Affaires
Dette des fonctionnaires : 94 500 DH et deux prêts en moyenne par agent
En 2010, l’encours des crédits contractés par les fonctionnaires est de 26 milliards de DH. 60% de l’encours sont des crédits à la consommation. La TGR procède au prélèvement à la source pour 275 000 fonctionnaires en tout.

A près avoir évolué à un rythme annuel moyen de 2,2 %, l’endettement des fonctionnaires s’est vigoureusement accéléré depuis 2008. Les multiples revalorisations des rémunérations intervenues dans la fonction publique depuis cette date, à la suite du dialogue social notamment, y sont sans doute pour quelque chose, sinon pour beaucoup.
Selon des données du ministère des finances, recoupées auprès des sociétés de financement, l’encours de la dette des fonctionnaires s’élevait à 26 milliards de DH au titre de l’année 2010. Il concernait 275 000 agents, soit environ un tiers de l’effectif global des fonctionnaires. Arithmétiquement, chacun de ces agents a une dette moyenne de
94 545 DH.
C’est que cet encours est en hausse de 26% par rapport à 2008. Ce faisant, le taux d’endettement (rapport entre charges de remboursement et salaires), qui était de 20,14% en 2008, est passé à 23% en 2010. Environ 60% (15,6 milliards) de cet encours est constitué de crédits à la consommation, contractés pour l’essentiel auprès des établissements spécialisés, mais aussi directement auprès des banques – une pratique de plus en plus répandue. Autrement dit, presque la moitié de l’encours global des crédits à la consommation en 2010 (32 milliards de DH environ) était détenue sur les fonctionnaires.
Autre indicateur de la hausse de l’endettement des fonctionnaires, le nombre moyen de dossiers d’emprunt par fonctionnaire est passé de 1,45 en 2008 à 2,1 en 2010. Cette augmentation est intervenue alors même que les sociétés de financement ont recours, depuis 2007, au regroupement des dossiers en vue d’en réduire les coûts de gestion.
Pour ne parler que des prêts contractés auprès des sociétés de crédits à la consommation, leur encours à fin mars 2011 s’élève à 13,374 milliards de DH, soit une hausse de 4,1 % par rapport à mars 2010. Cet encours porte sur 509 722 dossiers au lieu de 507 085 en mars 2010. Il faut néanmoins préciser ici, comme l’expliquent les responsables de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF), que ces dossiers, si nombreux, concernent à la fois des fonctionnaires actifs et des retraités.
L’endettement, signe de l’amélioration des salaires ?
Comme on le voit, le gros, soit plus de la moitié, de l’endettement est contracté auprès des sociétés de financement. Et le reste ? Le reste de l’encours est dû aux banques, aux associations des œuvres sociales et aux assurances. Autrement dit, environ 99 % des 26 milliards de DH d’encours sont des crédits (au logement, à la consommation, etc.), le 1 % restant étant constitué d’oppositions juridiques (pensions alimentaires, loyers non payés, etc.), selon les indications du ministère des finances. Rappelons que la Trésorerie générale du Royaume (TGR) procède à un prélèvement à la source, dit précompte, au titre des remboursements de crédits des fonctionnaires, quelle que soit la nature de ces dettes, ainsi que des oppositions juridiques.
Mais, et il faut le savoir, tous les fonctionnaires ne sont pas «précomptés» par la TGR. Il y en a, en effet, qui contractent des crédits en dehors du cadre des conventions établies entre le Centre national de traitement (CNT – ex-Doti), d’une part, et les sociétés de financement et les associations des œuvres sociales, d’autre part. Ce qui signifie que le nombre de fonctionnaires endettés est en réalité plus élevé que ne le montrent les statistiques des Finances.
Qu’est-ce qui explique cet emballement du crédit chez les fonctionnaires, alors même que le minimum «incessible» pour ainsi dire, c’est-à-dire ce qui doit obligatoirement rester du salaire après que toutes les traites ont été payées, a été relevé en 2009 de 1 000 DH à 1 500 DH ?
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser de prime abord, le fort taux d’endettement peut être (doit être ?) interprété comme le signe d’une amélioration des rémunérations des fonctionnaires – partant du principe qu’on ne prête qu’à ceux qui ont les moyens de rembourser.
Comme nous l’indiquions dans nos précédentes livraisons (voir La Vie éco du 29 avril 2011), ce sont 46 milliards de DH qui ont été injectés, sous différentes formes, dans les revenus (traitements principalement, mais aussi retraites, allocations familiales etc.) entre 2000 et 2010. En moyenne, les rémunérations, sur cette période, ont augmenté de 7%.
Ces revalorisations, intervenues dans un contexte de maîtrise de l’inflation, ont, en outre, coïncidé avec la baisse des taux d’intérêt, ce qui a rendu d’autant plus facile l’accès au crédit.
Faut-il pour autant crier au surendettement des fonctionnaires ? Le minimum «intouchable» du salaire est en tout cas respecté, selon les précisions des finances. A cela, il faut sans doute ajouter que les prêteurs sont censés vérifier à chaque fois la solvabilité des demandeurs de crédits, même si, on le sait, certains ont tendance à dépasser les normes fixées par la réglementation ou la pratique bancaires.
Quoi qu’il en soit, pour la croissance économique, c’est évidemment une bonne chose, puisque celle-ci est tirée principalement par la consommation des ménages.
