Affaires
Dette extérieure : le Maroc fera son emprunt avant le mois de juin
L’accès à la catégorie Investment Grade de Standard & Poor’s le place en position favorable pour obtenir une prime de risque plus basse.
Les 14 plus grandes banques d’affaires dans le monde ont été mises en concurrence pour proposer des schémas d’emprunt.
L’emprunt sera libellé en euros et aura une maturité de 10 ans.

A près Fitch Rating en septembre 2009, c’est au tour de l’agence internationale Standard & Poor’s de relever la notation du Maroc en lui accordant l’Investment Grade. En plus des effets positifs que peut avoir une telle promotion sur l’image du Maroc au moment où plusieurs pays on subi une dégradation de leurs notes, l’annonce tombe au bon moment pour le Maroc qui, justement, se prépare à faire une sortie sur le marché financier international. La première depuis 2007, quand il avait levé 500 millions d’euros.
Pour l’emprunt en préparation, les responsables du ministère des finances ne veulent encore divulguer aucun élément précis si ce n’est qu’il sera certainement en euros et sur une maturité de 10 ans. Les 14 plus grandes banques d’affaires au monde ont été mises en concurrence depuis quelques mois et certaines d’entre elles ont même déjà remis leurs offres préliminaires. Pour quel volume, à quel taux et quand ? «Nous communiquerons à ce sujet au moment opportun», élude le directeur du Trésor et des finances extérieurs, Zouhair Chorfi, qui signale, toutefois, que, «sauf imprévu, l’opération se concrétisera probablement avant le mois de juin». C’est qu’un emprunt de ce type nécessite des préparatifs très lourds : due diligence, note d’information, rapports certifiés, négociations et sélection des banques d’affaires qui mèneront l’opération, le tout sous la bienveillance de cabinets d’avocats de renommée mondiale. Aujourd’hui, selon M. Chorfi, tout ce travail, qui doit durer au moins deux à trois mois, est très bien avancé.
Grèce : une prime de risque de 300 points de base !
En quoi alors l’annonce de la nouvelle notation aura-t-elle des effets sur la sortie du Maroc sur les marchés financiers internationaux ? Il faut savoir d’abord qu’en accédant à une double notation d’Investment Grade, le Maroc fait son entrée dans un club sélectif de 60 pays qualifiés en tant que tel, c’est-à-dire des pays qui présentent le moins de risque pour un investisseur aussi bien sur le plan politique qu’économique (voir encadré). Or, comme beaucoup d’investisseurs institutionnels à travers le monde ont pour ligne de conduite d’investir exclusivement dans les pays notés à l’Investment Grade, «le spectre d’investisseurs potentiels s’élargira considérablement», expliquait le ministre des finances, Salaheddine Mezouar, lors d’une rencontre avec les médias, lundi 29 mars.
A cela, il faut ajouter aussi le fait que la prime de risque sur le papier Maroc va forcément baisser, ce qui fera baisser la rémunération du capital et in fine les taux d’intérêts, auxquels le Maroc pourra lever les fonds à l’international. Et à propos de taux, M. Chorfi fait remarquer que l’avantage du Maroc avec cette notation Investment Grade est qu’elle confirme que son économie est en bonne santé, ce qui confirme qu’il n’a aucune contrainte urgente d’aller emprunter à l’international, ses besoins pouvant être largement couverts par les ressources internes. Du coup, explique M. Chorfi, «nous sommes dans un rapport de force en notre faveur puisque nous n’avons pas le couteau sous la gorge et nous pouvons donc imposer nos conditions». Le directeur du Trésor donne l’exemple de la Grèce qui, pas plus tard que le 29 mars, a dû accepter une prime de risque de 300 points au dessus du taux de base pour pouvoir lever les 6 milliards d’euros dont elle avait besoin, alors qu’avant la crise cette prime n’aurait pas dépassé 40 points. D’ailleurs, les investisseurs ont été fortement influencés par le fait aussi que la Grèce a été récemment dégradée.
Au-delà de l’appréciation qu’elle donne du risque pour le Maroc en tant que pays, la notation Investment Grade aura forcément aussi des retombées positives sur les opérateurs et les institutionnels marocains et plus particulièrement les institutions financières qui font appel aux marchés internationaux. La preuve, au lendemain même de l’annonce de la nouvelle notation de Standard&Poor’s, la Banque populaire a vu elle aussi sa note s’améliorer.
Maintenant, la question que se posent inévitablement les observateurs, surtout sur les places étrangères, c’est de savoir quel est le montant que lèvera le Maroc. Une question à laquelle les responsables au ministère des finances n’apporteront évidemment pas de réponse pour l’instant pour éviter toute spéculation comme c’est la règle généralement dans de pareilles opérations. Interrogé sur les critères sur la base desquels ce montant sera arrêté, le ministre des finances se contentera seulement d’indiquer qu’il sera «fonction de notre appréciation des besoins de financement du pays et de la nécessité aussi d’éviter l’effet d’éviction sur le marché intérieur». M. Mezouar poursuit aussi en expliquant que «le Maroc dispose d’une marge de manœuvre en termes de capacité d’endettement qu’il utilisera de manière parcimonieuse pour accompagner tous les programmes et réformes engagés». Mais ce n’est pas tout : l’accession du Maroc à l’Investment Grade et la rareté du papier Maroc, pourtant très recherché aussi sur les marchés internationaux, pèseront dans la balance. C’est en fonction de la demande estimée sur les marchés que les banques d’affaires conseilleront au Maroc le montant optimal à lever.
