sérieuse concernant cette formule. Il n’y a donc pas eu de mise en application réelle», murmure-t-on auprès de la communication de la BCP.
Les banquiers divisés sur l’attractivité du produit
Si la plupart des banquiers sondés affirment que le crédit immobilier remboursable sur 40 ans ne remportera pas le prix de la meilleure formule de l’année, quelques-uns parmi eux ont un avis contraire. C’est le cas par exemple du directeur d’une agence bancaire BMCI, à Casablanca. «L’agence que je dirige accorde beaucoup de crédits remboursables sur 40 ans.
Au lancement, cette formule ne marchait pas très bien. Mais en 2007, avec la flambée des prix de l’immobilier, les clients ont cherché à diluer le surplus du prix en l’étalant sur la durée. Et c’est ainsi que la formule est devenue célèbre», raconte-t-il. Par ailleurs, ajoute-t-il, «nous avons signé plusieurs contrats de crédit avec des sociétés dont les directions prennent en charge une petite partie du taux d’intérêt». Autrement dit, c’est un moyen d’encourager ses salariés à contracter un crédit immobilier et devenir propriétaire.
«Mais la part prise en charge par l’employeur ne dépasse jamais les 0,5 point de taux d’intérêt», souligne le chef d’agence. Et la procédure semble fonctionner puisque la même source affirme que le crédit immobilier remboursable à 40 ans monte de plus en plus dans le classement des crédits immobiliers les plus demandés dans son agence. Exception qui confirme la règle, peut-être, pour le moment. Il n’en reste pas moins que, pour la majorité des banquiers, le produit est jugé trop peu intéressant pour la clientèle.
